Les détails historiques montrent que les pratiques d'allaitement maternel datent de 3000 avant J.-C., en Égypte, et Mésopotamie. Les nourrissons ont été allaités de façon systématique jusqu'à l'âge de deux ou trois ans.
Cependant, la qualité nourricière du lait comptait plus que le lien émotionnel entre la mère et l'enfant. L'allaitement maternel ne symbolisait pas la maternité émotionnelle, mais la maternité de soins et de bien-être du nourrisson.
On trouve une abondance d’objets liés au sein, fabriqués dans ces régions, témoignant de l'importance symbolique du sein nourricier : figurine avec des seins saillants, sculpture en pierre représentant des femmes à forte poitrine.
On retrouve en Égypte des représentations d'Isis allaitant son fils Horus, que les historiens de l'art considèrent comme le prototype des images ultérieures de la Vierge allaitante, caractéristique dans l'art judéo-chrétien ultérieur.
La Madone allaitante (ou Madonna Lactans) est un motif répété dans l'art de l'Europe continentale du Moyen Âge jusqu’à la Renaissance. Marie est vénérée comme la mère idéalisée : une personne mortelle nourrit l'enfant divin de son sein.
La Madone et l'enfant (Madonna Litta) de Léonard de Vinci (1452-1519) peinte vers 1482 est un bon exemple de cette tendance.
L'enfant Jésus est nu, tenu dans les bras de sa mère alors qu'il se détourne d'elle pour regarder le spectateur, la tête de Marie regarde le nourrisson avec une tendre admiration. Avec sa main dodue, Jésus saisit la poitrine, qui surgit de la robe rouge. Cette Madone existe grâce à son fils, dans un renversement de l'ordre naturel des choses ; lorsque l'enfant existe, la mère peut avoir un rôle et un pouvoir.
Les historiens de l'art ont interprété la poitrine de Marie comme un amalgame de désirs érotiques et spirituels, une sorte d’érotisme pur et aseptisé. D'autres pensent qu’il s’agit d’une construction élaborée d'un mythe psychique, un moyen de restaurer le lien maternel et l’image de la mère.
Une autre théorie suggère que la Madone allaitante, symbolise le réconfort maternel, dans une période de bouleversements politiques et religieux, d'épidémies (y compris la peste noire), de mauvaises récoltes et d’approvisionnement alimentaire peu fiable.
Au 18e siècle, Rousseau (1712-78), dans son célèbre livre : Émile (1762), s'oppose à la tradition des nourrices considérée comme la cause de la plupart des maux sociaux, et invite les mères à allaiter.
La nourrice est devenue le bouc émissaire pour les problèmes comportementaux ou médicaux de l’enfant.
Après la révolution de 1789, l'allaitement en public devient un signal de soutien et de fidélité à la République. La croisade contre les nourrissons est justifiée par la préservation de la santé des nourrissons, par la médicalisation des naissances et par les préoccupations de l'État-nation de sa démographie.
Plus tard, Freud sexualise le sein maternel, et le lien entre la mère et l’enfant. Le caractère sacré de l’allaitement laisse place dans notre culture aux soins, et à la protection, motivés par l’amour maternel. Le sacré laisse place aux émotions.
Victoria Pitts-Taylor : CULTURAL ENCYCLOPEDIA OF THE BODY, GREENWOOD PRESS, 2008
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