siecle-lumires

siecle lumires

 

 

Au 18e siècle, la première révolution sexuelle secoue la société européenne, la galanterie devient sexualité, la liberté inclut le libertinage, la religion est critiquée, l’austérité est combattue. Le plaisir épicurien est recherché, la jouissance est un but en soi.

 

 

Libertinage comme liberté

 

 

Le libertinage est un courant à cheval sur le 17ème et le 18ème siècle. La France connaît une situation politique sans précédent. Monarchie absolue, tout est centralisé à  Versailles, la politique étrangère du Roi installe le pays au centre de l’Europe, lui procurant un rayonnement culturel inégalé pendant un demi-siècle, Paris devient la capitale de la culture et du bon goût.

Louis XIV impose un état autoritaire, et un climat d’uniformité. La France est gouvernée par un seul homme, fidèle à une seule religion. L’Edit de Nantes est révoqué, prétendu mettre en péril cette uniformité.  Des flots de littérature de propagande sont diffusés, produits par les membres de l’église catholique romaine visant à soutenir cette conformité sociale, des ouvrages prônant l’intolérance religieuse et la conversion forcée des protestants. C'est dans cette uniformité sociale imposée que le libertinage va naître, dès les premières persécutions protestantes qui précédent la révocation de l’édit de Nantes, et durent jusqu’à la révolution française. La politique de Louis XIV associée aux universités, aux églises et à l’état a fini par créer un conservatisme social et intellectuel, et une vérité officielle dogmatisante. Ce conservatisme englobe les questions religieuses, les questions liées à l’homme, à la nature et à la société.

Le libertin du 17ème s’oppose à l’idéologie dominante en réhabilitant un système de pensée stigmatisé ou combattu, jugé honteux ou néfaste pour le pays,  mettant en cause la politique royale et les agissements du clergé. Les libertins au 17e siècle tentent de sortir des vérités officielles ; les vérités autorisées ne permettent pas aux sciences et à la culture de s’adapter avec l’évolution  scientifique, (à l’exemple de Gassendi) et d’appeler à la tolérance en insistant sur la différence entre tolérance et laxisme comme écrivait Bayle. La relation entre l’homme et Dieu, entre l’homme et la nature sont des questions largement discutées  au 17e siècle.

Un nouveau siècle arrive, escorté de nombreux bouleversements scientifiques et culturels. Les mentalités changent. La  nécessité  de  la  monarchie est discutée en raison de ses excès et de ses échecs, une remise en cause du régime politique, l’apparition des notions comme le contrat social, la revendication d’une nouvelle approche de la nature, tant en science qu’en philosophie.

Le libertin au 18ème siècle utilisera sa raison pour comprendre, pour critiquer et maîtriser les idées et les mœurs de son temps, alors que ses contemporains s’y soumettent sans les comprendre. Le 18e siècle milite pour une démarcation nouvelle entre la science et la religion, le religieux et le dogmatique doivent être écartés de la connaissance scientifique, car ils lui sont néfastes. 

L’esprit critique prend une importance capitale,  on voit apparaître un nouveau genre d’ouvrage : le roman libertin qui traite les traits de la société d’une façon plaisante légère ou caustique, en la travestissant lorsque les attaques contre le pouvoir en place sont sévères.

Le plaisir prend un nouveau statut, s’inscrit dans la nature de l’homme, et acquiert une nouvelle justification. Les thèses épicuriennes deviennent de moins en moins scandaleuses. Les pratiques amoureuses et voluptueuses sont décrites comme naturelles, et se trouvent réhabilitées.

Le libertinage au 18e voit un jour nouveau, s’appuyant sur de nouvelles thèses, se permettant des arrangements avec Dieu, refusant les dogmes de l’église et critiquant la monarchie absolue. La négation de la morale entraîne une justification de bon nombre d’actions scandaleuses aux yeux de la religion. La plus criante, car touchant le plus la nature, est cette idée que le meurtre est louable, car s’inscrivant parfaitement dans le cours de l’univers.

Dans son roman, les Bijoux indiscrets, Diderot écrit une fable sensée se passer au Congo. Il décrit le règne d’un roi du Congo, qui cache en fait la figure de Louis XIV, un roi despotique, dépensier, autoritaire, incompétent, aux mœurs perverties, avec un passage où est critiqué la révocation de l’Édit de Nantes, ainsi que le rôle de l’église catholique dans cette affaire.

 

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Boucher , sommeil de vénus

 

Erotisme littéraire et artistique  

 

 

Le 18ème siècle est un siècle d’aisance, de spéculation financière et d’une  mondialisation débutante. L’érotisme au 18e  siècle est littéraire et artistique.

Ces publications mettent en cause les deux pouvoirs en exposant les débauches du monde ecclésiastique et l’immoralité des certains aristocrates. L’écrit érotique comprend le roman libertin, mais aussi des chansons ou encore des poésies, parfois même des pièces de théâtre. Le XVIIIe siècle apparaît comme un « âge d’or » de cette littérature.

Pour expliquer cette croissance de produits culturels érotiques au XVIIIe siècle, certains évoquent la libéralisation des mœurs comme conséquence du développement d’une idéologie des Lumières.

Le roman érotique devient un genre avec des formes et codes qu’on retrouve plus ou moins dans la peinture.

Les thèmes abordés sont également variés, avec des effets de « mode ».

Ce genre s’adresse à un spectateur « voyeuriste » et curieux. Le lecteur est pris en compte dans la conception du récit, et la narration tente de  provoquer l’émoi du spectateur. Le but recherché est le plaisir.

Cette culture érotique met en scène la découverte du corps, l’initiation aux pratiques sexuelles, dans une utilisation récurrente de la raillerie et de la dérision. Le ton est souvent moqueur espiègle. Le pouvoir interdit ces livres selon des critères peu précis qui varient d’une époque à une autre, d’un livre à un autre. Les mesures de censure et de répression sont néanmoins jugées inefficaces par les historiens. 

Si le livre érotique est aussi pourchassé, c’est indéniablement pour son traitement de la sexualité, mais également pour ses critiques sociétales et politiques.

Ces romans peuvent inclure des dissertations philosophiques associées à des passages virulents à l’encontre du système.  Une des cibles privilégiées des romans et des chansons au XVIIIe siècle est la maîtresse du roi ; les mœurs dissolues du roi, madame de Pompadour puis la comtesse du Barry.

 

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Boucher, Diane sortant de son bain

La religieuse, et l'homosexualité féminine 

 

Le Siècle des lumières va profondément modifier d'une manière progressive le continent européen. Cette mutation sera longue et pénible en ce qui concerne le sociétal. Les idées progressistes sur le plan juridique ou économique ne s'étendaient pas toujours à la vie privée.
Pendant ce siècle, la libération de la sexualité de l'emprise religieuse sera longue et conflictuelle entre libertins et moralisants, entre libertaires et conservateurs.

L'homosexualité féminine n'était pas considérée comme un facteur de risque ou de troubles sociaux. Ni encouragement, ni répression, mais une indifférence dictée par l'idée que la sexualité sans pénis n'est pas une sexualité, et que la femme ne peut avoir de plaisir sexuel sans l'homme.

Au 17e siècle, l'homosexualité féminine était rarement punie. Nous connaissons l'histoire de la sœur Benedetta dans un couvent à Nantes, qui a eu une relation sexuelle et romantique avec une autre sœur. La sœur Benedetta fut punie, légèrement, pour avoir désobéi aux règles du couvent, et non pas pour avoir eu des relations romantiques et sexuelles avec une autre sœur. Sa partenaire n'a pas été inquiétée.

La naissance de l'individualisme s'accompagna d'une recherche de libération sexuelle. Les libertins ont été présentés comme des gens cherchant à corrompre les femmes mariées, et à ruiner la vertu des vierges. Le libertinage était lié à la mode, à la modernité, à la consommation, aux vêtements coûteux, et aux discussions osées.

On retrouve dans ce mouvement de libertinage, certaines racines de l'identité homosexuelle.
La grande majorité des libertins était hétérosexuelle ou bisexuelle, par contre, l'esprit de libertinage validait les goûts personnels en matière de sexualité, les préférences, et la recherche du plaisir.

Peu de gens avaient les moyens d'être libertins à cette époque, il fallait être riche, puissant, et capable d'ignorer ou de se détacher de la pression sociale. Le libertinage était un sport coûteux, pratiqué par des gens riches, bien installés dans la société, généralement aristocratiques et cultivés.

À cette époque, Denis Diderot publie son roman " la religieuse ", pour dénoncer l'emprise de l'église sur la sexualité.


Diderot est matérialiste, il ne croit pas à la dualité du corps et de l'âme. Parler du corps ou des passions humaines revient donc à parler de la même réalité humaine sous deux angles différents. Il est difficile de classer Diderot en libertin, sensualiste, ou en homme qui encourage le plaisir et  et la liberté sexuelle.

La Religieuse est un roman fondateur pour l'histoire de l'homosexualité en littérature française : le premier personnage est une lesbienne, souffrant jusqu'à la folie et la mort, de l'impossibilité de concilier ses désirs avec une religion exigeant le contrôle de ses désirs. Plus de 60 ans avant Splendeurs et Misères des courtisanes de Balzac, Diderot met en scène pour la première fois une relation lesbienne, en tentant une description littéraire de l'orgasme lesbien ; une première dans la littérature.


Suzanne Simonin raconte comment elle est traitée par sa supérieure :

" Elle m'invitait à lui baiser le front, les joues, les yeux et la bouche. La main qu'elle avait posée sur mon genou se promenait sur tous mes vêtements, depuis l'extrémité de mes pieds jusqu'à ma ceinture, me pressant tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre. Enfin il vint un moment, je ne sais si ce fut de plaisir ou de peine, où elle devint pâle comme la mort ; ses yeux se fermèrent, tout son corps se tendit avec violence, ses lèvres se pressèrent d'abord, elles étaient humectées comme d'une mousse légère ; puis sa bouche s'entrouvrit, et elle me parut mourir en poussant un profond soupir. Je me levai brusquement je voulais sortir, appeler. Elle entrouvrit faiblement les yeux, et me dit d'une voix éteinte : "Innocente ! Ce n'est rien". J'allais près d'elle ; elle me fit signe encore de la main de m'asseoir sur ses genoux ; je m'assis ; elle était comme morte, et moi comme si j'allais mourir. Son visage s'était animé des plus belles couleurs "

Diderot glisse le thème du " mal " ou de la " maladie ", pour décrire ce besoin sexuel pressant chez les femmes lesbiennes.

Diderot ne prétendait pas décrire un orgasme, ce terme n'existait pas, l'orgasme sexuel féminin était inconnu. Diderot décrit un plaisir sexuel entre deux lesbiennes.

Références:  


Meril. D. Smith : the greenwood encyclopedia of love, courtship and sexuality, vol 4, Greenwood press, 2008

Mehouvin Lisa :  Fragonard : Désir, Séduction et Erotisme: Regard contemporain sur un siècle de sensualité, Edit causam, 2021

Teyssèdre Bernard , L'Histoire de l'art vue du Grand Siècle. Paris, Julliard, 1964.

Faré Michel, Le Grand Siècle de la nature morte en France: le XVIIe siècle. Fribourg, Office du Livre,