Giovanni Giannini illustration mille et une nuit

 

 

Sir Richard Francis Burton (1821-1890) est un Anglais, décrit comme une légende. Aventurier, « célèbre explorateur, anthropologue et linguiste, agent secret, soldat, scientifique, traducteur, « gentleman féru d'exotisme et d'art érotique », diplomate, écrivain ou héros selon certains.
On ajoutera à la liste de ses prouesses la traduction des Mille et une nuits, la « découverte » et la traduction du Kamasoutra puis la traduction d’un ouvrage arabe d’érotologie, le jardin parfumé.

Dans sa préface, Wright (1906) explique que la femme de Burton, Isabel, a écrit en 1893 une biographie de son mari afin de faire taire les calomnies qui circulaient à son sujet.
Craignant pour sa réputation et celle de son mari, Isabel Burton brûla un certain nombre de manuscrits attribués à Richard Burton. La pratique de brûler les livres licencieux à la mort de leur propriétaire était répandue dans l'Angleterre au 19e siècle.

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Le Kamasoutra

Quand Richard Francis Burton, ancien capitaine de l’armée de la Compagnie des Indes orientales tombe sur un recueil compilé entre le IVe et le VIIe siècle par Vatsyayana Mallanaga, philosophe médiéval, et l’Anglais y découvre la sexualité humaine comme moyen d’atteindre l’élévation spirituelle.


Le plus ancien texte sur l’amour charnel dévoile ses recettes pour la bonne pratique des activités intimes, une réflexion sur les buts de l’existence, un recueil de conseils pour le choix d’une épouse, ses devoirs et ses privilèges et un guide pour une sexualité épanouie. L’ouvrage est illustré de miniatures riches et colorées représentant les postures évoquées.

En s’engageant dans la traduction et la publication, Richard Francis Burton se place sous le coup de la loi sur les publications obscènes. Peu importe le prix, Burton, qui vient d’être nommé consul à Trieste, a fondé une société d’édition fictive, la Kama Shastra Society, avec un faux lieu d’édition, et préfère pour plus de discrétion ne publier l’ouvrage que sur souscription.
A cette époque, seules les femmes immorales ressentent du désir sexuel et les hommes, esclaves de leurs appétits incontrôlables ne peuvent être blâmés.
Burton veut rompre cette conspiration qui pèse sur la vie sexuelle de ses contemporaines en prouvant que, sous d’autres latitudes, la femme assume librement sa sexualité.

 

Richrad Burton

 

Le Kamasoutra commence son histoire en Occident à la fin du 19e siècle, par Sir Richard Burton et la première traduction du Kamasoutra .


Il est vrai que personne d'autre n'avait écrit à propos du Kamasoutra avant Burton. Après avoir réuni quatre copies partielles du manuscrit du Kamasoutra (provenant des bibliothèques de Bombay, de Bénarès, de Calcutta et de Jeypoor) une version intégrale du texte est née. La première traduction de Burton reste aujourd'hui la plus fréquemment éditée, même si elle a été l'objet de nombreuses critiques. Par la suite, d'autres traducteurs reprendront cette version.
Il a confié la traduction du texte originel à deux érudits hindous, et c’est en
1876 qu’il arrive avec son épouse à Bombay, pour en découvrir la première version achevée. Burton reprend, corrige, annote les lignes, dans lesquelles le plaisir de la femme est validé, estimé, recherché même.

Ce célèbre texte peu lu un objet culturel. Il est abondamment cité en Occident. Livre d'origine hindoue, datant des premiers siècles de l'ère chrétienne, il connaîtra en Inde une grande renommée comme référence dans le genre littéraire érotique. En 1883, le Kamasoutra est publié sous la direction de Sir Burton pour un cercle de gentlemen amateurs d'écrits érotiques. Aussitôt, il a été censuré et interdit de publication dans les pays occidentaux, jusqu'à sa redécouverte dans les années 1960 .

 

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On peut traduire «Kamasoutra» par « aphorismes sur le Désir », maxime ou pensée destinée à l'enseignement des jeunes - filles et garçons.
Le livre est écrit dans un style sérieux, austère, schématique, précis comme un code de loi. Parmi les techniques exposées, il y a celles pour bien vivre (dans le livre l), pour faire l'amour (livre 2), pour séduire un(e) partenaire (livre 3), pour bien se conduire lorsqu'on est une épouse (livre 4), pour séduire les femmes (livre 5), pour réussir dans la vie si l'on est une courtisane (livre 6) et enfin pour utiliser des pratiques occultes, telles que l'envoûtement de partenaires, l'utilisation d'objets sexuels ou les aphrodisiaques (livre 7).

L’auteur s’adresse aux hommes désireux de bien se comporter envers le sexe d’une femme, « fleur de lotus, soleil qui éclaire de ses rayons». Ils doivent adopter le comportement adéquat afin « qu’elle ne se referme pas et répande son parfum ». On y conseille d’attendre après le mariage au moins dix jours avant de consommer l’union charnelle, que la femme soit prête à recevoir l’époux. « La femme a envie de préliminaires qui soient tendres eux aussi, et quand elle n’acquiesce que du bout des lèvres, parfois ces préliminaires lui rendent haïssables la fusion amoureuse, et haïssables aussi, parfois, le sexe masculin »
L’auteur conseille à l’amant d’utiliser tous ses membres pour « doubler la volupté de la femme ainsi caressée et hâter son spasme de manière à le faire coïncider avec celui de l’homme ».
L'émergence du Kamasoutra dans l'Angleterre victorienne «scandalisa» la bonne société de l'époque.
Certains auteurs n'hésitent pas à proclamer la valeur universelle et éternelle du Kamasoutra. Pour certains, il symbolise l'érotisme oriental, alors que pour d'autres, représente un texte lubrique.
Les réinterprétations du Kamasoutra sont un sujet passionnant à notre époque de mondialisation, d‘influences culturelles mutuelles. D’autre part, le Kamasoutra pose des questions utiles sur la sexualité en anthropologie.

 

Jardin parfumé

Lorsque l'explorateur Richard Burton meurt en 1890, sa femme Isabel brûla des dizaines de ses œuvres inédites. Dans une lettre au journal Morning Post, elle avoue avoir détruit sa nouvelle traduction d'un manuel sexuel arabe, le jardin parfumé. "Sur deux mille hommes, quatorze le liraient probablement dans l'esprit de science dans lequel il a été écrit", écrit-elle, "les autres le liraient pour l'amour de la saleté, et le transmettraient à leurs amis, et le mal fait sera être incalculable.

Écrit en arabe du XVe siècle, le manuel sexuel tunisien « le jardin parfumé » peut sembler hors de propos aujourd'hui. Pourtant des générations de traducteurs se sont penchées sur ses conseils.
Contrairement au kamasutra, bien apprécié dans son pays d’origine, le jardin parfumé est un livre presque inconnu dans le monde arabe.

L'intérêt des Anglais du 19e siècle pour Le Jardin parfumé laisse perplexe. Ecrit entre 1410 et 1434 pour un ministre du sultan de Tunis, le traité est un guide sexuel pour les hommes mariés. Le contenu va des conseils sur les positions sexuelles, aux formes du pénis, aux remèdes contre l'impuissance.

Nafwazi fournit des dizaines de surnoms pour le pénis : les traductions approximatives incluent «pigeon», «pleureur », « long cou », « chèvre » et « Cyclope », « plongeur ».

Le traité s'appuie sur une longue histoire de la sexologie islamique présente dans des ouvrages plus sérieux. L'étude du sexe était l'une des sciences qui ont construit la civilisation islamique.
La première traduction de Burton avait corrompu la prose originale, fabriquant des détails exotiques sur le monde arabe dans un style fleuri et exagéré qui reflétait la vision colonialiste du 19e siècle en restant convaincu qu’il manquait à son manuscrit un « chapitre perdu » sur l'homosexualité.


Burton s'est rendu à Alger à la recherche du manuscrit original du livre, qui selon lui, ferait référence à l'activité gay. Burton consacra ses dernières années à une deuxième traduction qui a transformé le court traité d'al-Nafwazi en un livre de 1 282 pages, dont un essai de 200 pages sur la sodomie.
Ce livre si réputé en Angleterre a connu en France peu de renommée et demeure une lecture marginale. La relation des français avec la sexualité n’est pas la même que celle des anglais au 19e siècle.

Mile et une nuits

 

Mille et une nuits (arabian Nights)

Les mille et une nuits est une collection d'histoires et de contes, un recueil de fables, de contes de fées, romances et d'anecdotes historiques provenant de diverses sources ethniques, notamment de traditions orales indiennes, persanes et arabes qui constituaient l’empire musulman de cette époque.
Dans ces histoires, les habitants d'un royaume magique et mystérieux, d'une richesse illimitée et d'une pureté absolue partagent leur empire avec des djinns, de diables, de lutins, des hommes volants, des chevaux volants, de la magie, des danses, des oiseaux surnaturels, des poissons parlants et des scènes exotiques et érotiques de harems, d'esclaves, de princes et de rois, et de gens ordinaires.
Tout le monde est amoureux des aventures d'Aladdin, d'Ali Baba et de Sinbad le marin, de Shahryar, le roi fou dominé par la femme la plus connue de la terre : Shéhérazade.

André Gide écrivait :
« Les trois mères des livres du monde ; La Bible (Ancien et Nouveau Testament), les poèmes d'Homère (Iliade et Odyssée) et Les Mille et une Nuits ».

Mille et une nuits est une aventure arabe et européenne. Sans certains Européens, ce livre aurait été laissé dans les tiroirs de l'oubli pour toujours.

 

 

Milles et une nuit en France

Le début commença avec le diplomate français "Antoine Galland" (1646-1715), nommé à Constantinople, capitale de l'Empire ottoman, en tant que secrétaire de l'ambassadeur de France à la fin du 17e siècle.
Son travail réel se limita à rassembler les manuscrits accessibles en Orient et de les envoyer au trésor du roi. Galland obtint des manuscrits des " Mille et une Nuits", dont des parties sont encore conservées à la Bibliothèque nationale de Paris. Il revint avec les manuscrits, où il travailla à les traduire à sa manière.


Galland n'avait pas la rigueur d’un traducteur, mais le talent d’un écrivain. Il a effectué « de larges remaniements » du texte arabe : il raccourcissait ce qu'il considérait ennuyeux, détaillait certaines scènes sexuelles, ajoutait des descriptions, supprimait des poèmes, habillant le manuscrit d'une robe européenne.
La vision des Français, et après eux des Européens, de l'Orient et de ses habitants était imprécise. Les Français considéraient ce manuscrit comme un moyen simple de connaître les peuples de l'Orient et leur monde plein de magie sans la difficulté de s’y rendre.
Les « Mille et Une Nuits » sont arrivées dans une atmosphère complètement différente de son contenu, une époque désirant la romance, aspirant à l’évasion et à l’imagination, absentes dans la littérature européenne de l’époque.

« Soudain révélés à notre monde des trésors d'art narratif qui ne s'apparentent en rien à la mauvaise poésie de cour française ni aux contes magiques naïfs, et la foule s'est enthousiasmée de ces contes. «
— Stefan Zweig (1881-1942), écrivain autrichien

La traduction de Galland connut un succès rapide et se répandit dans toute la France et en Espagne. Il a été réimprimé des dizaines de fois au 18e siècle.
La traduction de Galland est éloignée du texte original, vers une version du livre adaptée aux coutumes françaises de son époque. Les personnages se saluent à la française, et s'exclament "Bon Dieu !", mangent des "tartes à la crème".
Au cours de l'année 1705, une traduction anglaise intitulée "The Arabian Nights " obtint un succès retentissant. Les Britanniques trouvèrent dans les contes des Mille et Une Nuits un trésor qui enflamma leur imagination et leurs sentiments.

 

 

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Milles et une nuit en Angleterre

Richard Burton publia en 1885 sa propre version de l'œuvre, intitulée The Book of the Thousand Nights and a Night, qui se caractérise par l'accent mis sur l'imagerie sexuelle et introduit des accents locaux dans le discours du livre.
La version de Burton est différente de la version de Galland et de la version originale. Burton utilise l'anglais du 14e siècle avec des archaïsmes et des néologismes. La version de Burton est plus érotique que la version de Galland, et agréable à lire.
Le livre raconte l'histoire de Shéhrazade et le roi Schahriyar, roi misogyne et omnipotent, épouse et tue une femme l’une après l'autre pour se venger parce que sa première épouse lui a été infidèle. Il épouse Shéhrazade et pendant leur première nuit, elle lui raconte une histoire qui, à l'aube, ne s'arrête pas. Le roi désireux de savoir comment elle se termine, permet à Shéhrazade de vivre un jour de plus et ainsi de suite.
Les histoires de Shéhrazade sont comme des mirages, un labyrinthe d’un monde séduisant et merveilleux.
Les Mille et Une Nuits ont influencé la littérature européenne et américaine, comme en témoignent des œuvres telles que les Lettres persanes de Montesquieu, Le Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas, La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas, Son, Zanoni de Bulwer Lytton et Histoires extraordinaires d'Edgar Allan Poe.

En 1885, le succès de sa traduction du Livre des Mille et Une Nuits couronnera sa carrière d'éditeur et d'écrivain orientaliste, riche d'une cinquantaine d'ouvrages. Cette popularité assurera celle de son Essai final dont la section dédiée à l'homosexualité est considérée comme la première étude de ce genre parue en Angleterre.

 

 

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Les Mille et une Nuits : Critique

Dans ses travaux et ses éditions, Richard Burton était un orientaliste. Ses traductions comme celles de Galland ont contribué à éveiller la curiosité de l'Occident pour l'Orient en général, même si ces deux notions manquent de véritable signification. Les lecteurs occidentaux étaient fascinés par ce monde lointain.

Edward Said dans son livre Orientalisme, met en garde contre les préjugés qui construisent un concept de l'Orient dans les nations occidentales ; un tel concept est utilisé pour justifier les politiques coloniales et les politiques de domination.

On peut discuter la valeur académique de ces traductions ou de ces adaptations pour un public européen. Cependant, ces traductions ont permis de populariser ses livres et leurs cultures.