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Immortelle Henrietta Lacks

Henrietta Lacks

 

Henrietta Lacks est née Loretta Pleasant en août 1920 à Roanoke en Virginie. Après le décès de sa mère, la petite Henrietta a été élevée par son grand-père Tommy Lacks. Elle partageait sa chambre avec son cousin David Lacks (1915-2002). Le 10 avril 1941 elle se maria avec lui, ils eurent cinq enfants. Elle travailla par la suite dans les champs de tabac.


Le 29 janvier 1951, elle se plaignit de douleurs, d'une masse dans l'abdomen, et de saignements vaginaux. Elle se rend alors à l'hôpital Johns-Hopkins pour se faire examiner. Elle n'avait aucune anomalie du col de l'utérus lors de la visite de contrôle après son accouchement. Après avoir donné naissance à son cinquième enfant, Joseph, elle avait saigné abondamment. Les médecins avaient suspecté la syphilis, mais le test était négatif.


Le médecin effectua une biopsie du col utérin. L'examen révéla une tumeur maligne invasive. Le traitement de l'époque était la curiethérapie qui consistait à planter dans la zone tumorale deux aiguilles de radium.


"À l'époque, j'avais déjà vu de nombreuses patientes atteintes d'un cancer du col de l'utérus défiler dans mon cabinet", écrira plus tard Howard Jones, son médecin traitant à l'hôpital Johns-Hopkins. "Cependant, cette tumeur n'avait rien de commun avec les autres. Elle était aussi grosse qu'une pièce de monnaie, présentait une couleur violette et était de texture souple, alors que ces tumeurs sont habituellement rigides ou dures."


Howard Jones a prélevé des cellules à sa patiente - le 8 février - et a remis l'échantillon de tissu tumoral au laboratoire dirigé par son collègue George Gey et son épouse Margaret. Ces derniers ont alors placé l'échantillon dans un mélange composé de plasma de poulet, d'extraits d'embryons bovins et de sang de cordon humain, l'ont mis au réfrigérateur - et ont attendu la nécrose imminente du tissu. Jusqu'alors, aucun laboratoire n'avait réussi à conserver des cellules humaines en vie plus de quelques semaines.


Cependant, les cellules, sur le contenant desquelles Margaret Gey avait inscrit les initiales du nom de la patiente ("HeLa"), n'ont cessé de se multiplier. Leur nombre a doublé en une nuit. Et entre le 9 et 10 février, des millions de cellules humaines ont rapidement fait leur apparition, les premières à s'être multipliées en laboratoire et à avoir survécu plus de quelques jours. Ce fut une véritable révélation scientifique.


Le 8 août, Henrietta Lacks bénéficia d'un nouveau traitement, mais elle décède le 4 octobre 1951 à l'âge de 31 ans.
L'autopsie mit en évidence la présence d'une tumeur maligne avec métastases.

cellules HeLa culture chimiotherapie

Les cellules pèsent 50 millions de Tonnes.

Dans les années 50, il est difficile de garder une cellule tumorale en vie (hors du corps humain). En dépit de nombreuses techniques, la culture de cellules humaines échouait, les cellules séparées de leur corps d'origine mourraient en quelques heures.

Les chercheurs tentaient depuis longtemps de maintenir en vie des cellules humaines en culture pour tester des médicaments et pour comprendre le fonctionnement de la cellule humaine, surtout la cellule cancéreuse. Pour la première fois, les cellules d'Henrietta Lacks se sont avérées différentes. Le lendemain, une nouvelle génération cellulaire apparaissait. Depuis, elles n'ont jamais arrêté de se multiplier. Les cellules d' Henrietta Lacks sont toujours vivantes in vitro, immortelles.

La vie d'une cellule humaine normale est contrôlée par des enzymes et par des protéines. Après sa naissance, elle est différenciée et gouvernée par un système complexe de régulation. Plusieurs protéines vont maintenir la cellule et contrôler sa prolifération. En cas de trouble du système de régulation, l'équilibre peut se briser. La cellule peut mourir (nécrose) ou proliférer (division ou mitose.)  Lorsque des cellules se mettent à proliférer de manière anarchique, elles forment une tumeur bénigne ou maligne (cancer).


Au début, les médecins ont pensé que ces cellules pourraient favoriser la culture d'autres cellules tumorales comme les cellules des tumeurs hépatiques ou pulmonaires. Ils vont découvrir que ces cellules ne favorisaient pas la prolifération d'autres cellules, et continuent à proliférer d'une façon autonome cela au contact d'autres cellules tumorales.


Pour la première fois dans l'histoire de la médecine, il était possible de réaliser des recherches approfondies sur des cellules humaines. George Gey a envoyé les cellules "HeLa" à d'innombrables laboratoires dans le monde entier. Des scientifiques ont commencé à mélanger leur nouvel objet d'étude à des cellules de souris et de poulet, pour analyser les répercussions du cancer, de la poliomyélite et du sida. Les cellules "HeLa" ont fait l'objet de recherches multiples, et elles le sont encore aujourd'hui.


Actuellement, on découvre plus de 60 000 études réalisées à partir de ces cellules. Ce chiffre ne prend pas en compte les études réalisées dans les années 50 et dans les années 60. Selon l'estimation d'un scientifique, les cellules Hela ont produit jusqu'à maintenant l'équivalent de 50 millions de tonnes de tissu.


Pour l'instant, les chercheurs sont encore incapables de dire avec exactitude pourquoi ces cellules-là, précisément, se sont multipliées aussi rapidement. En 2013, la revue nature a publié une étude tentant d'expliquer l'immortalité de ces cellules.
Une équipe de l'université de Washington a mis en évidence la présence du virus papillomavirus dans le génome de ces cellules. Il s'agit d'un virus sexuellement transmissible, capable de provoquer la cancérisation des cellules infectées. Dans ce cas précis, le gène cancérigène de virus s'est inséré dans le noyau de la cellule, en utilisant un autre gène cellulaire nommé oncogène. La présence de ces deux gènes a provoqué l'apparition de lésions cancéreuses.


C'est grâce aux cellules "HeLa" que les chercheurs ont découvert les papillomavirus humains HPV16 et HPV18. Après plusieurs années de recherche, un vaccin contre le papillomavirus a été élaboré. Les cellules de la jeune Henrietta ont servi à la création de ce vaccin.

cellule HeLa karyotype

Le code génétique explique l'immortalité


Contrairement à une population normale de cellules humaines, qui se divisent environ 40 à 50 fois avant de mourir, les cellules HeLa ont la capacité de se diviser indéfiniment. Elles sont la pierre angulaire de certaines des avancées biologiques les plus importantes.
Pendant de nombreuses années, ces cellules étaient la seule ligne cellulaire capable de se diviser indéfiniment hors du corps humain.


HeLa, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est née dans le laboratoire de George Gey, directeur du Laboratoire de culture tissulaire de l'hôpital Johns Hopkins dans les années 1950. Les cellules humaines normales ont 46 chromosomes, tandis qu'une cellule HeLa a 76 à 80 chromosomes fortement mutés. Le virus du papillome humain (HPV), a altéré profondément l'ADN de ces cellules leur permettant de produire une protéine qui contrôle la protéine  p53, ce  gardien du génome en raison de son rôle dans la prévention des mutations et la suppression des tumeurs.


Pendant la division cellulaire normale, la chaîne d'ADN aux extrémités de tous les chromosomes, connue sous le nom de télomères, est raccourcie. Cela conduit au vieillissement cellulaire et finalement à la mort cellulaire. Les cellules normales ont un nombre maximum de divisions avant que ces télomères ne soient épuisés. Les cellules HeLa ont une enzyme telomérase hyperactive qui reconstruit les télomérases après la division cellulaire, contournant ainsi le processus de vieillissement et de mort cellulaire.


Le caryotype d'une cellule HeLa est très différent du caryotype d'un humain normal, avec des copies supplémentaires de certains chromosomes et des copies manquantes d'autres.


La publication récente du code génétique de ces cellules a révélé la présence de nombreuses mutations dans le code génétique, expliquant la prolifération continue de ces cellules. En même temps, ces mutations, si nombreuses et inhabituelles ne permettent pas de considérer les cellules HeLa comme un modèle de cellule tumorale.


Des problèmes éthiques


En 1951, le médecin avait prélevé ces cellules sans le consentement de la patiente, une pratique répandue à l'époque, jugée inacceptable de nos jours. La publication du code génétique des cellules cancéreuses de Henrietta Lacks a suscité de vives polémiques entre la famille de la patiente et le corps médical.

L'institut américain de la santé a décidé d'intégrer un représentant de la famille au sein de son comité d'éthique pour avoir un regard sur les résultats scientifiques publiés à l'avenir.

Il y a plusieurs années, une plaque commémorative a été installée sur les lieux où se trouverait la tombe d'Henrietta Lacks, dans un petit coin de forêt de Virginie. En juin 2011, l'Université d'État Morgan de Baltimore lui a décerné le titre de docteur honoris causa à titre posthume.

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