Hemingway, et la question du consentement sexuel

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Hemingway, et la question du consentement sexuel  

Pendant son séjour à Paris en 1921, Hemingway termine sa première nouvelle : Up in Michigan. Quand il montre cette nouvelle à ses amis, la polémique apparait, nouvelle difficile à publier. "Up In Michigan" est une nouvelle d'une simplicité trompeuse, presque sans intrigue, qui traite un sujet délicat : la zone grise de l’attirance sexuelle et du consentement sexuel. Up in Michigan sera révisée et publiée seulement en 1938.

 

 

Résumé de la nouvelle : Up in Michigan

Jim Gilmore, jeune forgeron, s’installe à Hortons Bay et achète la boutique de l’ancien forgeron. Liz Coates est une jeune fille qui travaille comme serveuse chez les Smith. Liz tombe amoureuse de Jim, qui la remarque à peine.

Liz aime Jim, la façon dont il sort de chez lui, de son magasin. Elle se rend souvent à la porte de la cuisine pour le surveiller. Elle aime sa moustache, ses dents blanches quand il sourit.

Jim, Smith et Charley Wyman partent en excursion pour chasser. Liz attend le retour de Jim.

Pendant l’absence de Jim, Liz pense à lui. C’est  une longue et douloureuse absence. Elle n’arrive pas à dormir, elle découvre aussi que c’est amusant de penser à lui.

Lorsque les chasseurs reviennent, ils boivent quelques verres pour célébrer leur expédition.

Jim aime le goût et la sensation du whisky. Il a bu plusieurs verres. Liz s’est assise à la table après avoir servi le souper et mangé avec la famille. Après le dîner, Liz assise dans la cuisine à côté du poêle, fait semblant de lire en pensant à Jim. Elle ne veut pas aller au lit, car elle sait que Jim va s’en aller et elle veut le voir au moment de son départ, pour lui emboiter le pas.

Jim s’apprête à sortir. Ses yeux brillent, ses cheveux un peu froissés. Au moment de sortir, Jim s’approche d’elle. Elle peut le sentir respirer. La poitrine de Liz est ronde et ferme, ses mamelons dressés sous les mains de Jim. Liz a peur, car personne ne l’a jamais touchée avant lui, mais elle pense :  Il est enfin venu à moi.

Jim l’a serrée contre lui et l’a embrassée. Une sensation aiguë, si douloureuse qu’elle pense qu’elle ne peut pas la supporter.

Jim chuchote : « viens faire un tour. »

Ils vont au bout du quai où les mains de Jim explorent le corps de Liz. Elle a peur et le supplie de s'arrêter, mais lui permet de continuer.

Il n’y a pas de lune. Ils marchent jusqu’au quai vers l’entrepôt de la baie. Il fait froid, mais Liz a chaud depuis qu’elle est avec Jim. Ils se sont assis. Jim a serré Liz auprès de lui. Sa main s’est faufilée sous la robe pour caresser la poitrine de Liz. 

Elle a peur et ne sait pas comment s'y prendre. L’autre main de Jim glisse le long de sa jambe.

— Non, Jim, » dit Liz. Jim glisse sa main plus haut.

— Tu ne dois pas, Jim. Tu ne dois pas faire ça.

— Je vais le faire. Tu sais qu’on doit le faire.

— Non, Jim, oh, c’est si grand, ça fait mal. Oh, Jim. Jim. Oh.

Il la prend sur les planches dures et froides du ponton puis sassoupit sur elle.

Plus tard elle s’assoit, ajuste sa jupe et son manteau et est tente d’arranger ses cheveux. Jim dort la bouche entrouverte. Liz se penche, l’embrasse sur la joue. Mais il dort et Liz se met à pleurer. Elle se dirige vers le bord du quai et regarde l’eau. Le brouillard arrive.

Liz enlève son manteau, et en couvre Jim, puis elle traverse le quai pour remonter la route sablonneuse escarpée pour aller se coucher. Une brume froide s’échappe de la baie à travers les bois.

 

 

 

Hémingway discute le consentement sexuel

Cette nouvelle est la première incursion d’Ernest Hemingway dans la psychologie féminine. Ce sujet va passionner l’écrivain. Cette nouvelle est écrite du point de vue de Liz. Jim dit cinq phrases seulement. Le lecteur ne rentre jamais dans la tête de Jim. Liz est tombée amoureuse des "choses" de Jim : sa moustache, ses dents blanches, sa promenade. Elle ne sait rien de lui en tant que personne. Hemingway explore ces émotions contradictoires, les fantasmes sexuels qui invitent à l’action, voire à une conclusion brutale. Jim, au contraire, lorsqu’il se réveillera et ne se souviendra de rien.

Après la dissection de Liz, après la désillusion du monde réel par rapport au monde des fantasmes, au-delà d'un consentement sexuel fragile, Liz couvre Jim de son manteau après l’avoir embrassé sur la joue.

Hemingway traite le désir sexuel des femmes le considérant comme complexe et imprévisible.

Historiquement, cette hypothèse a contribué à une réglementation excessive des capacités sexuelles et reproductives des femmes. L'ambiguïté de ce désir, et de ses expressions ont été rarement prises en compte par le passé, dans la littérature, dans la culture, ou dans le domaine juridique.

Selon Hemingway, l'activité sexuelle signifie des choses différentes, selon le moment, le contexte, le partenaire. La sexualité peut être une expérience utopique, unique, variable selon les personnes

 

 

 

Le consentement sexuel 100 ans plus tard

Le consentement sexuel ressemble au consentement éclairé proposé avant les interventions médicales. C'est un concept évolutif dans le temps, qui dépend de la culture dominante, et des relations interpersonnelles.

Le consentement à l'activité sexuelle représente le point de référence pour décider ce qui constitue une activité sexuelle légalement admissible. Nous avons, comme les anciens, les mêmes difficultés à traiter ce sujet, car les détails du désir, son expression, et la satisfaction sexuelle sont souvent découverts et produits au moment du contact intime et pas avant.

100 ans après cette nouvelle d’Hemingway, on découvre encore que l'acte sexuel n'est pas un acte comme les autres, il peut s'accompagner d’un certain degré de peur, de répulsion, d'incertitude, d'excitation, et d'intrigue, d'un jeu de pouvoir, et de découverte. L'acte sexuel peut dévoiler une vulnérabilité personnelle, qui construit avec l'autre une confiance mutuelle. Cette confiance n'est pas entièrement fondée sur le consentement, mais sur un engagement mutuel d'accepter que le désir sexuel, la vulnérabilité, et le danger font partie du même ensemble.

Un autre risque accompagne l'acte sexuel, la déception face à une mauvaise rencontre sexuelle, à un mauvais partenaire, ou à l'apparition d’émotions négatives ou douloureuses.

 

 

 

Le consentement : concept juridique

La loi utilise ce concept pour faire la distinction entre un acte sexuel criminel et un acte sexuel consenti. En dépit d'une évolution constante, ce concept demeure limité, incapable de traiter toutes les situations. Comment déterminer si le consentement est présent ou absent ? Voilà la question qui occupe les juges, les enquêteurs, les juristes, et le corps médical.

En dehors des situations où l'on insiste sur le " oui " ou le " non ", le témoignage du plaignant est combiné à d'autres types de preuve comme  le comportement verbal et non verbal des deux parties pendant la rencontre. Le juge décide si dans l'ensemble, l'allégation de non-consentement est crédible. Dès le début de l'enquête, le fondement juridique du consentement s'appuie sur différents types de preuves et de signes, directs et indirects, pour construire une construction du consentement.

Cette approche judiciaire signifie que le consentement n'est pas un acte isolé en soi, mais un ensemble d'indicateurs considérés compatibles ou non avec ce qui acceptable en matière de comportement sexuel.

 

 

Concept nouveau : consentement affirmatif

Certains déclarent que le problème n'est pas la nature du consentement mais la loi. 

Les partisans du consentement affirmatif soutiennent que les partenaires sexuels devraient chercher activement à obtenir des signes clairs du consentement tout au long d'une relation sexuelle. D'autres proposent que l'accusé devrait démontrer qu'il a pris les mesures nécessaires pour obtenir le consentement de sa partenaire.

Cette logique épouse plusieurs problèmes majeurs. La même rencontre sexuelle, prise dans son ensemble, peut être à la fois humiliante et satisfaisante, dégoûtante et intrigante, effrayante et fascinante.  

D'autre part, assimiler le consentement au désir sexuel modifie profondément la définition de la sexualité dans une société. Les rapports sexuels tarifés avec un consentement affirmé deviennent des rapports sexuels désirés.

 

 

 

Concept nouveau: consentement enthousiaste

Le concept de consentement  " enthousiaste " proposé par certains, explique que l'oppression sexuelle exercée sur les femmes, y compris au sein du mariage plaide pour la criminalisation de tout acte  sexuel consensuel ou non, accompagné de contrainte, et que la loi et la société ne devraient approuver que le sexe désiré.

Cette approche pose à son tour de nombreuses questions sur la définition du désir, et le sexe désiré, et sur les pratiques sexuelles désirées et accompagnées de contraintes, comme les jeux sadomasochistes, et sur la sexualité acceptée mais non désirée, comme dans le mariage (accepter pour faire plaisir à son partenaire), dans les relations tarifées ou dans la pornographie

 

 

 

Un consentement réaliste

Le consentement sexuel est un sujet vieux comme le monde, toujours en évolution, selon la société, selon la culture dominante et selon ses principes.  

 

 

Un consentement sexuel valable exprime plus l'autonomie sexuelle de la personne que sa volonté. Vérifier ou donner le consentement est un acte responsable de respect, de moralité et de maturité.

 

 

Le consentement devrait inclure un consentement aux risques liés à l’activité sexuelle.

La discussion sur le consentement sexuel est légitime en évitant d’encourager le risque d'une société de contrôle et de suspicion individuelle. Les conflits autour de la sexualité disent long sur les sociétés et sur la liberté individuelle, sur le rôle de chacun et sur le vivre ensemble.

 

 

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3 proverbes japonais : quelques différences avec l'occident

france japon

 

 

 

A travers 3 verbes, on peut remarquer qu'il existe des points communs entre la culture occidentale et la culture japonaise, et de nombreux points de divergences

 

proverbe japonais condition humaine

 

La fragilité de la condition humaine

Un proverbe sur la fragilité de la vie et de la condition humaine. Aucun humain ne peut ignorer cette réalité, c'est presque l'unique certitude de la vie.  L'existence est courte, elle est facilement éteinte. Avant et après cette vie, obscurité et absence. Cendres aux cendres, poussière à la poussière".
Les japonais partagent la même vision occidentale sur la fragilité de la vie, sur le caractère éphémère de l'existence humaine.   
Les anglais citent parfois un proverbe identique : Our life is but a span. (Notre vie n'est qu'un laps de temps).
En français, comment ne pas citer Céline dans son voyage au bout de la nuit :   La vie c'est un petit bout de lumière qui finit dans la nuit.
Il existe au Japon les mêmes discussions et les mêmes divergences sur ce qu'on doit faire de sa vie, de son existence si fragile. l'hédonisme et l'individualisme semblent gagner du terrain au détriment des valeurs collectives.

 

proverbe japonais empathie

L'empathie en occident et au japon

 

Les personnes atteintes de la même maladie partagent leur sympathie.
Partager peine et joie dans un groupe est un élément présent dans toutes les cultures et dans toutes les sociétés. Par le passé, on utilisait des termes culturels ou religieux pour décrire ce partage, en utilisant le mot compassion, ou sympathie.


Actuellement, on utilise également des termes forgés à partir de la psychologie comme l'empathie qui désigne le fait de partager la peine de l'autre sans jugement, et sans partager son point de vue ou ses opinions.
Les anglais utilisent un proverbe identique à celui-ci : Misery loves company.
En français, dans le langage quotidien, on offre sa sympathie aux patients, et on compatie à la souffrance des âmes en peine. Toutefois il existe un joli proverbe français qui va dans le même sens : Une joie partagée est doublée. Peine partagée est divisée.
L'empathie au japon est un concept complexe, et différent, plus présent dans le quotidien et dans les relations personnelles.  
L'empathie se traduit au Japon davantage par une anticipation et une prise en compte attentive des besoins d'autrui. Il existe une différence fondamentale entre l'empathie manifestée par les Japonais et les Occidentaux. Les pratiques associées à l'hospitalité consistent en un savant jeu d'anticipation des besoins d'autrui. Il importe de se préoccuper à l'avance de l'hébergement, de la nourriture, des transports et des itinéraires en détail de ses hôtes plutôt que de devoir s'enquérir des souhaits de ces derniers. Une telle démarche est entreprise selon un principe de compréhension des sentiments d'autrui sans communication verbale, une dimension de l'empathie.

 

proverbe japonais familiarite

 

La familiarité varie entre occident et japon


Une haie pour garder l'amitié verte
En français on dit : La familiarité engendre le mépris.
Goethe écrivait :
La familiarité, à la place du respect, est toujours ridicule. Un autre proverbe allemand dit :
Quatre bonnes mères donnent le jour à quatre mauvais enfants: La sécurité au danger, la richesse à l'orgueil, la familiarité au mépris, et la vérité à la haine.


Au japon, le concept du " uchi " désigne l'intérieur, le foyer, le cercle privé. Le second le concept du " soto "   renvoie au milieu extérieur, à l'inconnu.
Il y a donc le Japon (familier et rassurant), et puis le reste du monde (lointain et méconnu, mi-attirant, mi-inquiétant).
La plupart des Japonais vivent dans des " cercles privés ". Quand ils sortent pour s'amuser, c'est toujours avec les mêmes personnes : collègues, camarades de classe, etc. Au Japon, on entretient avec soin les liens créés avec les autres. C'est pareil en amour : patience et persévérance sont les maîtres mots.
 Dans le cas de couples,  les liens ont tendance à être plus solides qu'en Occident. Les relations sérieuses résistent l'épreuve du temps, et le taux de divorce est beaucoup plus faible.  Revers de la médaille, il est beaucoup plus difficile de trouver un partenaire de vie au Japon !
Au sein de ces relations amicales ou amoureuses, la familiarité est maîtrisée, on ne partage pas tout, on ne montre pas tout. La familiarité devra être maîtrisée pour préserver la relation, même au sein du couple. Cette maîtrise de la familiarité est une donnée sociale non négociable. En occident, la couple et la relation amoureuse sont une exception où la familiarité fait partie de la proximité. Au japon, aucune exception sur ce point.     


  " Chez les Japonais, on a l'impression que le mariage est avant tout une sorte d' "association" entre deux personnes qui estiment raisonnable de fonder ensemble un foyer. Au bout de quelques années, les rapports entre mari et femme perdent leur caractère sentimental pour devenir au mieux des liens de bonne camaraderie, tournant souvent autour de l'éducation des enfants. "

Du livre L'Abécédaire du Japon de Takashi Moriyama.

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