Empathie : Nouvelle idéologie culturelle ?

Good doctor aurtisme empathie

 

La série télévisée «Good doctor» met en scène un médecin autiste, son intelligence dépasse celle des autres, mais son manque d’empathie le rend étrange. Deux troubles mentaux sont associés au manque d’empathie : l’autisme et la psychopathie.


Si vous lisez le nom de Sherlock Holmes, vous pensez à une personne froide peu chaleureuse, qui refuse les émotions pour garder ses capacités de déduction. Un vrai sociopathe, selon le goût de notre époque. Il manque d’empathie.

 

Le concept d'empathie est l’un de ces concepts valises qui circulent dans la culture occidentale, de la philosophie à la psychologie, puis à la culture populaire, pour perdre son authenticité et finir source de confusion.

L'empathie, le partage de sentiments avec une autre personne, la « règle d'or » pour traiter les autres comme nous voudrions être traités. Et lorsque nous ressentons de l'empathie, nous sommes enclins à faire de bonnes, mais aussi des mauvaises choses.


Faut-il utiliser l'empathie comme guide de la façon dont nous vivons nos vies ?

Le manque d'empathie de Marie-Antoinette justifie-t-il le jugement à la peine de mort ?.
Si l'utilisation de l'empathie devait jouer un rôle important dans la vie personnelle, sociale et politique, le chemin deviendrait glissant, car l'empathie est un concept nomade, qui évolue et change selon les cultures et les contextes.

 

L’Origine de l’empathie

Le concept d’empathie apparait au XVIIIe siècle, sous l'influence des écrits de David Hume et d'Adam Smith. Il s’agit d’une contribution anglo-saxonne aux idées des Lumières.

David Hume (Hume 1739-1740) a formulé à l’époque ce célèbre dicton : « les esprits des hommes sont des miroirs les uns pour les autres ». Selon Hume, les humains peuvent recréer les pensées et les émotions.

Le psychologue Edward Titchener (1867-1927) introduit le terme « empathie » en anglais en 1909 comme traduction du terme allemand «Einfühlung » (se sentir dans).

Einfühlung est un concept de l'esthétique allemande du XIXe siècle, les philosophes du siècle XIXe ont jugé nécessaire de faire appel à ce concept esthétique pour expliquer notre capacité à apprécier de manière esthétique les objets naturels et oeuvres artistiques. Selon la conception positiviste et empiriste (elle n'est pas universellement acceptée), les données sensorielles constituent la base fondamentale de notre investigation du monde, c'est-à-dire nous percevons le monde à travers nos sens.


Dès l’origine, les philosophes de la tradition phénoménologique rejettent ce concept catégoriquement. D'un point de vue phénoménologique, notre rencontre avec des objets esthétiques, notre admiration d'un beau coucher de soleil, est un raisonnement mental qui dépasse les sens, car nos yeux ne voient qu’un cercle rouge plongeant dans le bleu de la mer.

Utilisé à l'origine dans l'art, le terme a été adopté par le philosophe et psychologue Lipps, qui l'a décrit comme la capacité de saisir les sentiments de l'autre dans et avec l'autre. Ce terme générique a depuis pris de nombreuses significations selon le contexte.

Dans le récit de Verducci, il existe trois types d'empathie :

 

-Empathie esthétique :

« Je suis capable de « ressentir » les œuvres d'art et la nature ». L'empathie esthétique peut être considérée comme la définition originelle de l'empathie et concerne le lien entre celui qui perçoit et l'œuvre d'art elle-même. Par exemple, nous apprécions un objet parce que l'empathie nous permet de le voir par analogie avec un corps humain ou une fleur ou une étoile. L'empathie dans ce contexte est plus spécifiquement comprise comme un phénomène d'« imitation intérieure ».

 

-Empathie sympathique :

Je comprends les sentiments des autres, mais il y a encore une certaine distance émotionnelle'. Cette empathie est centrée sur la compréhension et tente de garder l'émotion à distance. C’est l’empathie des médecins et du corps soignant : adopter une « préoccupation détachée » pour le patient. Cette empathie implique trois caractéristiques clés : comprendre ce qu'une maladie signifie pour un patient ; communiquer cette compréhension; et agir sur cette compréhension pour partager d'une manière utile. Pour être utile, l'empathie thérapeutique nécessite à la fois une résonance affective et une distance émotionnelle .

-Empathie compassionnelle :

"Je perçois et j'intériorise l'état de l'autre". Il y a moins de distance entre les sujets, c’est une empathie problématique qui offre un rôle central aux sentiments et émotions.

 

L'empathie : problème philosophique

Theodor Lipps (1851-1914) a transformé l'empathie d’un concept de philosophie esthétique liée à notre expérience de la beauté à un concept de vie et de chaque individu. Selon lui, nous aimons la beauté comme un «plaisir de soi objectivé », puisque nous sommes impressionnés par la « vitalité » et la « potentialité de vie » qui résident dans l'objet perçu.


Il va plus loin, Lipps suggère que la nature de l'empathie esthétique est toujours « l'expérience d'un autre humain ». L'empathie devient une imitation intérieure. Mon esprit reflète les activités mentales ou les expériences d'une autre personne sur la base de l'observation de ses activités corporelles ou de ses expressions faciales.

 

empathie

 

Les critiques de l’empathie comme concept philosophique reposent sur plusieurs points.


- Si ma compréhension de la tristesse d’une victime vient exclusivement de ce que je me mets à sa place, il m'est impossible de concevoir comment je me comporterais en étant moi-même victime, je ne peux pas tester les états mentaux de quelqu'un d'autre, car chacun a sa façon de penser et a ses propres réactions.


- Je ne peux pas concevoir comment une autre personne peut-être dans le même état mental que moi, cela est conceptuellement impossible.


La tradition phénoménologique n'accepte pas l'explication de Lipps de l'empathie comme étant basée sur des mécanismes de résonance interne et de projection. Les auteurs de la tradition phénoménologique pensent qu’il s’agit d’une explication qui n’explique rien.


L'empathie dans la tradition phénoménologique n'est pas conçue comme un phénomène de résonance obligeant l'observateur à recréer les états mentaux de l'autre personne dans son propre esprit, mais comme un acte perceptif particulier ou comme une imitation. En d’autres termes, l’empathie est une imitation émotionnelle.

 

L'empathie en psychologie


En quittant la philosophie vers la psychologie, le concept s’élargit pour entrer dans le champ de la culture populaire sous l’influence des médias et de l’industrie du développement personnel.

Cette empathie, définie comme la tendance à se mettre dans la peau d’autrui, est célébrée comme un trait aimable et humaniste de l’esprit humain. Mais certains critiques soulignent que cette empathie à la mode se focalise sur les souffrances d’une personne particulière en nous laissant indifférents aux autres, et conduit à des jugements biaisés, et pousse à prendre de mauvaises décisions.


Il y a une attitude générale dans la culture occidentale actuelle selon laquelle les émotions représentent une forme de sagesse: il faudrait écouter son cœur, les dirigeants devraient être portés par de grands sentiments, et doivent exposer leur empathie, quitte à minimiser l’importance de l’intelligence et de la rationalité.

L'intérêt des psychologues pour les phénomènes liés à l'empathie remonte plutôt à la philosophie morale du XVIIIe siècle, en particulier à David Hume et Adam Smith. L'empathie, ou ce qu'on appelait alors la sympathie était considérée comme jouant un rôle central dans la constitution des êtres humains en tant que créatures sociales et morales nous permettant de nous connecter émotionnellement à nos compagnons humains et de veiller à leur bien-être.


À la fin des années 1940, l'empathie a été un sujet de recherche répandu en psychologie.
On définissait l'empathie comme un phénomène cognitif (de réflexion) et désignant l'empathie en termes généraux comme « l'appréhension intellectuelle ou imaginative de la condition ou de l'état d'esprit d'autrui.»


Quiconque lit la littérature sur l'empathie en psychologie doit être frappée par les tendances à définir l’empathie d’une manière de plus en plus large.


Stotland, par exemple l'a définie comme "la réaction émotionnelle d'un observateur parce qu'il perçoit qu'un autre éprouve ou est sur le point d'éprouver une émotion".
Selon la définition de Stotland, des réponses émotionnelles très diverses telles que l'envie, l’ennui, se sentir affligé, être soulagé, ressentir de la pitié sont des réactions empathiques. Stotland propose une définition qui ressemble à celle des émotions en psychologie.

Depuis les années 1980, les psychologues ont distingué les différents aspects de la réaction émotionnelle envers une autre personne.


1- Contagion émotionnelle :

Vous devez vous sentir joyeux, parce que les autres personnes autour de vous sont joyeuses ou vous devez paniquer parce que vous êtes dans une foule de personnes qui paniquent, car on ressent l’émotion des autres comme notre propre émotion.

 

2-Empathie affective:

L'empathie au sens affectif est le partage indirect d'un affect. Pour Hoffman, il s'agit d'une réponse émotionnelle ne nécessitant que « l'implication de processus psychologiques qui font qu'une personne éprouve des sentiments plus adaptés à la situation d'autrui qu'à la sienne. »
Selon cette définition, contrairement à la simple contagion émotionnelle, une véritable empathie exige la capacité de se différencier de l'autre. Cela nécessite que l'on soit conscient du fait que l'on vit une expérience émotionnelle due à la perception de l'émotion de l'autre, ou plus généralement à l'attention portée à sa situation.
Mon bonheur que mon enfant soit heureux ne serait pas un état émotionnel, c'est une réponse émotionnelle à ma propre perspective du monde.

 

3-Sympathie :

La sympathie est considérée comme une émotion qui a pour objet la situation négative de l'autre, du point de vue de quelqu'un qui se soucie du bien-être de l'autre personne. En ce sens, la sympathie consiste à « ressentir de la peine ou de l'inquiétude pour l'autre en détresse ou dans le besoin », un sentiment pour l'autre à partir d'une « conscience accrue de la souffrance.

 

4-Détresse personnelle :

La détresse personnelle dans le contexte de la recherche sur l'empathie est comprise comme une émotion réactive en réponse à la perception de l'émotion ou de la situation négative d'un autre. La détresse d'une autre personne ne me fait pas me sentir mal pour elle, cela me fait juste sentir mal, ou "alarmé, affligé, bouleversé, inquiet, dérangé, perturbé, affligé et troublé."

 

 

 

Empathie, et morale


Les jugements moraux sont censés imposer des exigences à la volonté et sont censés nous fournir des raisons et des motivations pour agir d'une certaine manière.
Les jugements moraux sont fondés sur des normes normatives qui, contrairement aux simples normes conventionnelles, ont une portée universelle et sont valables indépendamment des caractéristiques des spécificités sociales : ne pas tuer, ne pas mentir, ne pas trahir etc .

Slote (2010) va si loin, il défend l'empathie comme le seul fondement du jugement moral. Waal (2006) conçoit l’empathie comme l'unique base de moralité, Rifkin (2009) la considère comme une force de la culture pour transformer un monde en crise.
Un tel enthousiasme empathique a rencontré des critiques sévères.

Les normes morales sont généralement jugées plus importantes que les normes conventionnelles dans la mesure où leur validité normative est conçue comme étant indépendante de l'autorité sociale ou de pratiques et accords sociaux spécifiques. Ne pas tuer est une norme morale, être sympathique avec les autres est une norme conventionnelle (qui varie d’une culture à une autre).

Psychopathie et autisme pathologies peuvent entraîner des déficits d'empathie. Seuls les psychopathes ont des difficultés à accepter les normes morales de la société.

Les psychopathes présentent un déficit d'empathie émotionnelle, et contrairement aux personnes autistes, ils ne présentent pas de déficits dans la prise en compte du contexte.

D'autres chercheurs ont préféré considérer l'immoralité d'un psychopathe comme un déficit spécifique d'empathie. Un psychopathe pourrait comprendre que certaines choses sont moralement répréhensibles, mais il ne se soucie pas de la moralité, du bien-être des autres personnes ou même de lui-même.

Les autistes ont des difficultés à se mettre à la place d'une autre personne, mais peuvent avoir une certaine capacité à capter les états émotionnels des autres. Si les sujets autistes peuvent faire la distinction entre les normes morales et conventionnelles, ils semblent manquer d'une certaine souplesse dans l'évaluation de la gravité lorsqu'ils réfléchissent à des dilemmes moraux.

 

Sherlock holmes empathie

 

Phénoménologie de l'empathie

La phénoménologie - une tradition philosophique- est utile pour comprendre l'empathie. Au sein de la vaste production de Husserl, il est possible de trouver de nombreuses définitions – ou tentatives de définitions – de ce concept.
L’empathie devient une décentralisation de soi : « Je me rends compte que ma perspective n'est pas unique, mais une parmi tant d'autres ». Donc, on valide les réactions des autres face à la souffrance, au deuil, à la maladie, etc.

Selon la phénoménologie, l’empathie est une expérience liée à une dimension vécue. La rencontre avec l'autre nous rappelle nos expériences, mais nous sommes deux entités différentes, deux corps vécus différents avec des perspectives uniques. Après l'acte d'empathie, on est déstabilisé et on doit retrouver la distance.

 

citation whitman empathie

 

Les émotions : tendon d’Achille de l’empathie


Sherlock Holmes avait raison : voir à travers les yeux d'un autre nécessite un esprit détaché et pas seulement un cœur chaleureux ou émotif.


L’empathie devient problématique quand on laisse nos émotions prendre le dessus et que nous décidons d’agir par émotion et non pas un raisonnement.
C’est un argument utilisé par les anti-empathie.


D’autres pensent que l'empathie est biaisée parce que nous nous concentrons sur quelqu'un en raison uniquement d'émotions et ne sommes pas toujours capables de voir l’ensemble du problème. Quand nous y réfléchissons, nous sommes manipulés, car nous considérons par empathie que les autres sont comme nous.


Nos empathies permettent d’être solidaires avec ceux que nous considérons, par empathie et émotions, comme victimes. Ceci finit par hiérarchiser les victimes selon nos empathies et créer d’autres problèmes comme la concurrence des victimes et la compétition victimaire.

Nous vivons dans un monde hétérogène et diversifié. Il est plus facile de croire aux stéréotypes et d’offrir son empathie à ceux qui nous ressemblent sans prendre en compte la détresse réelle.

Les émotions sont un produit culturel, qui varient d’une culture à une autre, l’empathie fondée sur les émotions ne facilite pas notre relation avec les autres cultures ni à réagir à leur détresse, au risque que personne ne réagisse à notre propre détresse quand on en a besoin.

L'empathie engendre l'empathie, la société invite plus facilement à l’empathie qu’à la solidarité. Plus nous utilisons l’empathie, plus les autres autour de nous l'utiliseront. Tout le monde veut être entendu et compris. Chaque groupe veut être reconnu et valorisé.


Références

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Faut-il obliger les médecins à lire des romans ?

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La diffusion des sciences humaines était censée approfondir la compréhension de la souffrance et améliorer la pratique médicale.
Il existe depuis longtemps une interaction fructueuse entre la médecine et les arts. De nombreux cliniciens ont écrit des essais, des romans, des poèmes, et de nombreux écrivains ont traité des thèmes médicaux.
Au 18e siècle, Tobias Smollett, médecin écossais, est devenu célèbre en tant que romancier avec ses romans The Adventures of Roderick Random (1748) et The Expedition of Humphry Clinker (1771). L’anglais John Keats était médecin et aussi un grand poète romantique.

Le médecin devient au XIXe siècle un élément presque obligé du roman. Un roman sans médecin ni maladie est impensable, car le médecin est celui qui pénètre dans l’intimité des gens au contact des ressorts les plus secrets des conduites humaines. Il se trouve dans une position stratégique pour connaître l’état clinique et moral de la société.

Des cas de dépression sont décrits par Anton Tchekhov, Sherlok Homles créé par Arthur Conan Doyle était passionné de médecine, Mikhaïl Boulgakov a écrit un roman sur un médecin « carnet d’un jeune médecin », Arthur Schnitzler a analysé des problèmes psychologiques comme dans « Mlle Else ».

Zola entretenait avec la maladie et la médecine des liens étroits traduits dans son œuvre romanesque. Zola voulait écrire une œuvre médicale à vocation thérapeutique comme s’il cherchait à guérir la société de ses maux, et à se guérir par l’écriture.

Zola a étudié de nombreux ouvrages de physiologie et des traités de psychiatrie et d’hygiène pour construire ses théories sur des sentiments irrationnels qui vont jouer un rôle fondamental dans ses romans. Jusqu’à la fin de son œuvre, Zola suivra l’évolution de la pensée médicale et proposera les mêmes solutions thérapeutiques que les médecins.

L’éminent neurologue français Jean-Martin Charcot organisait des soirées où se pressaient écrivains, artistes et médecins de Paris pour discuter et tenter de comprendre l’humain.

Marcel Proust a été influencé par de nombreux médecins et psychologues de son époque, comme Binet, Charcot et Janet. Le chef-d’œuvre de Proust, À la recherche du temps perdu (1913-27), traite de plusieurs sujets médicaux et psychiatriques, dont l’hypocondrie, l’hystérie, le deuil et la dépression. Dans certains chapitres, Proust décrit le trouble avec des détails précis dignes d’un livre scientifique. Des solutions sont proposées aussi.

A son tour, Sigmund Freud était fasciné par la culture européenne, ses textes sont admirés autant pour leurs mérites littéraires que scientifiques. Il a trouvé dans la culture et dans la littérature des descriptions utiles pour ses travaux en psychanalyse et en sexologie.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, le psychiatre écossais Laing s’est inspiré d’écrivains tels que William Blake, Dostoïevski, Kafka, Beckett et Jean-Paul Sartre pour construire son modèle de la folie.

Durant la deuxième moitié du XXe siècle, le paysage commence à changer. De plus en plus, la société se divise en « deux cultures », la culture scientifique et la culture artistique. Nombreux auteurs soutenaient que cette séparation serait destructrice.

Les origines du clivage entre les arts et les sciences remontent déjà au Siècle des Lumières où la raison devait résoudre les problèmes de l’humanité. Le mouvement romantique, qui mettait l’accent sur la spontanéité, l’émotion, le spirituel, est considéré comme ayant accéléré la division entre les arts et les sciences.

 

wit

 

 

Quand les Sciences humaines et médecine divorcent

 

« Wit » ou « bel âme » ou « un trait d’esprit » selon les traductions, est une pièce de théâtre, écrite par Margaret Edson pour laquelle elle obtient le prix Pulitzer, la plus haute distinction littéraire aux USA. Quand elle envoie sa pièce aux directeurs de théâtre, elle est refusée plusieurs fois.
Depuis, cette pièce intelligente et déchirante est devenue un texte classique, joué et rejoué et applaudi avec succès.
En 2001, Emma Thompson, interprète dans un téléfilm le rôle d’une femme mourant d’un cancer de l’ovaire. Elle est professeur de littérature et se console de sa propre souffrance par la poésie. Elle a toujours été une femme fière et indépendante et maintenant, à la fin de sa vie, elle se retrouve seule. La pièce nous montre sans pitié comment la routine de l’hôpital la prive de sa dignité, et comment elle lutte pour garder son respect d’elle-même.
Aucun médecin, malgré la bonne volonté et le dévouement, ne peut répondre aux besoins de cette femme. Le corps soignant est impuissant, son instance devient néfaste. La patiente cherche à sauver sa dignité faute de pouvoir survivre à son cancer, à pouvoir décider pour sa propre vie, à satisfaire ce besoin pour le salut de son âme. Elle trouve un certain soulagement dans ses méditations sur les poèmes, dans le sens des mots d’un texte magnifique du poète Milton, défiant la mort. Le poète gagne quand le médecin échoue. La pièce rappelle que les humains ne sont pas seulement des corps, qu’ils ont un libre arbitre, une conscience et un profond besoin de sens.

Dans son roman, Mrs Dalloway (1925), Virginia Woolf, qui a souffert de maladie mentale, dépeint le psychiatre comme condescendant, Margaret Edson dépeint des médecins incapables de sortir de leur monde pour comprendre l’humain.

 

medecine humanite balzac

 

Comprendre l’humain

 


Pendant l’épidémie de Covid 19, nous avons compris qu’un modèle purement scientifique offre une vision limitée de l’être humain. Les médecins ont besoin d’une compréhension plus profonde de leurs patients, et des aspects émotionnels et existentiels. La science médicale ne donne pas une image complète des êtres humains.

 

 

L’approche bioscientifique ne permet pas de comprendre les limites de la médecine ni de la psychiatrie ni la souffrance ni de la sexologie ni des troubles de la personne dans son environnement.

 

Contrairement au médecin qui évalue un patient, l’écrivain plonge dans la réalité quotidienne des personnes atteintes de maladies mentales ou de maladies chroniques ou de cancer.
La littérature explore les vies et les mondes intérieurs d’une grande variété d’individus, et voit le monde du point de vue d’une autre personne. Cela s’applique particulièrement aux récits littéraires sur la maladie et la souffrance, comme les romans de Dostoïevski qui mettent en scène des personnages souffrant de troubles mentaux. De tels romans aident à comprendre, et à développer de l’empathie envers les personnes qui souffrent.

L’approche « éthique » de la littérature peut aider à réfléchir aux implications morales des actes. La littérature peut explorer les dilemmes moraux dont certains affectent les médecins et les patients. Intervention médicale contre la volonté d’un patient peut – elle être justifiée ? Un traitement douloureux, mais efficace ? La qualité de vie est plus importante que la vie ?

 

medecine humanite dostoievski

 

Littérature : la meilleure critique de la médecine

 


L’un des premiers romans à remettre en question le rôle de la science médicale est Frankenstein. Mary Shelley a publié ce roman en 1817. Mary Shelley voulait examiner les implications morales des progrès scientifiques. Victor Frankenstein, étudiant en philosophie naturelle, en chimie et en anatomie, s’efforce de découvrir comment créer la vie. Bien qu’il y parvienne, l’être créé se libère de son contrôle et continue à faire des ravages. Victor Frankenstein est coupable d’un orgueil démesuré : il se prend pour Dieu.
Les lecteurs apprennent que les progrès de la médecine peuvent avoir des conséquences involontaires et qu’ils comportent toujours une dimension morale.

Mikhaïl Boulgakov (1925) a donné une perspective humoristique de l’histoire de Frankenstein dans Le cœur du chien, dans lequel un professeur implante les testicules et la glande pituitaire d’un être humain dans un chien errant. Là encore, la procédure a des conséquences involontaires et malheureuses, la créature nouvellement formée va semer la pagaille dans la maison du professeur.

Dostoïevski a vécu à une époque où beaucoup de gens pensaient que la science finirait par résoudre toutes les questions de l’humanité. De nos jours, certains neuroscientifiques prétendent que les problèmes des êtres humains seront entièrement expliqués en termes de fonctionnement du cerveau. Dostoïevski rejette cette vision biologique et réductionniste de l’homme. Son roman Notes from the Underground (Les Carnets du sous-sol) publié en 1864 offre sa critique. Le personnage central observe avec ironie :
« la science elle-même apprendra à l’homme qu’il n’a vraiment ni libre arbitre ni caprice et qu’il ne l’a jamais eu, et qu’il n’est lui-même qu’une sorte de clé de piano ou de cheville d’orgue... tout ce qu’il fait, il ne le fait pas du tout selon sa volonté, mais selon les lois de la Nature. Par conséquent, il suffit de découvrir ces lois de la Nature pour que l’homme ne réponde pas de ses actes. Toutes les actions humaines, bien sûr, seront alors calculées par ces lois, comme une table de logarithmes »

Dostoïevski estime que ces théories privent l’homme du libre arbitre, et rejette cette vision matérialiste et biologique. Les décisions morales dépendent du libre arbitre, mais si, comme le prétend la science, le libre arbitre n’existe pas, il ne peut y avoir de moralité.

Dostoïevski conteste les psychiatres qui adoptent une approche biologique de la maladie mentale. Il suggère que le fait de considérer les êtres humains comme des mécanismes est non seulement malavisé, mais que cela a des implications morales.

Certains penseurs positivistes, tels Auguste Comte et Emile Durkheim, soutenaient que le modèle scientifique était juste, car les êtres humains ne sont pas fondamentalement différents du reste du monde animal. Des théoriciens comme Max Weber s’opposent à ce point de vue, en affirmant que les êtres humains sont distincts parce qu’ils possèdent un libre arbitre, une conscience et un besoin de sens.

Le Meilleur des mondes (Brave New World) est un roman d’anticipation dystopique, écrit par Aldous Huxley en 1932. Huxley s’inquiète de l’application de la science aux problèmes humains. Il décrit un avenir contrôlé par la technologie médicale. Des êtres humains sont créés par génie génétique et programmés par des techniques comportementales. Dans cette société hiérarchisée et rigide, les citoyens sont contrôlés par un médicament appelé soma. Le prix à payer pour cet ordre social pharmaceutique et génétique est la perte de la liberté.

Huxley n’était pas contre la science, mais il était alarmé par les possibilités de mauvaise utilisation et de mauvaise application de celle-ci. Dans la préface de son roman, il soutient que les êtres humains, pour résoudre leurs problèmes, devraient se tourner vers le spirituel en eux, plutôt que vers la technologie.

Huxley met aussi en lumière une question importante en psychiatrie, celle de la conformité. Une perception populaire des psychiatres est qu’ils sont des policiers sociaux, patrouillant à la recherche de toute preuve de déviance par rapport à la norme sociétale. L’anormal devient pathologique, le marginal devient fou.

Un autre écrivain qui a exploré la question de la conformité est Eugène Ionesco dans Rhinocéros (1950). Dans cette pièce absurde, les personnages, un par un, se transforment en rhinocéros. Un homme, Bérenger, tente de résister à cette tendance et se retrouve dans une position solitaire et isolée. Il est plus facile de suivre le troupeau.

 

 

Le langage scientifique ne passe pas

 


Une œuvre qui examine les limites du langage « scientifique » est Le Mémorandum (1965), une pièce de l’écrivain tchèque Vaclav Havel. La pièce présente des analogies avec les tentatives de la psychiatrie et de la psychologie de créer un langage « scientifique » ou « technique » pour décrire la détresse émotionnelle et mentale. Ce langage se révèle déshumanisant, incapable de toucher la personne en souffrance. Dans Le Mémorandum, Havel jette un regard absurde sur les efforts déployés par les autorités qui espèrent que cette nouvelle langue « rendra les communications de bureau plus précises. »

 

Le Prozac pour Hamlet peut tout régler


« J’ai depuis peu, je ne sais pourquoi, perdu toute ma gaieté, renoncé à tous mes exercices accoutumés ; et vraiment, tout pèse si lourdement à mon humeur, que la terre, cette belle création, me semble un promontoire stérile. » Shakespeare, Hamlet

L’irrésolution légendaire d’Hamlet ressemble à une mélancolie, à une dépression profonde. On peut distinguer dans les caractères de ce personnage certains signes d’un trouble dépressif aigu : humeur triste, pensées négatives, et une nette baisse d’énergie.
Dans la pièce, dès le premier discours, Hamlet fait une déclaration publique de sa mélancolie. A cette époque, le trouble dépressif n’était pas encore conceptualisé. Shakespeare aura vu probablement la mélancolie d’Hamlet comme un défaut de caractère.
Si Hamlet consulte aujourd’hui, il sortira avec une dose de prozac, et il ne souffrira plus. Mais aurait-il consulté ? Le prozac aurait-il réglé ses problèmes avec sa mère ou avec l’assassin de son père ?
Si Cyrano de Bergerac consulte, un médecin lui fera un beau nez. Mais aucun médecin ne peut le soulager de son amour non partagé pour la belle Roxane.


Et si l’humain était plus complexe que ses organes et ses hormones ??

 

Conclusion

La société a fait des efforts remarquables pour humaniser la médecine, pour préserver la dignité et les droits des patients surtout dans certaines pathologies comme les maladies cancéreuses.
La psychiatrie est en train de changer progressivement.

La culture partagée comme la littérature peut aider à mieux comprendre l’expérience intérieure de l’humain, à développer une plus grande empathie. La défiance des patients est en marche, contre les médecins et contre la parole médicale encouragée par une culture médicale qui réduit parfois l’humain à un organisme, et un ensemble d’organes, par souci d’efficacité.

 

Il serait heureux de ne plus lire que l’amour est lié à l’hormone ocytocine et que le désir est une réaction chimique.

 

Ces dernières années, on assiste à un regain d’intérêt pour la relation entre la médecine et les arts, comme témoigne les publications scientifiques, sur la contribution des arts dans la santé, et sur l’importance de la médecine fondée sur l’écoute.
En Europe comme aux USA, certaines facultés de médecine proposent désormais des formations en sciences humaines pour rebâtir des passerelles utiles.

Références

Bamforth, I. (2001) Literature, medicine, and the culture wars. Lancet, 358, 1361–1364. Bamforth, I. (2003) The Body in the Library. A Literary Anthology of Modern Medicine. Verso. Bennett, A. (2005) Untold Stories. Faber & Faber.
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3 proverbes japonais : quelques différences avec l'occident

france japon

 

 

 

A travers 3 verbes, on peut remarquer qu'il existe des points communs entre la culture occidentale et la culture japonaise, et de nombreux points de divergences

 

proverbe japonais condition humaine

 

La fragilité de la condition humaine

Un proverbe sur la fragilité de la vie et de la condition humaine. Aucun humain ne peut ignorer cette réalité, c'est presque l'unique certitude de la vie.  L'existence est courte, elle est facilement éteinte. Avant et après cette vie, obscurité et absence. Cendres aux cendres, poussière à la poussière".
Les japonais partagent la même vision occidentale sur la fragilité de la vie, sur le caractère éphémère de l'existence humaine.   
Les anglais citent parfois un proverbe identique : Our life is but a span. (Notre vie n'est qu'un laps de temps).
En français, comment ne pas citer Céline dans son voyage au bout de la nuit :   La vie c'est un petit bout de lumière qui finit dans la nuit.
Il existe au Japon les mêmes discussions et les mêmes divergences sur ce qu'on doit faire de sa vie, de son existence si fragile. l'hédonisme et l'individualisme semblent gagner du terrain au détriment des valeurs collectives.

 

proverbe japonais empathie

L'empathie en occident et au japon

 

Les personnes atteintes de la même maladie partagent leur sympathie.
Partager peine et joie dans un groupe est un élément présent dans toutes les cultures et dans toutes les sociétés. Par le passé, on utilisait des termes culturels ou religieux pour décrire ce partage, en utilisant le mot compassion, ou sympathie.


Actuellement, on utilise également des termes forgés à partir de la psychologie comme l'empathie qui désigne le fait de partager la peine de l'autre sans jugement, et sans partager son point de vue ou ses opinions.
Les anglais utilisent un proverbe identique à celui-ci : Misery loves company.
En français, dans le langage quotidien, on offre sa sympathie aux patients, et on compatie à la souffrance des âmes en peine. Toutefois il existe un joli proverbe français qui va dans le même sens : Une joie partagée est doublée. Peine partagée est divisée.
L'empathie au japon est un concept complexe, et différent, plus présent dans le quotidien et dans les relations personnelles.  
L'empathie se traduit au Japon davantage par une anticipation et une prise en compte attentive des besoins d'autrui. Il existe une différence fondamentale entre l'empathie manifestée par les Japonais et les Occidentaux. Les pratiques associées à l'hospitalité consistent en un savant jeu d'anticipation des besoins d'autrui. Il importe de se préoccuper à l'avance de l'hébergement, de la nourriture, des transports et des itinéraires en détail de ses hôtes plutôt que de devoir s'enquérir des souhaits de ces derniers. Une telle démarche est entreprise selon un principe de compréhension des sentiments d'autrui sans communication verbale, une dimension de l'empathie.

 

proverbe japonais familiarite

 

La familiarité varie entre occident et japon


Une haie pour garder l'amitié verte
En français on dit : La familiarité engendre le mépris.
Goethe écrivait :
La familiarité, à la place du respect, est toujours ridicule. Un autre proverbe allemand dit :
Quatre bonnes mères donnent le jour à quatre mauvais enfants: La sécurité au danger, la richesse à l'orgueil, la familiarité au mépris, et la vérité à la haine.


Au japon, le concept du " uchi " désigne l'intérieur, le foyer, le cercle privé. Le second le concept du " soto "   renvoie au milieu extérieur, à l'inconnu.
Il y a donc le Japon (familier et rassurant), et puis le reste du monde (lointain et méconnu, mi-attirant, mi-inquiétant).
La plupart des Japonais vivent dans des " cercles privés ". Quand ils sortent pour s'amuser, c'est toujours avec les mêmes personnes : collègues, camarades de classe, etc. Au Japon, on entretient avec soin les liens créés avec les autres. C'est pareil en amour : patience et persévérance sont les maîtres mots.
 Dans le cas de couples,  les liens ont tendance à être plus solides qu'en Occident. Les relations sérieuses résistent l'épreuve du temps, et le taux de divorce est beaucoup plus faible.  Revers de la médaille, il est beaucoup plus difficile de trouver un partenaire de vie au Japon !
Au sein de ces relations amicales ou amoureuses, la familiarité est maîtrisée, on ne partage pas tout, on ne montre pas tout. La familiarité devra être maîtrisée pour préserver la relation, même au sein du couple. Cette maîtrise de la familiarité est une donnée sociale non négociable. En occident, la couple et la relation amoureuse sont une exception où la familiarité fait partie de la proximité. Au japon, aucune exception sur ce point.     


  " Chez les Japonais, on a l'impression que le mariage est avant tout une sorte d' "association" entre deux personnes qui estiment raisonnable de fonder ensemble un foyer. Au bout de quelques années, les rapports entre mari et femme perdent leur caractère sentimental pour devenir au mieux des liens de bonne camaraderie, tournant souvent autour de l'éducation des enfants. "

Du livre L'Abécédaire du Japon de Takashi Moriyama.

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Empathie et relation de couple

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Couple : empathie et besoins

L'empathie est la première étape pour bâtir une communication valable au sein du couple.

Le couple de Patrick et Maria va mal, ils ne sont pas d'accord sur la gestion de l'argent dans le couple, ni sur l'éducation de leur fille. Ils se disputent sans cesse dans une lutte acharnée pour le pouvoir dans le couple, une lutte pour la décision, avec son cortège de colère et de distance émotionnelle qui s'élargit jour après jour.

 

Maria exprime violemment sa colère contre son conjoint, elle n'est pas d'accord avec lui sur l'éducation de leur fille.

Selon elle, Patrick fait l'enfant avec la petite Patricia âgée de six ans. Il joue avec elle, il ne lui refuse rien laissant le mauvais rôle à la mère. Maria le dit avec amertume : progressivement, je perds Patricia, c'est papa qui compte, je suis la méchante.

 

Dans ce couple en crise, les deux parties ont raison. Patrick s'amuse avec sa fille, fait le papa à sa façon, sans se rendre compte de la frustration de sa femme, incapable de communiquer avec la fillette de la même façon. D'autre part, Maria a raison quand elle discute l'importance de l'autorité conjointe.

 

Dans ce couple, il y a une lutte mutuelle pour la décision, pour une validation, émotionnelle et personnelle. Le point de vue de chacun entre en concurrence avec le point de vue de l'autre, pour finir dans une dispute, avec frustration, isolement progressif de chaque partenaire. L'éducation de Patricia devient à son tour un champ de lutte.

 

Qui fait le mieux ? Qui a raison ?

 

Il est certain que la solution réside dans la communication au sein du couple. Mais communiquer quoi, que dire et comment le dire ? Les deux partenaires peuvent essayer de comprendre les raisons qui poussent l'un et l'autre à entrer dans cette lutte. Écouter l'autre permet probablement de comprendre ses motivations. Cette communication est difficile dans ce genre de couple chargé d'un besoin de validation émotionnelle et personnelle. Chacun en cherchant à avoir raison envoie l'autre dans une zone d'erreur. La réconciliation commencerait par accepter les besoins de l'autre, et les valider.

 

Pour comprendre les motivations de l'autre, ses besoins, l'empathie est indispensable, pour valider et pour accepter. C'est se mettre à la place de l'autre, étudier avec bienveillance ses motivations. L'empathie désigne la compréhension des motivations de l'autre, sans les accepter. C'est la première étape pour bâtir une communication valable au sein du couple. L'empathie ne signifie pas que le partenaire doit se sacrifier, doit négliger ses besoins et ses attentes. L'empathie permet à chacun de sortir de ses propres motivations pour comprendre les motivations réelles, émotionnelles de l'autre.

 

En deuxième temps, une discussion peut s'installer.

Dans la recherche d'une solution au sein d'un couple, l'essentiel est de sauver le couple. La discussion ou d'autres formes de communication ne permettent pas de comprendre les réelles motivations de l'autre dans leur ensemble. Cela n'a pas d'importance, car il suffit de comprendre les motivations annoncées et formulées.

Le reste, la complicité du couple, la vie commune permettent de parfaire la cohabitation, de deviner le reste. L'empathie dans la relation intime permet d'apaiser la tension, permet d'approfondir l'intimité dans le couple, c'est une prédisposition, un apprentissage au bonheur et à la satisfaction.

 

Aimer l'autre, c'est aussi le comprendre, le mettre en confiance.

 

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