Jean Martin Charcot : de la neurologie à la santé mentale

Charcot

Charcot

" Une leçon clinique à la Salpêtrière ", par Boussais, 1887

 

 

 

Le tableau montre Charcot pendant ses cours. La patiente présente dans le tableau est Marie Wittman. Elle décède à l'âge de 53 ans après une hospitalisation de 27 ans à la Salpêtrière de Paris en raison de sa maladie : l'hystérie.

 

Jean Martin Charcot (1825-1893) fut le maître de l'école de médecine à la Salpêtrière.
Dès 1921, le vieil hospice de la Salpêtrière abrite dans ses vieux murs une pléiade de médecins éminents et de chercheurs intéressés par un terrain presque vierge de la médecine : la neurologie.
Il y avait de nombreux élèves célèbres comme Pinel, Géorget, Ferrus, et Foville. Des médecins comme Delaye et Foville tentaient de montrer que la substance corticale du cerveau était le siège de l'intelligence. À cette époque, les médecins refusaient la possibilité que les lésions du cortex cérébral pouvaient se traduire par des paralysies.


Fils d'un modeste carrossier parisien, Jean-Martin Charcot naquit le 29 novembre 1825, aîné de quatre frères. Son goût pour l'étude le poussa vers la médecine, en dépit de son âme d'artiste. Ce côté artiste, Charcot allait le garder toute sa vie. Il avait une curiosité pour la morphologie corporelle, un goût pour les formes et les jolies choses.


Dès 1848, il est nommé Interne des hôpitaux à la Salpêtrière où Il devient professeur jusqu'à sa mort.
Dès son arrivée, il est intéressé par les déformations corporelles. Il commença d'étudier l'immense variété des maladies rhumatismales chroniques, et consacra sa thèse à l'étude des maladies rhumatismales dans leur forme chronique.
Progressivement, il maîtrise la description des difformités articulaires, et va décrire une maladie spécifique caractérisée par une arthropathie liée à l'ataxie locomotrice. Cette maladie est toujours nommée la maladie de Charcot.
En 1858, Charcot devient médecin des hôpitaux. Il a 31 ans. En 1860, Charcot est nommé professeur agrégé, puis chef de service deux ans plus tard en 1862.


À partir de cette nomination, Charcot s'intéresse à la neurologie, c'est-à-dire à la spécialité médicale concernant les maladies du système nerveux, et allait créer un enseignement des maladies nerveuses à la Salpêtrière. Au début, il s'agit d'un modeste centre. Les auditeurs se groupaient autour du maître dans une salle étroite où le jeune professeur interrogeait et examinait ses patients. Pour chaque cas, Charcot s'efforçait à dépister la nature exacte de la lésion et ses liens avec le système nerveux. Grâce à cette méthode, Charcot se garda de ne jamais tomber dans les erreurs des autres médecins de son époque.


Grâce à l'enseignement de Charcot, la neurologie n'est plus une science clinique ou anatomique, elle devient une discipline médicale associant l'anatomie à la physiologie, la clinique à la pathologie. Avec Charcot, un symptôme ne peut être séparé de la cause qui l'a engendré. Le traitement doit donc s'adresser à la lésion, et non plus aux symptômes.
Après ses études sur les maladies rhumatismales, il étudie les liens entre les maladies musculaires et les lésions nerveuses. En 1878, il est nommé professeur en anatomie pathologique. Encore une fois, il va décrire avec précision le lobule pulmonaire et le lobule hépatique qui portent toujours son nom.

 

 

La maladie de Charcot


Ou sclérose latérale amyotrophique. Il s'agit d'une maladie neurodégénérative paralysante, rare. C'est une maladie de nerfs moteurs, qui dégénèrent progressivement pour faire perdre aux patients le contrôle de leurs muscles : perte de la capacité à bouger les bras, les jambes, puis perte de la capacité respiratoire.
Parmi les patients célèbres présentant la maladie de Charcot, on peut citer l'astrophysicien anglais Stephen Hawking, qui a continué son travail de brillant chercheur en fauteuil roulant. Hawking lui continuait à s'exprimer publiquement, équipé d'un système d'aide à la communication pour parler de l'univers, ou des trous noirs.

La longévité de Stephen Hawking est exceptionnelle. Les patients affectés par la maladie de Charcot décèdent 24 à 36 mois après le diagnostic en raison de leurs problèmes respiratoires.

 

Et la santé mentale

 


Vers la fin de sa carrière, Charcot s'intéresse aux maladies psychosomatiques, et singulièrement à l'hystérie. Après avoir maîtrisé les maladies à base organique, Charcot tenta de réussir où tant d'autres avaient échoué avant lui.
Lorsque Charcot prit ses fonctions au début de 1862, l'hystérie était médicalement, parlant " une terre sans homme ". À La Salpêtrière, ces malades chroniques étaient largement délaissés. Ce fut Bourneville, à être l'un des premiers étudiants de Charcot, à être convaincu et à convaincre son patron de prendre soin de ces patients. Par la suite, les études de Charcot avec Paul Richer, Joseph Babinski, Georges Gilles de la Tourette, Paul Sollier, Pierre Janet, et bien d'autres ont permis de créer les conditions nécessaires pour traiter ces patients.


À cette époque, on ne distinguait pas les épileptiques des hystériques. Les patients étaient traités de la même façon, et généralement sans résultat. Charcot commença son travail par séparer les deux maladies selon des critères cliniques précis.
L'hystérie est une maladie qui se manifeste par des lésions fonctionnelles comme la paralysie ou la perte de la vue sans lésion organique. La patiente est paralysée sans lésion nerveuse, musculaire ou osseuse. Le problème est avant tout psychologique.
Jean Martin Charcot est célèbre pour ses études sur la " construction " de l'hystérie. Charcot pensait avoir isolé l'hystérie comme une pathologie particulière et universelle. Afin de traiter cette maladie, il a utilisé l'hypnose avec une certaine réussite.

Ses travaux sur l'hystérie et l'utilisation de l'hypnose en médecine allaient attirer un large public à ses conférences.

Au printemps 1885, Jean-Martin Charcot, commence ses travaux sur l'hystérie traumatique, notamment chez l'homme, qui dureront jusqu'en 1891. Six mois, plus tard, en octobre 1885, Freud arrive à Paris, suit les conférences de Charcot et fait un séjour dans le service du professeur Charcot, jusqu'en mai 1886.

Charcot souligne, dans ces cas d'hystérie, qu'il existe un problème mental ou psychologique, une idée fixe, une douleur, un deuil, ou une dépression.

Freud a été impressionné par le professeur. Charcot semble porter une attention particulière au jeune Freud, alors âgé de 29 ans. Il lui propose de traduire en Allemand le tome III de ses leçons sur les maladies du système nerveux.
Parmi les leçons du tome III, on trouve les premières leçons de Charcot sur l'hystérie chez l'homme, et plus particulièrement six cas d'hystérie traumatique. Freud assiste aux leçons du mardi.


Freud écrit dans sa lettre du 24 novembre 1885 adressée à Martha Bernays " aucun autre homme n'a jamais eu autant d'influence sur moi. "
Freud va compléter les travaux de son maître.

 

Les techniques d'hypnose, employées par Charcot et Freud, sont connues aujourd'hui sous le nom d'hypnose classique qui constitue la forme la plus simple de la pratique hypnotique basée sur la suggestion directe.


Aujourd'hui, l'hystérie est considérée comme un trouble de santé mentale sans lien avec l'utérus, le sexe féminin, ou avec la sexualité.

 

 

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Freud : la création artistique est un jeu d’enfants

Chagall-deux-pigeons

Chagall deux pigeons

Chagall : deux pigeons

 

Freud, dans son texte de 1908 « Le créateur littéraire et le rêve éveillé », associe la psychanalyse à une certaine dose de philosophie pour s’interroger sur l’art, sur la création, la valeur et le sens profond de l’art.

Par quels moyens l’art parvient-il à remonter jusqu’aux sources inaccessibles de notre vie affective ? Quels sont les moyens de l’art pour rendre possible notre « éveil des affects » ? Comment l’art stimule-t-il nos émotions ? Qu’est-ce qui permet à l’œuvre de susciter notre intérêt ? Qu’est-ce qui fait que celui qui regarde un tableau ou admire une autre œuvre d’art éprouve des sentiments, découvre des relations, et mobilise dans son esprit des questions nouvelles ?
Comment parvient l’artiste, le poète, l’acteur ou le peintre à « provoquer en nous des émotions dont nous ne nous serions peut-être même pas crus capables ? »

Selon Freud, l’artiste n’est pas censé savoir ce qui fait de lui un poète, un sculpteur ou un peintre. Les raisons de son génie lui sont obscures. Il ne peut exposer les raisons qui le font parvenir à ce résultat ni la recette de son art.
Quant à son intention, de ce qu’il peut exprimer par son œuvre, il ne peut en savoir que peu de chose ou rien du tout.
Le spectateur essaye d’interpréter l’intention de l’artiste à travers l’œuvre, de dégager le sens, d’analyser à travers l’œuvre les sources des émotions et intentions de l’artiste. Cette analyse ne peut épuiser le mystère de l’œuvre ni rendre intelligible l’émotion du spectateur.

 

Matisse tristesse du roi 

Matisse : tristesse du roi

 

Que signifie l’œuvre, que veut-elle représenter ? Qu’est-ce que l’auteur nous donne à voir ?
Freud dit : « l’artiste peut aller jusqu’à l’extrême limite de ce que l’art peut exprimer. »
Le spectateur identifie dans l’œuvre même les limites de ses analyses. L’œuvre ne peut informer plus que ce qu’elle dit, ne peut exprimer au-delà de ce qu’elle est.

L’art se révèle en partie par l’analyse et déchiffrement, mais dans l’art, il reste quelque chose qui échappe à l’univers du sens.
Freud dit que l’œuvre nous saisit quand l’artiste a pu matérialiser en elle sa pensée et ses émotions.
Freud explique que le lecteur ou le spectateur ne peuvent élucider l’énigme du talent de l’artiste, ni par l’analyse de la vie de l’artiste ni par sa biographie.

Une autre affirmation de Freud « les meilleurs aperçus sur l’essence de l’art ne contribueraient en rien à faire de nous-mêmes des créateurs »

Freud rompt avec la croyance d’un déterminisme, d’une continuité entre ce que pense l’artiste et ce qu’il peut créer. L’œuvre reflète la pensée de l’artiste, elle ne peut être réduite à cela. L’œuvre est capable d’excéder toutes les intentions de l’artiste. C’est dans cette bifurcation, que la création artistique prend droit à l’existence.

Enfin, Freud pense qu’il est impossible de tout savoir, impossible de saisir tout que l’œuvre veut dire, car l’œuvre peut dépasser son créateur et la capacité d’analyse du spectateur.

 

 munch le cri

Munch : le cri

 

Pour expliquer la nature de la création artistique, Freud écrit : « L’occupation la plus chère et la plus intense de l’enfant est le jeu. Chaque enfant qui joue, se
comporte comme un artiste poète, dans la mesure où il se crée un monde propre, ou il arrange les choses de son monde suivant un ordre nouveau, à sa convenance. Ce serait un tort de penser qu’il ne prend pas ce monde au sérieux ; au contraire, il y engage de grandes quantités d’émotions.

L’opposé du jeu n’est pas le sérieux, mais la réalité. L’enfant distingue très bien son monde ludique, en dépit de tout son investissement affectif, de la
Réalité. Il aime étayer ses objets et ses situations imagées sur des choses
palpables et visibles du monde réel. “

Selon Freud, le créateur fait la même chose que l’enfant qui joue ; il crée un monde de rêves éveillés qu’il prend au sérieux, qu’il dote de grandes quantités d’émotions tout en le séparant nettement de la réalité.

Il y aurait selon Freud une ressemblance entre le jeu de l’enfant et la création artistique qui se trouve dans la prévalence donnée au désir sur la réalité. Dans les deux cas, un monde s’organise sur les rails de la fiction et des émotions. Dans le jeu de l’enfant et dans l’art, l’intensité de la vie se fait mouvement, les objets sont disposés pour leur restituer le pouvoir de dire quelque chose de réel, mais différent de la réalité.
L’enfant qui joue construit un monde. Le jeu n’est pas une imitation ni le
reflet d’une réalité, mais appropriation, transformation de quelque chose
qui dépasse la réalité. Le jeu ouvre une dimension de l’inconnu, du
nouveau. Ce jeu devient moyen de connaissance du monde, une expérience de création. Le jeu n’évoque pas la réalité, mais nous fait voir au-delà de la réalité.

La création artistique et le jeu de l’enfant ne visent pas l’adaptation aux
contraintes de la réalité, mais sa transformation.
Le jeu et l’art au-delà de tout emploi, de toute fonction, nous mettent face à la vérité d’Aristote : ‘les hommes aiment jouer par nature.’ En quelque sorte, c’est le jeu qui nous apprend la vie.

Il ne suffit pas toujours d’avoir joué dans son enfance pour être poète, peintre, sculpteur ou acteur. La relation entre le jeu de l’enfant et la création artistique s’arrête à une origine commune. Pour qu’il y ait création artistique, l’objet crée est élevé à la dignité de l’art. La nature esthétique distingue l’art d’un jeu d’enfant.

L’auteur de l’œuvre d’art rend l’œuvre désirable, l’arrache à l’anonymat pour le rendre unique, et le détache à son intimité pour la rendre transmissible.
Quand un portrait ne représente pas la personne, il devient une œuvre.

Freud fait à nouveau de la psychanalyse quand il pense que l’artiste seul est capable de nous faire dépasser nos préjugés, notre inhibition, notre répulsion face à nos désirs refoulés. Il nous révèle nos propres désirs, il nous fait vivre nos refoulements les plus intimes.
Selon Freud, l’œuvre artistique doit s’accompagner d’une subjectivité qui se dévoile et se transcende. L’artiste a voulu dire quelque chose qui est à la fois singulier et universel.

L’artiste nous ouvre à une autre expérience avec nos propres rêves, nos propres désirs, notre propre regard sur le monde. Par la création artistique, le créateur parvient à dépasser les barrières de notre conscience, de nos préjugés, de notre inhibition, notre complicité, notre héroïsme, et notre paresse de penser. Par les moyens de l’art, nous serons capables d’un autre rapport, d’une autre expérience, d’un autre jugement avec nos propres désirs.
Selon Freud, l’art nous fait vivre quelque chose qui émane de sources psychiques profondes, mais qui ne peut nous être restitué que par la forme artistique, quelque chose qui nous sentir comme faisant partie de la communauté des hommes.

 

 

botticelli madonne

Botticelli : madonne

 

 

Réf

S. Freud, ‘Prix Goethe 1930’, in Résultats, idées et problèmes II, P.U.F., Paris, 1992, p.184
S. Freud, la création littéraire et le rêve éveillé” 1908) : https://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund/essais_psychanalyse_appliquee/04_creation_litteraire/creation_litteraire.html

 

 

 

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De Freud à Bizet : provocante Carmen

 

carmen


 

 

L'année 1886, année où Freud reçut son diplôme de la faculté à de médecine de l'Université de Vienne est l'année où le livre " Psychopathia Sexualis " du sexologue Krafft-Ebing fit son apparition. Freud dira qu'il avait acheté quatre exemplaires de ce livre, les remarques de Freud et les traits de ses crayons sont présents sur les plages du livre.
Quand Freud présente un article scientifique sur la genèse de la maladie hystérique à Vienne à la société de psychiatrie de neurologie en 1896, Krafft-Ebing, le grand sexologue de l'époque en Europe, était président de cette société. Ebing condamne vivement ce travail en le qualifiant de conte de fées scientifique. Freud répondit en privé : " Ils peuvent tous aller en enfer. "
Blessé par la moquerie de Krafft-Ebing, Freud continua ses recherches cliniques et sexologiques,
et finit par devenir l'un de grands penseurs en occident, le fondateur de la psychanalyse, et de la sexologie moderne.
Progressivement, Freud allait rendre la sexualité acceptable socialement, scientifiquement en normalisant le contenu des pensées sexuelles et des gestes érotiques. En étudiant les fantasmes sexuels, il explore leurs origines et leurs rôles sans formuler de jugement moral, alors que Krafft-Ebing avait tenté la même approche, mais jugeait une partie de la sexualité humaine comme anormale ou dégénéré.  



Le cas de Frau P J

En 1895, Freud décrit le cas d'une jeune chanteuse d'opéra Frau  P.J., jeune mariée
dont le mari travaillait comme vendeur itinérant. Il voyageait beaucoup et laissait sa jeune épouse seule.
La jeune chanteuse d'opéra est embauchée pour Carmen l'opéra de Georges Bizet écrit en 1875, devenu un grand succès populaire.   
Elle commence à travailler et étudier le fameux passage de la " Séguedille " de Carmen. À son grand étonnement, elle a soudainement, senti son corps s'agiter d'une sensation étrange. Pendant la répétition de cette mélodie, elle a eu la surprise d'avoir un orgasme. Cette surprise trouble fortement la jeune femme, et l'oblige à modifier ses répétitions pour éviter la gêne d'un éventuel orgasme en public ou pendant la répétition devant musiciens et ténors.  


Après avoir consulté les médecins de Vienne, en désespoir de cause, Frau P.J. prit consulte le jeune neurologue Freud. Le jeune médecin note combien la jeune femme est bouleversée par cette réaction inhabituelle et si difficile à justifier en société. Freud va mettre ses talents de détective en œuvre en commençant déjà par écouter la patiente, attentivement, avec respect et empathie sans jugement moral.
Comme les autres femmes de l'époque, Frau P.J s s'est mariée vierge, elle n'a ses premières relations sexuelles qu'avec son mari. Elle a alors entamé une vie sexuelle pleine et sans contrainte, mais l'absence régulière de son mari provoquait chez elle, un sentiment de privation et une grande frustration sexuelle.
Selon Freud, les fantasmes sexuels peuvent traduire le manque d'épanouissement sexuel. Le fantasme sexuel peut servir de moyen de satisfaire un souhait frustré.
Il découvre qu'il ne s'agit pas d'un orgasme inopportun provoqué par la vue d'un chanteur ou d'un musicien, ni par un contact ou échange avec un homme ou une femme, mais par les paroles mêmes de la chanson Carmen, et spécialement les paroles du passage de la Séguedille où Carmen souhaite rencontrer un amoureux capable de la satisfaire, de satisfaire son désir.


Carmen décrit sa rêverie ou son fantasme, chante les joies d'être réunie avec son amant. Carmen explique :
" j'irai danser la séguedille
et boire du Manzanilla,
j'irai chez mon ami Lillas Pastia.
Oui, mais toute seule on s'ennuie,
et les vrais plaisirs sont à deux;
donc pour me tenir compagnie,
j'emmènerai mon amoureux!
Mon amoureux ! Il est au diable !
Je l'ai mis à la porte hier !
Mon pauvre coeur, très consolable,
mon coeur est libre comme l'air!
J'ai des galants à la douzaine ;
mais ils ne sont pas à mon gré.
Voici la fin de la semaine:
Qui veut m'aimer? Je l'aimerai!
Qui veut mon âme? Elle est à prendre!
Vous arrivez au bon moment!
Je n'ai guère le temps d'attendre,
car avec mon nouvel amant
près des remparts de Séville,
chez mon ami Lillas Pastia,
j'irai danser la séguedille
et boire du Manzanilla,
dimanche, j'irai chez mon ami Pastia! "



Freud s'est rendu-compte que les paroles de l'opéra exprimant le désir et les fantasmes de Carmen et suscitaient dans l'esprit et dans le corps de Mme PJ le désir d'être en couple, d'être avec le mari absent. Ces paroles traduisent la douleur de la séparation et les fantasmes de s'unir à son amoureux.
Étrangement, la situation fictive de Carmen reflétait la situation réelle, et le vécu de la patiente viennoise nouvellement mariée, abandonnée par un mari voyageur, et désireuse d'être avec lui.
Selon Freud, le fantasme sexuel et l'orgasme pendant la répétition de la "Séguedille" de Carmen traduisent le désir sexuel de Mme PJ et une fonction de compensation où l'organisme se défend du manque par un orgasme involontaire et imprévu.


Nous ne savons pas ce que Freud proposa à la patiente au-delà de l'explication pour répondre à ses attentes, mais nous savons qu'il a forgé le terme fantasmes, qu'il a expliqué et détaillé les fantasmes et surtout qu'il a défendu l'idée qu'il s'agit d'une sexualité normale qui ne devait pas être culpabilisée ni stigmatisée.  


Est-ce que Bizet aurait imaginé cet effet en mettant en musique son chef d'œuvre Carmen ?  
De nombreuses cantatrices ont chanté Carmen, rien n'indique qu'elles ont bénéficié de cette même réaction. Oui, la musique de Bizet est entraînante, les paroles provocantes pouvant faire chavirer, mais l'orgasme de Mme PJ n'est pas un effet constant de cet opéra.

 

 

 

 

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Freud le philosophe

freud philosophe

 

Freud était un psychologue, psychiatre, médecin neurologue spécialiste de neurosciences, inventeur d'une nouvelle discipline " la psychanalyse " et également philosophe.
Dans son livre, Clark Glymour, philosophe de science, écrit en 1991 : " Les écrits de Freud comportent une philosophie qui aborde de multiples questions au sujet du mental ".


Il est difficile de comprendre la pensée freudienne sans se familiariser avec sa philosophie. Ironie ! Freud était parmi les penseurs qui étrillaient la philosophie occidentale de son époque.
Freud ne rédigeait pas de textes philosophiques, il cherchait à élaborer des concepts, à forger une définition, et à formuler des conclusions. Concernant la métaphysique, il la qualifie comme " une nuisance, un abus de la pensée ", préférant réfléchir sur le comportement  et sur les motivations.

 

freud citation force

 

Pour les médecins neurologues, le grand défi est de déterminer comment fonctionne le cerveau. Cette question, toujours d'actualité, était alourdie par d'autres défis philosophiques. Au début du XXe siècle, la neurologie s'orientait vers l'étude des lésions médicales neurologiques comme les maladies dégénératives ou les atteintes cérébrales vasculaires, la psychiatrie se spécialisait dans les troubles mentaux sans lésions organiques. La psychologie apparaissait comme une nouvelle discipline scientifique se consacrant à la compréhension du comportement humain, de ses difficultés et de ses motivations.
Les psychologues devaient affronter un problème philosophique majeur : est-il possible d'étudier scientifiquement l'esprit humain ? La science de l'esprit était le scientifique ? Peut-on comprendre l'esprit par la science ?
Ces questions purement philosophiques ont agité la philosophie occidentale pendant des siècles et ont compliqué la vie des premiers psychologues. À cette époque, les philosophes analysaient les émotions, la colère, la tristesse, et les autres sentiments, et rédigeant des textes philosophiques pour conseiller le lecteur et pour l'accompagner vers une vie raisonnée.  


Contrairement aux scientifiques d'aujourd'hui, les neuroscientifiques et les psychologues de cette époque ont compris que la science est forcément influencée par les hypothèses philosophiques. Depuis le XVIIe siècle, des philosophes, comme Descartes, proclamaient la tradition intellectuelle cartésienne séparant définitivement le corps de l'esprit. D'autres philosophes favorisaient une approche différente.
Les neuroscientifiques du 19e siècle ont soutenu que l'esprit et le corps sont radicalement différents. Le corps est une entité matérielle au contraire de l'immatérialité de l'esprit. Le philosophe britannique Gilbert Ryle ironisait sur cette approche en la qualifiant de la théorie du fantôme dans la machine.

 

freud citation emotion

 


De leur part, les psychologues du XIXe siècle croyaient que l'esprit est conscient, chaque personne est responsable de son esprit, capable d'accéder à ses propres états mentaux. Par conséquent, la recherche psychologique était une introspection.
Les médecins pratiquaient l'hypnose cherchant à interroger l'esprit. Les expériences ont démontré qu'une personne sous l'hypnose peut être influencée.
Un ordre donné à une personne sous hypnose peut être exécuté par cette personne après son réveil, le patient ne pouvait en aucun cas expliquer son geste.
Les scientifiques de l'esprit ne savaient pas comment expliquer ce phénomène. Des chercheurs ont commencé à parler d'un geste involontaire. D'autres médecins refusaient l'idée dominante, et suggéraient pour la première fois, la présence des états mentaux inconscients. Dans certains troubles mentaux comme l'hystérie, la patiente est victime de forces étrangères à elle-même, inconsciente de ses propres réactions.
Le jeune neurologue Freud commença sa pratique médicale en acceptant les hypothèses philosophiques de son époque en affirmant que l'esprit est une entité différente du cerveau, et que nous sommes conscients dans tous nos états mentaux. Cependant, il n'arrivait pas à classer les symptômes de ses patients selon cette approche. Il commença à se méfier de ces théories.


Il commence par critiquer les idées qui circulaient pour expliquer les gestes involontaires des patients : la conscience divisée, la présence de plusieurs consciences, etc., il concluait que ces idées sont incohérentes. Dans son livre, l'inconscience publiée en 1915, il écrit : " notre expérience personnelle nous familiarise avec nos propres idées. Nous ne savons pas d'où viennent ces idées ni quelles seront nos conclusions."
En critiquant les théories de son époque, il forge le concept de l'inconscient. L'esprit selon lui est divisé en deux parties : la partie consciente, et la partie inconsciente. Il s'agit d'une pure spéculation philosophique bénéfique à la pratique clinique avec les patients.
De nombreuses considérations ont conduit Freud vers cette nouvelle vision de l'esprit humain, réalisant ainsi ce que la philosophie occidentale cherchait à faire.

 

freud citation idee

 


À partir de 1895, Freud se met à critiquer et à rejeter le dualisme corps - esprit, une idée sacrée dans la philosophie occidentale. En dépit des critiques et des moqueries, il écrivit que les processus mentaux sont des fonctions cérébrales. Il a rejeté l'idée que nous pouvons comprendre nos esprits par l'introspection, comme conseillaient les philosophes en parlant de méditation et de sagesse, car selon lui, la conscience ne pourra pas accéder à la totalité de nos fonctionnements mentaux. Selon lui, la partie du cerveau responsable de nos pensées n'est pas la même partie responsable de notre conscience.
Il continua à approfondir cette théorie psychanalytique, en ajoutant le complexe d'Oedipe, le refoulement, le mécanisme de défense psychique, puis la théorie des rêves.
D'autre part, il va se lancer dans la sexologie, en forgeant des concepts comme la libido, l'orgasme, ou le fantasme.
La science moderne a invalidé de nombreux points de la théorie freudienne, d'autres concepts continuent d'enrichir la psychologie, ou même notre culture populaire.
Son approche était théorique et philosophique. En respectant la rigueur de sa formation scientifique, il réfléchissait d'une façon structurée à expliquer ce que la science n'arrivait pas à détailler.

 

Dans la pensée de Freud, il y a une dimension profondément philosophique, qui offre une belle récompense intellectuelle à celui qui prend le soin de réfléchir d'une façon structurée et rigoureuse.

 

 

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