L’Apothéose d’Homère, Jean-Auguste-Dominique Ingres 1827, Musée du Louvre
Table de matière
Homère, pour les Anciens, était un poète du VIIIe siècle av. J.-C., auteur de l’Iliade, de l’Odyssée etc. Ce poète, pour les Anciens, vivait en Asie Mineure ou près de l’Asie Mineure.
Il est peut-être né à Smyrne ; il a probablement séjourné à Chios ; la tradition le disait aveugle. C’est là tout ce que l’on sait de lui. Mais déjà la date donne à réfléchir.
Homère (9 ou 8e siècle av-JC) est l’auteur présumé de l’Iliade et de l’Odyssée. Bien que ces deux grands poèmes épiques de la Grèce antique aient toujours été attribués à Homère, on sait peu de choses de lui, si ce n’est que c’est le nom que les Grecs eux-mêmes ont donné à ces poèmes dans l’Antiquité.
Il est difficile d’établir avec certitude si Homère est un individu qui a réellement existé ou une identité culturelle construite, ou s’il est l’auteur des deux célèbres épopées qui sont au fondement de la littérature occidentale.
Il est possible qu’un poète épique du nom d’Homère ait joué un rôle dans la formation de l’Iliade et de l’Odyssée. Selon cette hypothèse, Homère est l’un des plus grands artistes littéraires dans l’histoire de l’humanité.
Il est l’un des auteurs les plus influents, ses deux épopées ont fourni la base de la culture grecque au long de l’ère classique et ont constitué une base de la littérature romaine puis européenne. Les épopées homériques ont eu un profond impact sur la culture de la Renaissance en Italie. La prolifération des traductions a contribué à en faire les poèmes les plus importants de la tradition classique européenne.
La place d’Homère dans la littérature grecque est majeure, représente à lui seul le genre épique à cette période : l’Iliade et l’Odyssée lui sont attribuées dès le VIe siècle av. J.-C.
La tradition veut qu’Homère ait été aveugle. Démodocos, qui apparaît dans l’Odyssée pour chanter des épisodes de la guerre de Troie, est aveugle aussi : la Muse lui a « pris les yeux, mais donné la douceur du chant ». L’auteur de l’Hymne homérique à Apollon à son propre sujet : « c’est un aveugle, qui réside à Chios la rocailleuse ».
Premières références à Homère
Les références implicites à Homère et les citations de ces poèmes datent du milieu du 7e siècle av JC. Archiloque, Alcman, Tyrtée (ou Tyrtaeus) et Callinos (ou Callinus) au 7e siècle et Sappho et d’autres au début du 6e siècle ont adapté la phraséologie et les rythmes homériques, les scènes des épopées sont devenues populaires. Le pseudo-homérique « Hymne à l’Apollon de Délos », composé probablement à la fin du 7e siècle, prétendait être l’œuvre d’un aveugle qui habite le Chios. L’idée qu’Homère avait des disciples appelés « Homeridae », et qu’ils avaient pris en charge la préservation et la propagation de sa poésie, remonte au moins au début du 6e siècle av. J.-C.
Théagène de Rhégion, dans le sud de l’Italie, vers la fin du même siècle, a rédigé de nombreuses interprétations allégoriques concernant les textes homériques. L’historien Hérodote a mentionné Homère et a affirmé qu’il avait vécu 400 ans avant lui (Hérodote vivait au 5e siècle avant Jésus-Christ).
Paul Jourdy, Homère chante ses vers, 1834, Paris, École nationale supérieure des Beaux-Arts
Points de vue modernes sur Homère
Les chercheurs modernes ne sont d’accord avec les sources anciennes que sur le lieu d’activité d’Homère.
On peut se demander si l’Iliade et l’Odyssée ont été composées par le même auteur. Ces doutes ont commencé dans l’Antiquité et dépendaient principalement de la différence de genre (l’Iliade étant martiale et héroïque, l’Odyssée picaresque où d’œuvres littéraires dont le héros traverse toute une série d’aventures qui sont pour lui l’occasion de contester l’ordre social établi, avec du fantastique). Les similitudes des deux poèmes sont en partie dues à la tradition poétique héroïque.
Il semble plausible de conclure que la période de composition des épopées à grande échelle (par opposition à leurs prédécesseurs beaucoup plus courts) a été au 9e ou 8e siècle. L’Odyssée pourrait se situer vers la fin de ce siècle, l’Iliade plus près de son milieu. Ce n’est peut-être pas une coïncidence si le culte des héros homériques a eu tendance à se développer vers la fin du 8e siècle.
Homère comme poète oral
Homère reste avant tout une projection de grands poèmes qui révèlent sa vision du monde, sa technique et le poète qu’il était. La tradition homérique était une tradition orale : c’était une poésie faite et transmise oralement sans écriture. Homère semble avoir introduit le concept d’un style de poésie différent, sous la forme d’un poème monumental qui nécessitait plus d’une heure ou d’une soirée pour être chanté et qui pouvait produire des effets nouveaux et complexes, en termes littéraires et psychologiques.
L’Iliade et l’Odyssée illustrent certaines incohérences de toute poésie orale, et l’amalgame de matériaux traditionnels dans une structure nouvelle. Pourtant, l’impression dominante est celle d’une puissante unité.
L’Iliade
L’Iliade comprend plus de 16 000 versets et nécessite plusieurs soirées pour être chantée. C’est une exploration de l’idéal héroïque dans toutes ses contradictions, sa fierté saisissante, sa force, son humanité et ses limites. Le poème raconte l’histoire de la colère d’Achille, le plus grand guerrier grec. Longues scènes de bataille, dans lesquelles des rencontres individuelles alternent avec des mouvements de masse des armées adverses.
La poésie de la bataille est basée sur des éléments et des motifs typiques et récurrents, subtilement variés par des épisodes et des décors individualisés : les troupes, les duels entre Paris et Ménélas, entre Ajax et Hector, Hélène, etc. La mort de Patrocle aux deux tiers du poème ramène Achille dans la bataille. Dans le livre 22, il tue Hector. Ensuite, il restaure son statut de héros, et dans le dernier livre, Achille est contraint par les dieux à restaurer les valeurs civilisées et à remettre le corps d’Hector au roi Priam.
L’épopée commence ainsi :
« Chante, déesse, la colère d’Achille, le fils de Pélée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta à Hadès tant d’âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel — pour l’achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle tout d’abord divisa le fils d’Atrée, protecteur de son peuple, et le divin Achille. »
L’Odyssée
L’Odyssée a tendance à être plus fade dans son expression et plus diffuse dans le déroulement de son action. Elle présente une structure plus complexe et harmonieuse que l’Iliade. Les principaux éléments sont la situation à Ithaque, où Pénélope, la femme d’Ulysse, et leur jeune fils, Télémaque, sont impuissants devant leurs ennemis alors qu’ils désespèrent du retour d’Ulysse du siège de Troie. Il y a le voyage secret de Télémaque dans le Péloponnèse pour avoir des nouvelles de son père, et ses rencontres avec Nestor, Ménélas et Hélène.
Le dangereux passé d’Ulysse, opposé au dieu de la mer Poséidon de l’île de la Calypso et le récit de ses aventures après avoir quitté Troie, dont son évasion de la grotte du Cyclope. Son retour à Ithaque, solitaire durant la nuit, au milieu du poème, est suivi de sa rencontre avec sa déesse protectrice Athéna, de son autorévélation à Télémaque, de leur plan pour se débarrasser des ennemies. Enfin, il y a la reconnaissance de sa fidèle Pénélope, le récit de ses aventures, sa rencontre avec son père âgé, et le rétablissement, avec l’aide d’Athéna, de la stabilité dans le royaume insulaire d’Ithaque.
Chant 1
Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après qu’il eut renversé la citadelle sacrée de Troie.
Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ; et, dans son cœur, il endura beaucoup de maux, sur la mer,
pour sa propre vie et le retour de ses compagnons.
La participation des dieux offre une dignité supplémentaire aux événements humains. L’Iliade et l’Odyssée doivent leur statut unique à la créativité et au style, à la spontanéité, et à une vision personnelle brillante. Le résultat est un impressionnant amalgame littéraire d’une puissance rare pour exprimer le triomphe et la frustration, la force et la vulnérabilité de la condition humaine.
Référence :
Robert Fowler : The Cambridge Companion to Homer, 2006