Mad men : le temps retrouvé

mad men femmes

 

 

En lisant les critiques, concernant cette série, vous pouvez être étonnés, certaines critiques sérieuses n'hésitent pas à qualifier " Mad men " de chef-d'œuvre, série télé la plus importante de ces dernières années. Pourtant, cette série ne bénéficie pas d'un soutien politique ou philosophique comme les séries qui traitent de sujet d'actualité ou de sujet sensible. C'est une série apolitique, sans action, ni violence ou drame. Pourtant, elle fait partie des séries les plus regardées sur les plateformes de visionnage avec Game of Thrones, The Handmaid' s Tale et The Americans.

 

mad men proust

 

Le temps retrouvé


Dans le temps retrouvé, Proust liait le temps à la mémoire, aux détails de nos souvenirs. Comme Freud, il voyait la vie comme un temps chargé de souvenirs, d'impressions, l'humain devient anatomie, action et mémoires.    
C'est une série sur l'univers de la publicité. Mad est l'abréviation de Madison Avenue, le centre des affaires de la publicité. C'est un spectacle sur les rôles, le temps, le genre, une visite chronologique de la société américaine de l'après-guerre, une histoire d'amour et de haine.

La série commence par une scène au restaurant, Don Draper entouré de ses collaborateurs, discutent de leur métier : la publicité. Lorsque vous essayez de vendre aux gens quelque chose, qu'est-ce que vous leur vendez vraiment ?? Les gens achètent le plaisir qu'ils espèrent trouver. Voilà le travail de ces mad men, vendre le plaisir éphémère d'une barre chocolatée, ou le goût d'un voyage en achetant une voiture. Vous n'achetez pas un projecteur de diapositives Kodak, vous achetez les souvenirs illustrés par les photos de votre dernier voyage ou de vos vacances. Retrouver le temps, retrouver le plaisir qui accompagne ce moment passé. Voilà la publicité.  

Mad Men c'est le temps retrouvé, les années 60, un monde sophistiqué, une époque où vous pouvez fumer dans les restaurants, où les médecins hésitent encore à prescrire la pilule, où les femmes restent à la maison, et où le couple marié représente la norme.


Cette série raconte l'histoire de Don Drapper un self-made-man, parti de rien, génial créatif au sein d'une agence de publicité. Le monde de l'entreprise des années 60, monde d'hommes à fort caractère, monde de confrontation, chacun doit démontrer sa valeur, sa capacité et son efficacité.
Les femmes dans l'entreprise sont secrétaires, standardistes ou maîtresses. Le début de l'immixtion, les femmes douées deviennent créatives comme Peggy, qui passe de secrétaire à chef du service.  
Nous assistons aux événements qui ont marqué les Etats Unis : campagne électorale Kennedy-Nixon, atterrissage sur la lune, assassinat de Kennedy. Nous vivons l'enfance de Don, sa jeunesse et la guerre de Corée. De même pour les autres personnages, nous suivons leur évolution, leurs couples, et leurs aventures extraconjugales.   

 

mad men equipe

 

En dépit d'un souci étonnant des détails de ces années, la série nous raconte le monde incertain de l'entreprise, la difficulté à s'adapter, les prises de risque.  
L'ascension professionnelle de Don est fulgurante, mais sa vie personnelle est loin d'être idéale. Marié à une jolie femme (ex-mannequin) dépressive qui s'ennuie entre la maison et leurs deux enfants, cette belle façade finira par se fissurer.
On admire le soin de la réalisation à retrouver les détails : les hommes des années 60 sont élégants en costume- cravates, les femmes en robes aux couleurs chatoyantes, dans des décors lumineux aux coloris complémentaires, harmonieuses, des bureaux minimalistes de style " scandinave ", décors et ameublements, vêtements nous charment par leur grande justesse et nous plongent dans la nostalgie de cette époque passée.

Mad men trace l'évolution de la condition féminine. Les épouses qui restent à la maison pour élever les enfants, qui se maquillent le soir avant le retour du mari, qui se mettent en nuisette avant de rejoindre le lit. Certaines s'ennuient et désirent travailler, d'autres travaillent et regrettent que le travail les empêche de rencontrer et de faire un couple. Mad men accompagnent plusieurs femmes : Peggy Olson (Elisabeth Moss), qui construit sa carrière à force de talent et de travail, Joan Holloway (Christina Hendricks) qui accepte tout pour arriver, l'épouse Betty Draper (Jones Janvier), modèle d'épouse frustrée par son manque de décision. Ces femmes vont progressivement entrer ce monde d'hommes, sortir de la maison, bénéficier de leur liberté, en acceptant le stress, l'épuisement, et même la solitude engendrée par le travail. La série excelle dans le suspense de la vie quotidienne en ajoutant au spectacle une vraisemblance étonnante. Cette obsession des détails devient le décor, puis un élément important du scénario devient une approche de l'histoire et des caractères.

Le progrès est là, chacun doit s'adapter, avec le bon et le moins bon. Quand le premier ordinateur arrive dans l'agence, les secrétaires redoutent la disparition de la machine à taper. Arrivée de la première photocopieuse, la place de la radio dans la vie quotidienne réduite par la survenue de la télévision qu'on traite de mode " éphémère ", les voitures de plus en plus grandes, de plus en plus confortables remplaçant les trains.
Nous assistons à l'apparition d'une contre-culture, le début de l'anti- consommation, anti-pub, les mouvements écologistes, et la lutte pour les droits civiques des noirs aux USA.

 

Mad Men est une construction entre deux personnages Don et Peggy, un homme et une femme, comme un reflet de miroir. À travers Peggy, Mad men nous raconte le féminisme de cette époque, l'apparition des femmes comme acteur social indépendant. Les femmes talentueuses prennent l'ascenseur social, d'autres préfèrent le modèle traditionnel de la femme au foyer, certaines femmes arrivent en acceptant de partager leur lit pour avoir quelques avantages.     
À partir de la la quatrième saison, Mad Men recueille le prix du scénario, et d'interprétation. L'audience est là, la série va encore nous surprendre.

 

mad men


La saison cinq et les saisons suivantes vont être plus expérimentales, plus jeunes et plus rythmées. Don se remarie avec sa secrétaire Megan, le cabinet fusionne avec d'autres entreprises. Ce changement reflète les mutations culturelles de ces années : liberté sexuelle, famille recomposée, etc. Les costumes des années 1966 sont vifs, moins classiques, et parfois extravagants. Megan la québécoise symbolise ces mutations, par son comportement, ses valeurs et ses attentes. Mad Men nous raconte ses années en quelques mots : séduction, pouvoir de la jeunesse, soif de changement.
L'ascension du pouvoir économique de la Californie souligne une importante évolution des USA.  Mad men suit la fin de la domination de la côte Est, et l'apparition d'une culture et d'un style de vie différents.

 

mad men megan

 

Loin d'être un exercice béat dans la nostalgie, Mad Men montre comment le temps peut modifier les règles non- dites d'une culture, modifier les relations, changer les personnes peu à peu. Le quotidien devient le reflet de la vie qui passe jour à jour. On assiste à une étude détaillée de la complexité de l'autonomie financière, personnelle, et émotionnelle. On pense être autonome, indépendant, on découvre les limites de ce jeu. Aucun personnage n'est positif ou négatif, les nuances de gris colorent la vie et le comportement.
Nous voyons un miroir de notre propre temps troublé dans ses personnages aliénés, à la dérive, dans une époque d'insécurité. Ils ont les mêmes problèmes que nous : perte ou changement de travail, problèmes d'identité, de couple, de sexualité, d'autoréalisation.  

Dans ce temps retrouvé, Mad Men nous rappelle que l'avenir est un voyage à travers l'inconnu. Votre profession peut être transformée par l'innovation technologique, votre pays peut se piéger dans une guerre étrangère ou dans une guerre civile absurde, votre mode de vie peut être attaquée par une idéologie, votre couple peut disparaître sans en comprendre la cause.

 

Voilà probablement le mot clé de la réussite de ce feuilleton : parler du passé pour analyser notre quotidien.
La survie devient notre obsession.
La survie, n'est-ce pas la condition de tout humain dès l'origine de l'humanité ?

 

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Downton Abbey ; une douleur nommée progrès

Downton Abbey serie

 

Cette délicieuse série met en scène la vie de la famille Crawley et de leurs domestiques entre le 15 avril 1912 (date du naufrage du Titanic) et le 31 décembre 1925 à Downton Abbey, une vaste demeure de l'aristocratie anglaise située dans le Yorkshire.
En France, cette série a été diffusée en partie sur TMC, partie sur TV Breizh ,  HD1 puis la dernière saison sur Arte. Depuis 2017, elle est diffusée sur Netflix.
La première saison commence alors que les héritiers de Downton Abbey ont péri lors du naufrage du Titanic. La famille Crawley se retrouve dans une situation délicate : le domaine doit intégralement passer à un héritier mâle, le titre de Comte de Grantham, le domaine et la fortune de la famille étant indissociables. Les trois jeunes filles de la famille ne peuvent prétendre ni au titre ni à l'héritage. Matthew Crawley, un cousin éloigné, devient le nouvel héritier. Il arrive à Downton Abbey où il découvre un style de vie nouveau pour lui, avec des règles très strictes qui régissent la vie entre aristocrates et serviteurs.
L'abbaye de Downton joue le divertissement, et non pas le documentaire. Julian Fellowes, le créateur du scénario a réussi la conception d'une série qui raconte le quotidien d'un pays - maison début du 20e siècle, où aristocratie et domestiques vivaient sur deux orbites séparées, mais  interconnectées. Il a réussi à créer une série prestigieuse et attachante.  

 

Downton Abbey mariage

 

Les changements au 20e siècle

La France parle discrètement de l'aristocratie. La Révolution française, puis les républiques ont fini par rendre l'aristocratie un sujet préférentiellement historique plutôt que social.
Dans son roman, le chef d'œuvre, la recherche du temps perdu, Proust décrit au début du 20e siècle la fragilisation progressive de l'aristocratie et l'installation au pouvoir économique et social de la classe moyenne, de la bourgeoisie.    
La situation semble différente dans un pays monarchique comme l'Angleterre.   
La demeure Downton est divisée entre maîtres et domestiques. Chacun son rôle, les relations entre major d'homme, valets, cuisinières, chauffeurs et les ladys, le duc et la duchesse sont courtoises et professionnelles. La demeure imposante vacille devant les changements du monde. La série adhère au calendrier avec intelligence. Les événements extérieurs vont façonner le quotidien de la maison. Après le Titanic, qui va mettre en doute l'idée de progrès infaillible, l'électricité arrive au château avec son éclairage éblouissant, Comment toucher l'interrupteur en évitant un choc électrique ? Faut-il parler des bougies avec nostalgie ? Il est facile de trouver la même idée dans des romans japonais où l'on critiquait le progrès qui a supprimé les ombres.
La critique du progrès dans Downton est moins violente que dans les romans japonais. Pourtant, lutter contre ce progrès permanent devient en soi une lutte pour transmettre, pour sauver sa qualité de vie.
Adapter le progrès à nos vies, à nos héritages, adapter nos vies au progrès, voilà l'enjeu de chaque jour.

La Première Guerre mondiale représente l'axe principal de toute la deuxième saison, avec son cortège de victimes et de souffrance. Le sacrifice des Anglais dans la Somme est célébré ; le progrès devient problématique dans cette première guerre d'acier, d'avions, et de Gaz toxique. Les hommes au front, les femmes agissent pour combler le vide et assurer le quotidien. Voilà le début d'une spectaculaire mutation de la condition féminine.  
La guerre allait tout changer en Europe, en Angleterre et à Downton.  La classe ouvrière réclame des changements de société. Les requêtes féminines revendiquent le droit de vote. L'apparition du socialisme en tant qu'idée nouvelle combattue comme idéologie violente et meurtrière après la révolution russe et l'assassinat du tsar et de sa famille.

 

Downton Abbey recital

 


La situation économique après la première guerre va bouleversée ces grands domaines obligés pour survivre de passer d'une économie de rente à une économie de production.  
Violette Crawley, la duchesse douairière répète : " Mais bon, nous n'avons pas toujours le sort que nous méritons ". Comment survivre dans ce monde si changeant ? Que faut-il accepter ? Que convient-il de refuser ? La cuisine s'enrichit d'un réfrigérateur, d'un batteur électrique, le téléphone est installé, le fer à friser modifie la coiffure des femmes, les voitures remplacent les calèches.
La série relate également la naissance de la république irlandaise, les classes sociales qui se heurtent quand lady Sybil se marie avec son chauffeur irlandais bravant ainsi les limites de sa classe sociale.   
Un réel romancé

Dans  Downton, le nombre de domestiques a été délibérément réduit pour simplifier le récit. Les domestiques sont des travailleurs, amis fidèles de la famille mais vivant en huit clos avec intrigues et complots. La dévotion paternelle du maître d'hôtel célibataire montre comment les enfants de son maître sont devenus aussi ses enfants. La dévotion va dans les deux sens  : le duc Grantham soutient son valet, un soldat blessé, contre vent et marée.

 

Downton Abbey duchesse

 

Fellowes capte brillamment la dépendance du duc Grantham à son valet et celle de Madame Grantham à l'égard de sa femme de chambre. Ces travailleurs, historiquement désignés sous le nom de " domestiques " ont aidé leurs employeurs à se baigner, à s'habiller, à se préparer au monde extérieur.
Le duc résume son rôle. " Nous sommes des passeurs, nous sommes là pour préserver le domaine et le transmettre. Sur le plan économique, nous devons être utiles et justes, créer des emplois et faire vivre le village. Sur le plan politique, soutenir la monarchie et défendre son pays. "   
Cette aristocratie se retrouve, comme les domestiques et les autres habitants face à cette douleur nommée progrès. Les radios arrivent, les médias se multiplient, la classe ouvrière réclame des droits, la condition féminine change, l'école modifie le destin de la jeune génération, les domestiques quittent le château pour devenir ouvriers, employés ou fonctionnaires. Les mariages au sein de cette famille sont le témoignage de l'affaiblissement de la classe aristocratique, et l'accès de la classe moyenne au pouvoir économique puis politique.  


Épisode après épisode, la série devient romanesque, prestigieuse, attachante, sans violence verbale ni physique, sans nudité ni action, une série à part, où de veilles femmes discutent comme dans les romans d'Agata Christie, où les amoureux badinent comme dans les romans d'Austen, où le temps passe et modifie les choses comme dans les grandes sagas.  

Downton Abbey noel

      

Le progrès : une difficulté indispensable

Dans une autre série, de bonne qualité, the Crown, les spectateurs assistent aux changements de la monarchie britannique imposés par le progrès dès la Première Guerre mondiale. En France, le progrès et les changements étaient identiques sur le plan social, économique et politique.
Le duc de Downton dit : j'ai l'impression d'être un animal dont son environnement naturel a disparu, situation à laquelle il devrait s'adapter.
Nous aussi, nous voyons les écrans envahir nos vies, la numérisation modifier nos milieux de travail, et bientôt l'intelligence artificielle ajoutera à ces changements une nouvelle vague de nouveauté, avec son cortège d'avantages et d'inconvénients.

On continuera à parler du progrès, à le subir, et  s'adapter.
Peut-on faire autrement ?       

 

 

 

 

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Nietzsche à Freud : sortir la civilisation du chaos

Freud Nietzsche irrationnel chaos

 

Nietzsche le chaos extérieur, Freud le chaos intérieur

Freud pensait que si le développement de la civilisation continue sur sa forme actuelle, " l'ensemble de l'humanité risque de devenir névrotique, " écrit-il dans Malaise de la civilisation en 1930.  
Quelques années avant lui, Nietzsche critiquait les opinions conventionnelles de son temps. Il ne croyait pas à la réforme sociale, il détestait le gouvernement parlementaire et le suffrage universel. Il détestait les libéraux, les conservateurs, les communistes et les socialistes. Il ne partageait pas la vision du progrès caractéristique de la tradition intellectuelle occidentale. Il condamnait  la morale chrétienne. Il se moquait de la notion libérale qui pense que l'homme est intrinsèquement bon.


Selon lui, l'homme doit comprendre que la vie n'est pas régie par des principes rationnels. Mais que la vie est pleine de cruauté, d'injustice, d'incertitude et d'absurdité. Il n'y a pas de normes absolues du bien et du mal. Il n'y a qu'un homme nu vivant seul dans un monde absurde et chaotique.
Contre les tendances de la société bourgeoise de son époque, Nietzsche a souligné que l'homme doit connaître son monde intérieur, que ses instincts sont sa vraie force. Il écrivait "Du sollst werden, der du bist", ou  "devenez ce que vous devez être."

 

chaos

 

Pour que l'homme réalise son potentiel, il doit rompre sa dépendance à la raison et à l'intelligence en développant ses instincts, son dynamisme et sa volonté. Ainsi, dans son livre, l'anti-Christ de 1888, Nietzsche écrit que le christianisme a mené une guerre contre ce type d'homme " supérieur ", cultivant les faiblesses des humains et non pas leur force.


 "Dieu est mort," écrit il. Les anciennes valeurs et vérités ont perdu leur vitalité et leur validité. Il n'y a pas de valeurs morales. Nietzsche dit l'homme doit dépasser le nihilisme, produit de sa vie quotidienne,  créer de nouvelles valeurs, devenir son propre maître et être fidèle à lui-même.
Selon Nietzsche, l'homme pourrait être sauvé par un nouveau type d'homme, le Surhomme. Ces hommes qui se libèrent de la foutaise de la civilisation moderne, pour créer leur propre morale fondée sur les instincts, l'entraînement et la volonté.
Nietzsche a saisi l'un des problèmes fondamentaux du XXe siècle.

 

Dans le dernier quart du 19ème siècle, Nietzsche ne voyait que déclin. Avec la mort de Dieu, une mort décidée par la révolution scientifique, l'individualisme de la classe moyenne, le marxisme, le darwinisme, le positivisme et le matérialisme, les valeurs morales traditionnelles avaient perdu leur valeur et leur signification, la philosophie de Nietzsche cherchait la solution.


Freud : le pessimiste enfant des lumières  

Nietzsche quitte ce monde en 1900. Un autre grand penseur va marquer le siècle, Sigmund Freud (1856 - 1939) lui va réhabiliter les idées du 18ème,  siècle des Lumières.
La raison humaine et les sciences sont selon lui le chemin pour la connaissance. Freud est l'enfant des Lumières.  Il va se concentrer sur le pouvoir et l'influence des facteurs non-rationnels, des impulsions de la pensée et du comportement humain.

Dans les années 1840, Karl Marx disait ; les individus croient qu'ils pensent librement, mais en fait,   leurs idées reflètent la culture dominante. Marx parlait de "fausse conscience".

Freud croyait aussi que nos pensées conscientes sont déterminées par quelque chose de caché : nos pulsions inconscientes.

Freud ne s'éloigne pas de Nietzsche.  Il pense que l'irrationnel est un un danger potentiel. Freud était convaincu que l'homme n'est pas un être rationnel, son comportement est guidé par des forces intérieures.
L'esprit inconscient explique selon Freud certaines actions humaines.
Freud n'a pas découvert l'inconscient. Les romantiques européens, Rimbaud, Shakespeare, Dostoïevski et Nietzsche ont discuté cet esprit inconscient. Contrairement à Nietzsche, Freud était un homme scientifique. Le médecin Freud s'était spécialisé dans le traitement des troubles mentaux. Il a conclu que le chaos intérieur est le résultat de craintes vécues durant l'enfance. Les névroses prennent selon lui plusieurs formes : hystérie, anxiété, dépression ou obsession. Pour traiter un comportement névrotique, Freud discutait les expériences de l'enfance. Freud traitait ses patients de deux façons. La première la libre association : dire tout ce qui vient à l'esprit peut révéler quelque idée cachée. La deuxième méthode est l'interprétation des rêves. Les rêves selon lui révèlent les désirs secrets.

 

Freud souligne que le chao intérieur est le résultat d'un conflit entre les pulsions et les exigences de la civilisation. Il a développé cette thèse dans son livre court de 1930, Malaise dans la civilisation.  La coexistence est douloureuse entre nos pulsions et les limites de la société. Elle est à l'origine de nos anxiétés, nos frustrations et nos culpabilités.
 La vie civilisée augmente la souffrance des gens et le risque pour leur santé mentale.

 

Comme Nietzsche, il pense que les gens ne sont pas bons par nature. L'individu est une créature d'instincts et d'agressivité.
La civilisation est un fardeau que les individus doivent supporter pour éviter le chaos. En face de cette souffrance, on trouve anxiété, dépression, alcool et autres drogues.

 

chaos modernite philosophie

 


Nietzsche, Freud vont changer la civilisation occidentale

Leur travail a créé une grande révolution culturelle que nous appelons le modernisme, une révolution caractérisée par la prise de conscience de Soi. Les artistes modernistes ont abandonné les traditions artistiques et les conventions littéraires et ont commencé à expérimenter de nouveaux modes d'expression. Ils ont détruit l'histoire afin de créer leur propre histoire.
Des écrivains comme Thomas Mann (1875-1955), Marcel Proust (1871-1922), Rimbaud (1854-1891), DH Lawrence (1885-1930), James Joyce (1882-1941) et de Franz Kafka (1883-1924) et Yasunari Kawabata (1899-1972) au japon ont exploré la vie intérieure. Leurs romans traitent de l'homme moderne qui rejette les valeurs de sa culture en payant le prix de la culpabilité, de la frustration, d'une sexualité stigmatisée, de solitude.

Pour les modernistes, la réalité est personnelle, individuelle et subjective.
L'artiste fait sa propre réalité.  Le moderniste façonne un monde irrationnel.
Igor Stravinsky (1882-1971) présenta Le Sacre du Printemps à Paris en 1913, les impressionnistes vont rompre avec les traditions picturales classiques.  Renoir (1841-1919), Monet (1840-1926), Manet (1832 à 1883), Degas (1834-1917) et Picasso (1881-1973), ont tenté de capturer l'instant (mouvement, couleur et lumière) comme il est apparu à l'esprit à un moment donné.

En 1900, les artistes ont tenté de pénétrer dans les profondeurs de l'inconscient, véritable source de la créativité. Ils ont essayé de représenter visuellement ce qui ne pouvait pas encore être donné l'expression verbale. L'art cubiste présente des objets à partir de plusieurs points de vue dans un seul et même temps.

 

Conclusion  

Le modernisme dans l'art, la philosophie  et dans la littérature est le reflet de la puissance et l'attrait de la partie irrationnelle de l'existence humaine.  Le modernisme fait partie de la même expérience européenne qui a produit Nietzsche et Freud.
Nietzsche et Freud n'ont pas enfanté le modernisme. Leur diagnostic de la société occidentale n'était pas erroné.

Les analyses d'une société ou d'une culture ne prédisent pas son avenir. La condamnation de Nietzsche et de Freud de cette civilisation si elle était fondée, n'a engendré ni désintégration, ni déclin. Par contre la civilisation a changé, s'est modernisée pour s'adapter.
Elle changera encore et encore.

 

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Crise, mondialisation : la solution reste à inventer

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Japon 1942 :  " retour à la maison perdue "


En 1942, " surmonter la modernité " était le titre d'un célèbre colloque organisé au japon par les intellectuels, témoin de l'incapacité de la société japonaise à trouver un consensus sur les questions complexes relatives à la modernité.
Romanciers, poètes, professeurs de littérature, réalisateurs, critiques cinématographiques, philosophes, compositeurs, scientifiques, psychologues, et historiens vont discuter la modernité et ses conséquences sur la société japonaise. Les résultats furent mitigés, les participants n'ont même pas réussi à forger une définition consensuelle de la modernité, et aucune conclusion sur les moyens pour surmonter les problèmes posés par cette modernité.
Les marxistes, comme les romantiques ont blâmé l'introduction de la modernité occidentale qui a provoqué la perte de l'esprit japonais. Kamei a vu dans l'égoïsme et dans la rationalité occidentale des poisons pour la civilisation, et  réclamait le retour vers les classiques.
Le chef du groupe Romantique Yasuda Yojuro pensait que le retour vers les racines était la solution. Les membres de l'école romantique définissaient la modernité comme une influence étrangère occidentale, qui véhicule l'américanisme, le matérialisme grossier et l'hédonisme.
D'autres participants pensaient que la modernité est un problème universel qui a commencé avec la révolution française. On critiquait le bureaucratisme occidental, la spécialisation fonctionnelle, et la production en série et le consumérisme.
Cette confusion reflétait la nature des débats sur la modernité chez les intellectuels et les acteurs sociaux tout au long des décennies entre les deux guerres. La critique de la modernité occidentalisée était présente dans les livres, les dessins animés Manga et dans le cinéma.

Ces critiques n'ont jamais suggéré de renoncer au confort de la science moderne ou à la technologie. Les critiques étaient avant tout culturelles, contre la rationalité, la perte de la créativité, la marchandisation de la culture, la perte de la vie en commun.
Les jeunes, garçons et filles, incarnaient ces défis posés par la modernité, le rôle de chaque sexe, ou le rôle du genre devenant un sujet problématique.
La critique de la modernité était intense durant les années 1930. Cependant la deuxième guerre mondiale ne sera pas réellement soutenue par une majorité des intellectuels japonais, conscients que la modernité est un courant historique et non pas un incident ou une simple difficulté.

 

crise mondialisation politique

 

La France 2016 : " retour à la France éternelle "

Nous y sommes ou presque. Nos intellos sont perdus dans cette modernité qui nous assiège. Comme les japonais des années 40 qui subissaient une modernité " made in ouest ", nous subissons une modernité liée à une révolution industrielle et numérique, à une mutation sociétale liée aux changements de la condition féminine et de la famille et du couple, à l'apparition des minorités sexuelles, culturelles, religieuses dans le débat publique, et à des mutations politiques. Comme les japonais, vous écoutez les intellos et les hommes politiques, personne n'est d'accord avec personne sur le diagnostic ni sur les solutions. Pour Jean-Luc Mélenchon, la réponse est moins d'Europe, et plus d'impôts pour assurer plus de justice sociale. Pour Nicolas Sarkozy, la réponse est le retour vers des valeurs identitaires et une modernité économique. Pour Marine Le Pen, la solution est de quitter l'Europe, cultiver l'identité française traditionnelle et distribuer les recettes fiscales. Pour la gauche au pouvoir, plus d'impôts, plus de distribution aux pauvres, plus de sécurité et plus d'identité.
SI vous lisez Éric Zemmour, le passé était plus simple, la France doit retrouver ses structures et ses attributs du siècle dernier. Vous écoutez Michel Onfray, il répète que la solution est à gauche, dans les mouvements de citoyens pour arrêter cette modernité.
En France, on évite de parler modernité ou progrès, car ces termes sont liés culturellement à notre histoire. On parle mondialisation pour désigner notre crise ; et Arnaud Montebourg voulait lui "démondialiser".
Pourtant, l'évolution de l'économie mondiale et l'apparition de puissances industrielles émergentes sont un mouvement historique.

 

crise individualisme


La révolution numérique qui risque de fragiliser un nombre important de nos emplois est un mouvement historique.
Le comportement individualiste en occident est sans doute sans retour, comme la recherche de la qualité vie, le travail qui devient un moyen et non plus une fin en soi, les évolutions de la la société, les âges, et les habitudes.
Des réflexions partent d'un constat considéré comme une évidence : la crise est un problème, la mondialisation est un incident qu'on ne peut arrêter.

En 1942, les intellos japonais ont fini par admettre et dire que la modernisation n'est pas un incident mais un courant historique.
Et c'était vrai pour nous aussi ? Finira-t-on par dire que la mondialisation comme la révolution numérique et les changements sociologiques, est un courant de l'histoire et non pas une crise ?


Et si on commençait par dire que nous avons les moyens de nous s'en sortir à condition de construire un modèle nouveau et non pas de chercher les solutions dans le modèle actuel ou dans le passé ?

 

 

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