8 Raisons pour lire ou relire Proust cet été

 

PROUST


 

 

Si vous cherchez un grand livre à lire cet été, nous vous proposons de lire à la recherche de temps perdu de Proust, ce grand classique de la langue française, publié, réédité, analysé, et traduit, est devenu avec le temps un livre à la fois intimidant et jouissif.

 


Nous allons vous s’exposer nos raisons de ce choix. Commençons déjà par le célèbre passage de la madeleine :

 


« La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté... Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses..., l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »

 

 

Si vous aimez le modernisme

Proust raconte la société française en action, la fin de la classe aristocratique qui s’achève avec la première Guerre mondiale, la libération progressive des mœurs, les changements des relations au sein des couples, et au sein des groupes sociaux, les habitudes et les coutumes d’une époque qui n’existe plus. Il relate la fin du XIXe siècle, et le début de la modernité. Ce voyage à travers des personnages attachants offre au lecteur un panorama riche en couleurs.

 

 

citation proust 1

 

 

Si vous aimez la littérature sociale


Proust est le romancier social par excellence. Il dessine avec la minutie d’un peintre les portraits de classes sociales variées, en prenant le soin de décrire leur psychologie, pour arriver à un résultat rarement égalé en littérature. Proust décrit avec la même perfection, et avec le même intérêt la vie d’une duchesse, et la vie de sa femme de ménage Françoise, leurs défauts, leurs désirs, et leurs espoirs. Il ne s’agit pas d’un roman élitiste, ou une collection de souvenirs concernant l’aristocratie. La recherche du temps perdu est un roman qui traite tous les personnages, de toutes classes sociales avec la même attention, et avec le même amour.

Progressivement, vous allez connaître chaque personnage, comme s’il s’agit d’un cousin ou d’un voisin, sa famille, ses habitudes, ses opinions politiques, ses ambitions, ses tentatives d’ascension sociale, ou ses douleurs de solitude ou de maladie.

 

 

Si vous êtes amoureux


La recherche du temps perdu est un roman d’amour, un livre consacré au sentiment amoureux dans ses racines profondes. Proust se sert des mots pour décrire les différentes manières d’aimer, les motivations du sentiment amoureux, l’échec amoureux, et les menaces qui fragilisent ce lien sentimental. Le chagrin amoureux a une place importante dans la recherche du temps perdu. Proust explore la douleur et la tristesse spécifique à l’abandon, et à la perte de l’être aimé. Chaque étape sur le chemin du pèlerinage amoureux est analysée avec le même talent et le même intérêt par Proust, dans le contexte social et psychologique du personnel du personnage.

 

citation proust2

 

 

Si vous aimez la romance et l’érotisme


si vous êtes un lecteur de romance, et si vous appréciez le parfum érotique dans la littérature, vous allez trouver dans l’histoire du narrateur avec Albertine une belle histoire d’amour, une romance qui commence par analyser la séduction, l’attirance, le passage émotionnel vers le charnel, les difficultés relationnelles de la cohabitation, puis la rupture et l’absence de l’être aimé. La relation du narrateur avec Albertine est complexe, jalonnée de doutes et de questions, de désir et d’érotisme. La sexualité chez Proust est multiple, hétérosexuelle et homosexuelle, les relations amoureuses évoluent, subissent les changements de leur environnement, et de la société.

 

 

 

Si vous aimez la psychologie


un grand écrivain peut nous aider à déchiffrer le monde, comme un traducteur qui nous ouvre les yeux sur une autre réalité. Nous trouvons chez les grands écrivains comme Dostoïevski, Shakespeare, ou Proust, cette capacité à analyser la psychologie, à inventer la psychologie positive avant les psychologues, à traiter l’anxiété avant la psychologie moderne.


En lisant Proust, vous allez voir des personnages anxieux, des personnages ambitieux, voire arrivistes, certains ont des troubles d’orientation sexuelle, d’autres ont des problèmes de racines culturelles. Le voyage de ses personnages à travers le roman permet au lecteur d’accéder à l’intelligence qui anime la grande littérature, de comprendre un point de vue différent, de suivre l’acheminement psychologique d’un personnage, et ces interactions avec les autres, et avec lui-même.

 

 

citation proust3

 

Si vous voulez comprendre les familles


Si vous tentez l’aventure de comprendre vos parents et votre famille, une lecture de Proust peut être utile. Dès le début de ce roman, dès les premières lignes, le narrateur, le jeune Marcel, déplore la perspective d’une nuit sans le baiser de sa maman. Il va élaborer un plan astucieux pour obtenir ce baiser, il va réussir, mais aussi il va s’interroger sur le chagrin de l’enfant, sur la tendresse, sur la frustration, sur l’irritation, sur le manque de compréhension qui accompagne les relations parents- enfants. À travers d’autres personnages, Proust raconte les relations entre les couples, les dynamiques qui s’imposent au sein des familles, les rapports de force dans le couple, les trahisons, et la loyauté.

 

 

Si vous aimez la langue française


La langue française est à son apogée chez Proust, à travers un style, un choix judicieux de mots, de métaphores et de descriptions. La richesse du vocabulaire donne aux descriptions une belle précision accompagnée de comparaisons et de métaphores parfois surprenantes. C’est une langue travaillée anoblie par une succession de correction et de mise en forme.

 

 

citation proust4

Si vous aimez rire


Chez Proust, en dépit d’une croyance populaire, les textes sont simples, accessibles qui fonctionnent, et provoquent l’émotion, et entraînent parfois le sourire. Certains personnages sont ridicules, comme les personnages de Molière, certains dialogues sont comiques. Après quelques pages, on devient familier de la tribu de Proust, on sourit, car on devine la réplique de tels ou tels personnages, et ses réactions.

 

Par contre, si vous décidez de lire Proust, vous courez deux risques à la fois. Vous pouvez commencer par le premier tome de la recherche, pour finir accro, avec une étagère consacrée à Proust, des traductions, des biographies, des ouvrages analysant ce roman.

 

Le deuxième risque est de se demander à la fin de cette lecture : que lire après un tel roman ?

Lire la suite
1
  2600 lectures
  0 commentaires
2600 lectures
0 commentaires

Nietzsche à Freud : sortir la civilisation du chaos

Freud Nietzsche irrationnel chaos

 

Nietzsche le chaos extérieur, Freud le chaos intérieur

Freud pensait que si le développement de la civilisation continue sur sa forme actuelle, " l'ensemble de l'humanité risque de devenir névrotique, " écrit-il dans Malaise de la civilisation en 1930.  
Quelques années avant lui, Nietzsche critiquait les opinions conventionnelles de son temps. Il ne croyait pas à la réforme sociale, il détestait le gouvernement parlementaire et le suffrage universel. Il détestait les libéraux, les conservateurs, les communistes et les socialistes. Il ne partageait pas la vision du progrès caractéristique de la tradition intellectuelle occidentale. Il condamnait  la morale chrétienne. Il se moquait de la notion libérale qui pense que l'homme est intrinsèquement bon.


Selon lui, l'homme doit comprendre que la vie n'est pas régie par des principes rationnels. Mais que la vie est pleine de cruauté, d'injustice, d'incertitude et d'absurdité. Il n'y a pas de normes absolues du bien et du mal. Il n'y a qu'un homme nu vivant seul dans un monde absurde et chaotique.
Contre les tendances de la société bourgeoise de son époque, Nietzsche a souligné que l'homme doit connaître son monde intérieur, que ses instincts sont sa vraie force. Il écrivait "Du sollst werden, der du bist", ou  "devenez ce que vous devez être."

 

chaos

 

Pour que l'homme réalise son potentiel, il doit rompre sa dépendance à la raison et à l'intelligence en développant ses instincts, son dynamisme et sa volonté. Ainsi, dans son livre, l'anti-Christ de 1888, Nietzsche écrit que le christianisme a mené une guerre contre ce type d'homme " supérieur ", cultivant les faiblesses des humains et non pas leur force.


 "Dieu est mort," écrit il. Les anciennes valeurs et vérités ont perdu leur vitalité et leur validité. Il n'y a pas de valeurs morales. Nietzsche dit l'homme doit dépasser le nihilisme, produit de sa vie quotidienne,  créer de nouvelles valeurs, devenir son propre maître et être fidèle à lui-même.
Selon Nietzsche, l'homme pourrait être sauvé par un nouveau type d'homme, le Surhomme. Ces hommes qui se libèrent de la foutaise de la civilisation moderne, pour créer leur propre morale fondée sur les instincts, l'entraînement et la volonté.
Nietzsche a saisi l'un des problèmes fondamentaux du XXe siècle.

 

Dans le dernier quart du 19ème siècle, Nietzsche ne voyait que déclin. Avec la mort de Dieu, une mort décidée par la révolution scientifique, l'individualisme de la classe moyenne, le marxisme, le darwinisme, le positivisme et le matérialisme, les valeurs morales traditionnelles avaient perdu leur valeur et leur signification, la philosophie de Nietzsche cherchait la solution.


Freud : le pessimiste enfant des lumières  

Nietzsche quitte ce monde en 1900. Un autre grand penseur va marquer le siècle, Sigmund Freud (1856 - 1939) lui va réhabiliter les idées du 18ème,  siècle des Lumières.
La raison humaine et les sciences sont selon lui le chemin pour la connaissance. Freud est l'enfant des Lumières.  Il va se concentrer sur le pouvoir et l'influence des facteurs non-rationnels, des impulsions de la pensée et du comportement humain.

Dans les années 1840, Karl Marx disait ; les individus croient qu'ils pensent librement, mais en fait,   leurs idées reflètent la culture dominante. Marx parlait de "fausse conscience".

Freud croyait aussi que nos pensées conscientes sont déterminées par quelque chose de caché : nos pulsions inconscientes.

Freud ne s'éloigne pas de Nietzsche.  Il pense que l'irrationnel est un un danger potentiel. Freud était convaincu que l'homme n'est pas un être rationnel, son comportement est guidé par des forces intérieures.
L'esprit inconscient explique selon Freud certaines actions humaines.
Freud n'a pas découvert l'inconscient. Les romantiques européens, Rimbaud, Shakespeare, Dostoïevski et Nietzsche ont discuté cet esprit inconscient. Contrairement à Nietzsche, Freud était un homme scientifique. Le médecin Freud s'était spécialisé dans le traitement des troubles mentaux. Il a conclu que le chaos intérieur est le résultat de craintes vécues durant l'enfance. Les névroses prennent selon lui plusieurs formes : hystérie, anxiété, dépression ou obsession. Pour traiter un comportement névrotique, Freud discutait les expériences de l'enfance. Freud traitait ses patients de deux façons. La première la libre association : dire tout ce qui vient à l'esprit peut révéler quelque idée cachée. La deuxième méthode est l'interprétation des rêves. Les rêves selon lui révèlent les désirs secrets.

 

Freud souligne que le chao intérieur est le résultat d'un conflit entre les pulsions et les exigences de la civilisation. Il a développé cette thèse dans son livre court de 1930, Malaise dans la civilisation.  La coexistence est douloureuse entre nos pulsions et les limites de la société. Elle est à l'origine de nos anxiétés, nos frustrations et nos culpabilités.
 La vie civilisée augmente la souffrance des gens et le risque pour leur santé mentale.

 

Comme Nietzsche, il pense que les gens ne sont pas bons par nature. L'individu est une créature d'instincts et d'agressivité.
La civilisation est un fardeau que les individus doivent supporter pour éviter le chaos. En face de cette souffrance, on trouve anxiété, dépression, alcool et autres drogues.

 

chaos modernite philosophie

 


Nietzsche, Freud vont changer la civilisation occidentale

Leur travail a créé une grande révolution culturelle que nous appelons le modernisme, une révolution caractérisée par la prise de conscience de Soi. Les artistes modernistes ont abandonné les traditions artistiques et les conventions littéraires et ont commencé à expérimenter de nouveaux modes d'expression. Ils ont détruit l'histoire afin de créer leur propre histoire.
Des écrivains comme Thomas Mann (1875-1955), Marcel Proust (1871-1922), Rimbaud (1854-1891), DH Lawrence (1885-1930), James Joyce (1882-1941) et de Franz Kafka (1883-1924) et Yasunari Kawabata (1899-1972) au japon ont exploré la vie intérieure. Leurs romans traitent de l'homme moderne qui rejette les valeurs de sa culture en payant le prix de la culpabilité, de la frustration, d'une sexualité stigmatisée, de solitude.

Pour les modernistes, la réalité est personnelle, individuelle et subjective.
L'artiste fait sa propre réalité.  Le moderniste façonne un monde irrationnel.
Igor Stravinsky (1882-1971) présenta Le Sacre du Printemps à Paris en 1913, les impressionnistes vont rompre avec les traditions picturales classiques.  Renoir (1841-1919), Monet (1840-1926), Manet (1832 à 1883), Degas (1834-1917) et Picasso (1881-1973), ont tenté de capturer l'instant (mouvement, couleur et lumière) comme il est apparu à l'esprit à un moment donné.

En 1900, les artistes ont tenté de pénétrer dans les profondeurs de l'inconscient, véritable source de la créativité. Ils ont essayé de représenter visuellement ce qui ne pouvait pas encore être donné l'expression verbale. L'art cubiste présente des objets à partir de plusieurs points de vue dans un seul et même temps.

 

Conclusion  

Le modernisme dans l'art, la philosophie  et dans la littérature est le reflet de la puissance et l'attrait de la partie irrationnelle de l'existence humaine.  Le modernisme fait partie de la même expérience européenne qui a produit Nietzsche et Freud.
Nietzsche et Freud n'ont pas enfanté le modernisme. Leur diagnostic de la société occidentale n'était pas erroné.

Les analyses d'une société ou d'une culture ne prédisent pas son avenir. La condamnation de Nietzsche et de Freud de cette civilisation si elle était fondée, n'a engendré ni désintégration, ni déclin. Par contre la civilisation a changé, s'est modernisée pour s'adapter.
Elle changera encore et encore.

 

Lire la suite
6
  4980 lectures
  0 commentaires
4980 lectures
0 commentaires

Suivez-nous !