amour passion

 

Amour : émotion, sentiment ou addiction ?

Isaac singer disait que l'amour est plus fort que les convictions d'un homme.
Omar Khayyâm disait : "L'amour qui ne ravage pas n'est pas l'amour." On peut disserter sur l'amour pendant des heures, on finira par admettre que l'amour, et surtout l'amour romantique fait partie des mystères de la vie, de l'humanité.

L'amour est un sentiment plus complexe qu'une émotion. Il est difficile à définir, il est différent d'une personne à autre.

On reconnait facilement ce sentiment par ses conséquences et ses symptômes. On identifie le sentiment amoureux comme on identifie la grippe ; après le début des symptômes, on cherche la cause, on se questionne avant d'admettre qu'on est amoureux. L'amour est le sujet poétique par excellence. L'amour est un sujet philosophique également.

Aucun livre de poésie, de philosophie n'échappe à ce sujet. Cependant, la philosophie, la poésie ou les chansons ne peuvent pas aider réellement une personne qui souffre d'un amour non partagé ou non satisfait. Malgré des siècles de vaines tentatives à définir l'amour, la médecine et aussi la psychologie admettent l'existence de ce sentiment, admettent que l'amour est un besoin naturel et essentiel aux humains pour avoir une bonne qualité de vie, tout comme le besoin de se reposer, de dormir, ou de se divertir.

 

Par le passé, le sentiment amoureux était rattaché au "coeur". Le coeur des gens amoureux bat plus vite etc... réagit avant la rencontre amoureuse, ou après la déception ou la rupture. Progressivement, la relation entre le coeur et le sentiment amoureux devient métaphorique plus qu'organique, cette relation traduit combien le sentiment amoureux est vital et profond dans la vie humaine, aussi essentiel que le battement du coeur.

Dans l'amour romantique surtout, il existe au début de la rencontre une période d'euphorie et un sentiment profond de manque. La personne amoureuse exprime des sentiments étranges comme l'incapacité de vivre sans l'autre, des jugements excessifs et irréels sur les qualités de l'autre, et aussi des attentes déraisonnables vis à vis de l'être aimé. On retrouve ces moments d'euphorie surtout dans les amours des adolescents, avec des réactions parfois excessives, et parfois aussi dangereuses.


amour sexualiteLa passion comme folie-dépendance

Tu me rends fou. Elle me rends folle. Voila des phrases banales entre amoureux. Je suis fou de toi, traduit un comportement déraisonnable, un comportement de gens malades. L'amour peut rendre une personne incontrôlable, euphorique, et étrangère. L'adolescent amoureux peut devenir malade ou violent, peut négliger ses activités, peut avoir un comportement à risque. L'amour passionné était redouté au Moyen-âge.

 

La passion était une maladie, une folie en soi. Dans le passé, la passion amoureuse était nommée le mal d'amour, avant de devenir la maladie d'amour. Cette maladie d'amour était considérée comme une folie, une aliénation. Dans ces termes, on retrouve la maladie mentale sous une forme ou sous une autre. L'état amoureux peut faire surgir de chacun des faits étranges qui rappellent le comportement des malades mentaux. La personne euphorique en raison d'une attirance sexuelle débutante, ou en raison d'un amour romantique puissant perd sa capacité à être raisonnable, la passion devient l'ennemi de la raison, et de la sagesse. Dans la passion amoureuse, il y a la folie de l'attirance, la folie du manque.

Jean de la Croix écrivait :

 

"Je vis, mais sans vivre en moi-même, Et mon espérance est si haute, Que je meure de ne pas mourir."

 

Dans la passion, comme dans l'amour romantique, comme dans l'attirance sexuelle, il y a une euphorie, l'absence de limites, un manque cruel, une souffrance, et un comportement étrange. Curieusement, on a toujours noté que la séparation augmente ses symptômes, l'absence de la personne aimée et de sa sexualité aggrave les symptômes, et la souffrance de la personne.

 


baiser jeune coupleL'amour et le cerveau

L'évolution scientifique a permis une approche supplémentaire pour comprendre l'amour, pour comprendre précisément la biologie de l'amour. Le sentiment amoureux active des zones précises dans le cerveau humain identifiées par l'IRM (imagerie par résonance magnétique). D'autres approches scientifiques utilisant la neurobiologie permettent de cartographier les zones cérébrales activées pendant l'attirance, l'excitation sexuelle et l'épisode d'amour romantique.

Ces études ont suscité beaucoup d'intérêt à leurs débuts. Dans un journal de neurophysiologie, les chercheurs ont suivi l'activité cérébrale de 15 personnes (10 femmes et 5 hommes) auto-déclarées amoureuses. Les chercheurs ont comparé l'activité cérébrale de ces personnes après un contact avec le bien-aimé, un contact réel ou contact visuel par l'intermédiaire d'une série de photographies.

Les résultats montrent que le sentiment amoureux intense entraîne l'activation des régions riches en dopamine dans le cerveau comme le noyau strié qui abrite le centre du plaisir. Le sentiment amoureux entraîne l'activation de zones cérébrales associées à la motivation et à la recherche d'une récompense.

À partir de ces résultats de ce petit échantillon, les chercheurs ont formulé les premières conclusions : l'amour romantique est un état de motivation cérébrale à la recherche d'une récompense, l'amour romantique n'est pas une émotion, n'est pas un sentiment, mais une motivation.

La personne amoureuse est fortement motivée pour être avec son bien-aimé, à la recherche d'une récompense neurologique, c'est-à-dire à la recherche d'une satisfaction. La personne amoureuse se sent mieux, et plus satisfaite avec son bien-aimé.

 

Dans d'autres études publiées dans le journal de médecine sexuelle, l'activité cérébrale a été examinée chez 20 personnes, en utilisant l'I.R.M., après avoir visionné les photographies des personnes aimées ou désirées. Les auteurs ont dessiné une carte précise des ondes cérébrales activées pendant cette visualisation : le désir sexuel et l'amour romantique activent le noyau strié. L'amour romantique active une zone cérébrale nommée l'insula (ou le cortex insulaire) située au fond du sillon latéral.

Ainsi, on peut dire que le noyau strié est responsable de l'attirance initiale, du désir sexuel, alors que le cortex insulaire est responsable de transformer ce désir en amour, en associant les besoins inconscients aux comportements conscients.

 

couple champagneAmour dépendance

Cette découverte de la participation du noyau strié dans le sentiment amoureux entraîne une question simple : on sait déjà que ce noyau est responsable de la dépendance et de l'addiction chez l'être humain, par un processus d'anticipation du désir et de la récompense. Est-ce que l'amour romantique, ou l'attirance sexuelle sont une addiction ?

Dans les études récentes, aucune conclusion définitive n'est possible, par contre, on peut considérer l'amour comme une habitude constituée du désir sexualisé qui cherche une récompense.

Cette découverte de similitudes entre l'amour romantique et l'addiction comportementale (addiction sexuelle, addiction au jeu), entre l'amour romantique et l'addiction chimique (drogue, alcool) peut aider à expliquer certains comportements amoureux excessifs, voire obsessionnels. Dans certains cas, on retrouve dans le comportement amoureux un harcèlement, de la violence, suicide et dépression. L'amour romantique peut être considéré comme une forme de dépendance similaire à la dépendance aux sports, ou à l'exercice physique. En cas de manque, un sentiment d'inconfort surgit. En cas de manque sévère, un comportement agressif, violent ou dépressif peut apparaître.


En pratique

L'expérience amoureuse n'est pas une maladie, n'est pas un état pathologique. Pour la plupart des gens, on peut comparer le sentiment amoureux au plaisir du sport, au plaisir artistique, c'est un comportement joyeux, optimiste, sain, qui s'accompagne d'euphorie, de motivation et de projets. Ce sentiment amoureux est indispensable pour la survie de notre espèce comme les autres besoins essentiels de l'être humain.

Comme d'autres comportements, l'addiction peut surgir. En cas d'amour romantique, d'une attirance sexuelle forte, certaines personnes peuvent apparaître obsessionnelles, confuses, addictes ou même en état second car le contrôle cérébral raisonnable s'affaiblit, alors que d'autres personnes vont vivre la même expérience, les mêmes pensées et les mêmes sentiments d'une façon différente, avec motivation et esprit positif.

Schématiquement, en prenant l'approche neurobiologique, la relation amoureuse ou l'attirance sexuelle active des zones bien précises dans le cerveau, les mêmes zones responsables de la dépendance et de l'addiction, utilisant la même procédure : anticiper le désir, rechercher la satisfaction. Cet état amoureux évolue vers une relation modérée pour le reste du cerveau humain, s'accompagne d'émotions, de raisonnements, d'une construction consciente à la recherche de l'intimité, et de la relation durable.

 

Mais chez certaines personnes, surtout les personnes affectées d'anxiété, victimes de traumatismes pendant l'enfance, personne dépressive, ou souffrant d'une phobie sociale, l'amour romantique ou l'attirance sexuelle devient une addiction à la recherche d'un soulagement du stress, de l'anxiété, de la dépression ou de la phobie.

Ces personnes prolongent l'amour romantique, l'amour fusionnel, retarde autant que possible, la transformation de l'attirance sexuelle en intimité. La phobie sociale, la peur de l'intimité et ou la dépression invitent ces personnes, à la façon des toxicomanes, à rechercher leur soulagement sans aller plus loin. Dans ce cas, l'amour romantique et l'attirance sexuelle n'évoluent pas vers une relation, mais plutôt vers amour-dépendance, une dépendance affective.

On retrouve le même schéma en cas de rupture amoureuse. En cas de dépendance affective ou d'amour dépendance, la rupture amoureuse devient un sevrage, la personne souffre, refuse d'admettre ce sevrage, et peut manifester vis-à-vis de son partenaire un comportement de harcèlement, de chantage, ou parfois même un comportement violent et dangereux.

Cette approche théorique permet d'aider les personnes en souffrance après une rupture amoureuse ou en difficultés relationnelles. La personne serait invitée, avec l'aide de la thérapie, à comprendre déjà la nature du problème. L'amour n'est pas un problème en soi, l'attirance sexuelle n'est pas un état pathologique, mais peuvent devenir problématiques en dévoilant une dépression, une anxiété, ou une phobie sociale, etc. Le traitement pourra aider à soulager l'anxiété ou la dépression, l'amour romantique peut évoluer vers une relation durable apaisée, de même la rupture amoureuse peut être ainsi mieux acceptée, et rapidement oubliée.

Il s'agit d'un schéma de neurobiologie pour conceptualiser l'amour romantique et l'attirance sexuelle. Ce schéma ne peut tout expliquer bien sûr, mais il a sa place avec les autres schémas qui traitent le sentiment amoureux, y compris les schémas philosophiques ou poétiques.

 

"Je ne veux à l'union de deux ames sincères admettre empêchement.

L'amour n'est point l'amour s'il change en trouvant ailleurs le changement ou s'éloigne en trouvant en l'autre l'éloignement...."

Sonnet 116 de W. Shakespaere

 

Réf

A. Aron, H. Fisher, D. Mashek, G. Strong, H. Li, and L. Brown, "Reward, Motivation and Emotion Systems Associated with Early-Stage Intense Romantic Love," Journal of Neurophysiology, 2005, 93 : 327-337.
J.G. Pfaus, T.E. Kippin, G.A. Coria-Avila, H. Gelez, V.M. Afonso, N. Ismail, and M. Parada, "Who, What, Where, When and Maybe Even Why? How the Experience of Sexual Reward Connects Sexual Desire, Preference, and Performance," Arch Sex Behav, 2012, 41(1) : 31-62.
H. Fisher, L.L. Brown, A. Aron, G. Strong, and D. Mashek, "Reward, Addiction and Emotional Regulation Systems Associated with Rejection in Love," Journal of Neurophysiology, 2010, 104 : 51-60.
Cazenave Michel : histoire de la passion amoureuse, éditions du félin, Paris, 2001