La préparation de la rentrée scolaire prenait l'air d'une fête, Alexy s'amuse avec son cartable, en vérifiant ses poches, puis se repose un moment avant de recommencer à se familiariser avec les objets de sa trousse pleine de crayons.
Hélène l'observait avec émotion. Depuis le premier jour de sa naissance, il a y quatre ans, elle attendait ce moment. Elle avait pensé à ce jour ou Alexy allait franchir la porte de l'école maternelle, pour revenir le soir un peu fatigué mais heureux. Elle se disait le voilà enfin à l'école. Il aura chaque jour une histoire à raconter. Il grandira jour après jour.
Après le dîner, Alexy rejoint son lit. Pour le première fois, Hélène lui explique que le réveil en forme de souris rose va sonner demain matin, à sept heures.
Elle ne savait pas si son ex-mari serait présent à la porte de l'école maternelle. Elle lui a téléphoné. Distant, comme d'habitude, il a répondu que son emploi de temps était chargé, la grossesse de sa nouvelle femme, et la visite chez le gynécologue pour l'échographie du quatrième mois etc.
Hélène s'avoue que son mariage fut un échec. Trois ans de vie commune. Puis un jour, elle a jugé que les choses étaient irréparables. Elle ne voulait plus de ce mari qui la néglige et qui travaille jour et nuit.
Le départ de son ex-mari fut sans cris, sans bruits, sans histoires. Mais ce soir-la elle a pleuré, elle a regretté son échec. Combien de fois, Alexy l'avait consolée quand elle pleurait. Il s'approchait d'elle pour répéter dans son oreille : pleure pas, pleure pas. Les grands ne pleurent pas.
Elle secoua la tête comme pour chasser ses idées mélancoliques. Non, demain, c'est la rentrée et toutes les mères célèbrent ce jour dans la vie de leur enfant. L'école !!! la rentrée !!! la radio ne parle que de ça, la télé aussi.
La rue fourmille d'écoliers. La maîtresse de la classe maternelle reçoit les enfants avec un grand sourire. Alexy lui sourit aussi. Devant la porte de l'entrée, il demande à Hélène de l'accompagner dans la salle de classe. Hélène demande conseil à la maîtresse. Oui, vous pouvez l'accompagner.
Hélène passe une heure avec Alexy. Les autres maman commencent à partir, chacune embrasse son enfant et s'en va. Elle tente une sortie, Alexy court vers elle. Ne part pas maman.
Deuxième tentative, Alexy pleure, puis commence à crier, à courir dans les couloirs.
A onze heures, il faut retourner à la maison, dit la maîtresse. Consultez votre pédiatre, Alexy souffre d'une anxiété de séparation. C'était la première fois qu'elle entend parler de cette maladie.
L'attachement entre l'enfant et sa mère est un lien de survie, c'est le lien le plus puissant dans la vie animale, et chez les humains.
Le processus de séparation est un acte difficile et indispensable. Nous allons discuter le processus de séparation de point de vue psychiatrique et pédiatrique.
L'anxiété physiologique de séparation émerge à l'âge de neuf mois et atteint son sommet entre 12-24 mois. L'enfant qui pleure et « colle » à ses parents peut exprimer deux messages. En premier, l'enfant peut pleurer quand le parent est absent exprimant la crainte que ce parent soit parti pour toujours. La deuxième situation est quand l'enfant pleure après le retour d'un parent absent exprimant ainsi sa crainte d'une prochaine et nouvelle absence.
Entre 1-2 ans, l'enfant commence à marcher. Ses déplacements l'éloignent de ses parents et engendrent une inquiétude de séparation.
A l'âge de 3-4 ans, l'enfant est timide avec les étrangers, mais les séparations matinales deviennent plus faciles, même si la difficulté de la séparation peut varier de jour en jour. Parfois l'enfant peut se montrer inquiet d'aller à la garderie sans raison valable.
A l'âge de 2-4 ans, les enfants traversent une phase où ils préfèrent un parent particulier. Cela peut épuiser le parent « trop aimé » et frustrer l'autre. C'est une phase de transition, séparation achevée d'un parent, vers une nouvelle étape de sa séparation.
Après 4 ans, l'enfant entre dans un âge où les souvenirs et les expériences peuvent hiérarchiser les événements et lui permettent de comprendre que l'absence de ses parents est provisoire. L'âge scolaire 5-6 ans achève ce processus de séparation. L'importance de l'école permet de comprendre pourquoi ce trouble anxieux de séparation a été nommé phobie scolaire, refus scolaire, etc.
L'enfant qui a subit une séparation "traumatisante" peut avoir plus de difficulté à achever le développement naturel de ce processus de séparation.
De la naissance à l'âge de six mois : peur des bruits, peur de tomber
1,2, 5-4 ans : peur des autres créatures.
2 ans : peur du bain, de l'égout de la baignoire
1,5 - 4 ans : peur de la séparation
3 ans : peur des animaux
4 ans : peur de l'obscurité
5 - 7,5 ans :peur des étrangers, des mauvais gens, de la mort, de rester seul
De 4 - 6 ans : peur de l'école
11 ans : peur des blessures, des événements naturels, des événements Sociaux.
12 ans : peur des événements Sociaux et de matière Sexuelle
19 ans et plus : peur des événements naturels (foudre, tempête, tornade, etc)
L'anxiété de la Séparation est une étape normale du développement psychologique des enfants jusqu'à l'âge de 3-4 ans.
Certains enfants sont plus vulnérables à l'anxiété de séparation, question de tempérament, ou suite à la disparition d'un parent proche ou en cas de divorce. D'autres sont plus irritables aux moments de séparation exigeant plus d'attention et plus de compréhension.
Néanmoins, un tempérament difficile n'engendre pas obligatoirement une anxiété ( le terme médical de l'anxiété est le trouble anxieux). Les peurs transitoires comme la peur du noir sont normales et ne perturbent le développement à long terme mais peuvent indiquer un tempérament anxieux. Les études montrent que les enfants affectés par le trouble anxieux de séparation ont des difficultés sociales et scolaires avec une nette corrélation entre ces symptômes et leurs difficultés en lecture et calcul.
La fréquence de ce trouble varie selon l'âge, passant de 1,3% des enfants de l'âge de 14-16 ans, jusqu'à 4,1-4,7% chez les enfants âgés de 7-11 ans. Dans son étude, Burke a reporté que 5 % des enfants scolarisés ont une phobie scolaire (autre terme pour le trouble anxieux de séparation). Selon Bowen, 2,4 % est le chiffre concernant l'ensemble des pays étudiés.
L'âge de début présente plusieurs pics : dans la petite enfance (5/7 ans), à l'adolescence (12/15 ans), et surtout à la pré-adolescence (10/11 ans) avec un pic de fréquence important lors du passage en 6ème.
La phobie concerne plus fréquemment l'enfant unique, aîné ou benjamin, enfant qui présente une intelligence bonne, et dont l'intérêt pour l'apprentissage scolaire est préservé.
Les exemples de mortalité en raison d'anxiété de séparation sont rares. Il existe un étrange terme anglais « mothering to death » qui signifie en français materner ou pouponner à mort pour désigner le risque vital qui menace l'enfant en cas de trouble dans sa relation avec sa mère. L'exemple des nourrissons qui meurent après le décès de leur mère en refusant de s'allaiter ou de dormir est une réalité dans les services de maternité.
La mortalité est parfois le résultat d'une dépression majeure associée, qui peut mener au suicide des pré-adolescents.
Les études à long terme des enfants diagnostiqués en refus scolaire suite à une anxiété de séparation montre un affaiblissement du fonctionnement social de l'enfant sous forme d'isolement et de difficulté à tisser des liens à long terme.
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