Encyclopédie: sexologie et couple

Mariage, monogamie et fidélité

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Mariage, monogamie et fidélité


La monogamie est par définition le mariage (ou une relation) avec une seule personne à la fois. Par extension, on définit la monogamie hors mariage comme être en couple avec une seule personne. Le mariage est une institution religieuse, sociale, qui implique un engagement juridique entre deux personnes, consentante, devant des témoins.
Le mariage traduit l'ambition de la société à organiser la cellule familiale, et l'avenir des enfants.
Le choix du régime matrimonial monogramme (le couple d'un seul homme avec une seule femme à la fois), polygame (le couple d'un homme avec plusieurs femmes à la fois), ou polyandrie (couple d'une femme avec plusieurs hommes) répond à des objectifs natalistes, économiques, et culturels


L'apparition de la monogamie
A travers l'histoire, la polygamie était la règle, le modèle le plus répandu avant l'apparition la société agricole. Les sociétés antiques égyptiennes, romaines, et grecques, étaient monogames. Les hommes pouvaient avoir des relations sexuelles avec des prostituées, ou avec des esclaves. Le mariage conditionne la transmission des biens, et protège le droit des enfants légitimes.
Le nombre des épouses dans le régime polygame des sociétés antiques était illimité. L'islam au sixième siècle a limité pour la première fois le nombre des épouses dans le mariage polygame à quatre, et a interdit le mariage polygame avec des femmes de la même famille, comme le mariage polygame avec deux sœurs, ou avec une mère et sa fille.
Le mariage monogame indissoluble est une invention chrétienne. L'église n'était pas monogame avant le IXe siècle. À partir de cette date, le mariage devient un sacrement, un lien religieux, le divorce interdit. Le mariage devient monogame, et unique dans la vie.
Progressivement, de nombreux pays ont interdit la polygamie pour des raisons sociales ou culturelles ou économiques et pour limiter le nombre d'enfants. En Afrique, la polygamie continue à être un système pratiqué qui assure la survie des femmes et des enfants.


Origines de la monogamie
La monogamie à court terme est une bonne idée selon l'approche évolutionniste de Darwin. La procréation exige un partenariat durable entre les deux parents pour assurer la survie et la protection de la progéniture. Les mères ne peuvent pas se nourrir pendant leur grossesse. Après l'accouchement, les mères se chargent de soigner, les pères devraient protéger et fournir la nourriture.
Chez les humains, la survie des nourrissons exige également le partenariat entre le père et la mère. La monogamie devient indispensable pour la survie des espèces, pour la protection des enfants. La relation romantique a une utilité, l'attirance sexuelle peut favoriser l'attachement, qui favorise par la suite, la protection des nourrissons.
Selon cette approche évolutionniste, la reproduction humaine exige une monogamie temporaire durant quelques années.
La monogamie durable est une création culturelle qui a accompagné la naissance de la famille pour assurer l'éducation des enfants, la protection des femmes, la sécurité de la famille, et la transmission des biens.


Société occidentale : évolution et changement
Les avantages de la monogamie commencent à manquer en Occident. Les femmes sont indépendantes, capables de fournir à leurs enfants soins et nourriture. La sécurité physique est assurée par la société. Le rôle de la famille devient moins crucial pour la survie des enfants.
L'évolution récente de la société a validé la sexualité féminine, le droit des femmes au plaisir sexuel. La recherche de la satisfaction sexuelle est devenue légitime. Cette recherche de la satisfaction sexuelle interroge de plus en plus la monogamie. Est-il possible de se satisfaire au 21ème siècle d'un seul partenaire sexuel ?

 

Quel intérêt ? Quels avantages ?
La culture occidentale actuelle privilégie la romance, le couple est une conclusion d'une attirance entre deux personnes et non plus, comme par le passé une alliance entre deux familles ou entre deux intérêts. Le grand amour devient le sauveur des âmes "esseulées". En dépit de nombreux avantages des relations à long terme, le divorce semble dissoudre un couple sur deux, la rupture des relations amoureuses (sans mariage) dépasse ce chiffre.
Notre société hésite entre le culturel et le naturel. Il est contradictoire de demander aux hommes et aux femmes d'être monogames et fidèles, en leur demandant en même temps de privilégier la satisfaction sexuelle et individuelle. La société préfère ignorer les instincts en demandant à chacun de se conformer avec un modèle culturel, puis réclame l'inverse en cherchant la satisfaction individuelle.
Les instincts jouent un rôle plus important dans l'expérience sexuelle, dans la préservation du désir sexuel, et même dans la réponse sexuelle. Comment demander à un couple d'être monogame et fidèle quand l'attirance sexuelle disparaît ?
L'adultère était présent dans toutes les cultures et dans toutes les époques. Dans les études de Kinsay, le pourcentage de couples infidèles atteint 75 %. On peut ajouter à ce chiffre un autre chiffre : 6 à 20 % des mariages sont asexués. Nous pouvons ainsi comprendre les limites de la monogamie.
En interrogeant les personnes mariées, l'insatisfaction sexuelle est une motivation présente dans les aventures extraconjugales, et dans la séparation.
La monogamie a survécu pendant des siècles car les hommes avaient la possibilité d'avoir des relations sexuelles hors du couple. Actuellement, la fidélité est exigée, les couples deviennent fragiles, provisoires.

 

Individualisme : auto réalisation
Chaque partenaire s'efforce de créer une cellule familiale harmonieuse, aussi durable que possible. Les choses commencent ensuite à se désagréger, la frustration et la colère apparaissent. Elle perd sa libido, il perd son désir sexuel. Il devient irritable et insatisfait. L'insatisfaction s'exprime par des émotions négatives. La séparation pointe son nez, (ou la rencontre extraconjugale).
Tout le monde fait les louanges des vertus de la relation durable et à long terme. Mais mariage et monogamie sexuelle sont de plus en plus contestés.
La psychologie positive invite chacun de nous à répondre à ses propres besoins pour réaliser ses ambitions. L'autoréalisation devient un but dans notre société. Cette auto- réalisation ne semble pas encourager les engagements à long terme. Il est difficile de planifier ou d'arriver à une autoréalisation à deux. Le projet d'un partenaire devient sacrifice pour l'autre, et alors le couple devient obstacle.


Insatisfaction de la sexualité du couple
Plusieurs facteurs se conjuguent pour rendre la monogamie difficile sur le long terme. Certains auteurs expliquent ce comportement par des facteurs génétiques. Certains citent l'effet Coolidge comme un argument. L'effet Coolidge est le phénomène de performances sexuelles d'un mâle lorsque de nouvelles partenaires sont disponibles. La nouveauté augmente le taux de certaines hormones comme la dopamine, qui favorise l'excitation sexuelle.
D'autres citent l'effet Westermarck : manque d'attrait pour le familier. Selon Westermarck, jusqu'à l'âge de 30 mois, l'enfant développe un système instinctif de rejet des sentiments amoureux et des pulsions sexuelles vis-à-vis des personnes vivant avec lui.
Selon cette approche biologique, la monogamie est problématique pour les hommes jeunes, en raison de la perte du désir sexuel pour les partenaires de longue date ou anciens, et l'attrait pour de nouveaux partenaires.


L'insatisfaction sexuelle peut altérer la qualité de vie émotionnelle, et relationnelle. Cette insatisfaction peut affecter l'intimité.
Le couple monogame devient synonyme de nombreuses exigences, y compris des exigences de nature sexuelle et émotionnelle.
Dans son étude, Wilhelm Reich a signalé que l'attitude monogame n'est pas la conséquence de l'inhibition d'impulsions polygames, de scrupules moraux ; cette attitude monogame est fondée sur la possibilité de satisfaction sexuelle avec la même personne ou le dépassement de la question sexuelle.
En cas d'harmonie et de satisfaction sexuelle dans le couple, l'attitude monogame est plus présente.
Notre société favorise la monogamie hétérosexuelle, désapprouve un comportement sexuel qui s'écarte de cette norme.
Curieusement, la révolution sexuelle a préconisé la polygamie mutuelle, ou la monogamie en série pour répondre aux besoins de chaque partenaire. Mariage et couple sont justifiés par des raisons privées et personnelles, le modèle traditionnel du mariage est remis en question.
Dans ses études, Geoffrey Gorer a remarqué que les personnes interrogées citaient les avantages matériels comme le critère d'un mariage heureux dans les années 50. Dans les années 70, les réponses ajoutaient les qualités relationnelles et psychologiques du partenaire. Les réponses des années suivantes ajoutaient la satisfaction sexuelle et émotionnelle.
La multiplication des attentes exige du couple de répondre aux besoins financiers, émotionnels, et sexuels.

 

Instincts et inconscient
Si le désir sexuel attire vers la nouveauté, le jeu, le nouveau partenaire, chacun tente comme il peut, de respecter la fidélité et la monogamie dans ses relations. Certains vont réussir, d'autres non. Contrôler ses instincts et ses pulsions ressemble à notre capacité à contrôler nos pulsions pour la nourriture. Certaines personnes décrivent l'attirance sexuelle comme irrésistible. A travers l'histoire, même la peine de mort n'a pas réussi à endiguer l'adultère. Le désir sexuel n'est pas toujours facile à contrôler.
Dans certains couples, le désir sexuel après des années de monogamie devient obsession. Quand une personne tente d'arrêter ces désirs inconscients, ils s'intensifient. Cette lutte peut se traduire par des maladies psychosomatiques ou par un comportement excessif.
L'inconscient est la partie de notre cerveau qui traite toutes les informations qui ne parviennent pas à notre conscience. Il comprend une vaste gamme de processus mentaux qui influencent nos sentiments et nos comportements. Par exemple, nos cinq sens reçoivent des millions d'informations par seconde. Le cerveau conscient traite quelques informations seulement, l'inconscient traite le reste.
L'inconscient aide l'esprit conscient. La plupart de nos pensées et comportements sont le résultat de ces traitements conscients et inconscients. Ce qui complique les choses, parfois conscient et inconscient ne sont pas d'accord. Lorsque nous ignorons notre inconscient, nous ignorons une partie des facteurs qui influencent notre comportement.
Cet inconscient conditionne, partiellement, certains comportements comme le comportement alimentaire ou sexuel. Il est difficile de comprendre pourquoi un homme est attiré par la beauté de tel organe, ou pourquoi une femme est attirée par tel homme.
La monogamie sexuelle n'est pas un comportement confortable. La monogamie est un comportement conscient qui doit prendre en compte certaines données : solitude, respect de l'autre, valeurs, et lutte contre les instincts inconscients.
La difficulté de trouver l'équilibre peut expliquer les chiffres d'infidélité dans le couple et même un certain pourcentage de divorce ou de rupture.

Mariage dans une culture sexualisée
Il ya cent ans, il était inconcevable d'évaluer un mariage ou de parler de bonheur ou de satisfaction. Le divorce était rare, le but d'un mariage était de fonder une famille et de transmettre éducation et biens.
Les rôles des hommes et des femmes dans la cellule familiale étaient mieux définis, et moins contestés. Les hommes travaillaient à l'extérieur, les femmes à l'intérieur. La relation sexuelle faisait partie du contrat. Les hommes ne cherchaient pas leurs satisfactions sexuelles dans le couple exclusivement, la pornographie et la prostitution étaient présentes, moins disponibles qu'à notre époque. La société était moins sexualisée.
La monogamie faisait partie de ce système. On parlait d'interdépendance entre les deux sexes.
Depuis quelques années, de nombreux changements ont modifié progressivement la société occidentale. Elle devient plus permissive, plus sexualisée. Le sexe est dans la culture, les médias, les films et dans les discussions. Cette sexualisation n'épargne pas les adolescents, ils ont un accès facile à la pornographie.
La sexualisation de la société s'accompagne d'un comportement sexuel de consommation, de compétition, et d'expérimentation, de jouissance et d'autoréalisation sexuelle. La sexualité devient un nombre de partenaires, une liste de pratiques sexuelles testées, de fantasmes à réaliser. Cette sexualisation de la société reprend l'approche masculine en sexualité en distinguant sexualité et émotion.
Sexualisation et monogamie vont devenir contradictoires voire antagonistes.
Les hommes et les femmes se rencontrent par l'intermédiaire des réseaux sociaux et par les moyens de communication, s'impliquent dans des relations sexuelles occasionnelles dont le but affiché est le plaisir d'abord. La monogamie n'est plus prioritaire.
La participation des femmes dans l'activité économique a permis la présence féminine dans les entreprises. L'indépendance économique des femmes et la liberté de choix en ce qui concerne le couple et la sexualité deviennent réalité. Pour la première fois dans l'histoire de la société occidentale, les femmes ont un rôle sexuel actif et indépendant. La monogamie devient une sorte d'utopie, un slogan qui incite les personnes à se contenter d'une sexualité ancienne, limitée, avec un seul partenaire, durant toute la vie, dans une société qui invite à la jouissance, à la réalisation de ses fantasmes, à la consommation sexuelle.

 

Mariage et monogamie : encore une bonne idée ?
Mariage et monogamie existent parce qu'ils sont deux grandes idées, toujours utiles et irremplaçables. La monogamie sexuelle offre de nombreux avantages pour ses adeptes, elle participe à la préservation du couple, à rassurer les deux partenaires, et à préserver le bien-être des enfants.
La monogamie est bénéfique aux partenaires qui cherchent la maternité et la paternité. La monogamie assure aux parents une meilleure qualité de vie émotionnelle, juridique et financière. La coparentalité est une solution moins difficile que la monoparentalité.
Le mariage et le couple monogame ont de nombreux avantages, les personnes en couple ont une meilleure santé que les célibataires, de même pour leur santé mentale. En couple, les gens ont des habitudes de vie plus saines. Le couple est également un avantage économique, les gens en couple ont plus d'aisance financière que les célibataires.
À bien des égards, le mariage offre un havre de paix dans un monde anxiogène : confort, soins, partages, sexualité disponible, et protection sociale et familiale. Le couple monogame est une réponse efficace et valable aux maladies sexuellement transmissibles aussi.
La réalité de nos instincts polygames n'est pas une découverte. Chaque homme (chaque femme) sait que son attirance sexuelle est puissante, l'invité à chercher la nouveauté et à rencontrer de nouveaux partenaires.
Pourtant, chaque couple cherche la monogamie et la fidélité.


- La monogamie : modèle qui réussit
De nombreux modèles de couples et de familles ont existé, de la monoparentalité aux couples ouverts, du harem à la polyandrie.
Les femmes préfèrent trouver un partenaire, une famille et une relation durable pour assurer leur sécurité et le bien-être des enfants.
Le mariage n'est plus un modèle dominant. Une majorité d'enfants nait hors mariage mais dans des couples monogames qui espéraient une relation longue et durable.


- La monogamie : bénéfique pour les enfants
En dépit de la sexualisation de notre culture, de notre mode de vie, la présence des enfants désirés par certains, c'est un accomplissement pour d'autres. Dans les faits, la monogamie est pratiquée pendant quelques années pour assurer aux enfants protection et soutien. Une majorité de couple ne dure pas longtemps. Les questions sexuelles sont ajournées, puis les couples divorcent ou se séparent à la fin de la petite enfance.

- La monogamie : système de soutien
C'est sans doute l'avantage le plus caractéristique de la monogamie. C'est un moyen de protection sincère. La monogamie est revendiquée par une majorité de couples. Le besoin de sécurité et de soutien est un besoin humain répandu qui se développe dès l'enfance. En dépit des instincts sexuels primaires, la monogamie est une réponse à de nombreux besoins.

 

Réf :

* David Barash and Judith Lipton, The Myth of Monogamy (New York: W. H. Freeman and Company, 2001).
* David Barash and Judith Lipton, Strange Bedfellows: The Surprising Connection between Evolution, Sex, and Monogamy (New York: Belleview Literary Press, 2009).
* Michele Weiner-Davis, The Sex-Starved Marriage: A Couple's Guide to Boosting
* Their Marriage Libido (New York: Simon and Schuster, 2003).
* Julian Savulesccu and Anders Sandberg, "Neuroenhancement of Love and Marriage,"Neuroethics 1 (2008): 31-44.
* Pew Social and Demographic Trends, Modern Marriage (Pew Research Center,
* 2007).
* Timothy Wilson, Strangers to Ourselves: Discovering the Adaptive Unconscious (Cambridge:Harvard University Press, 2002).

 

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