Malévitch est un grand peintre russe longtemps méconnu (1878-1935).
Il fait partie de l'avant-garde russe de l'art contemporain, ami de Kandinski. Il sera célèbre en 1915 en exposant des oeuvres au sein du mouvement " suprématisme " où l'art ne doit pas imiter les apparences de la réalité mais être un acte pur, libéré du poids du figuratif ; une affaire de sensation selon le peintre.
L'œuvre de Kasimir Malévitch est un condensé des problèmes esthétiques qui ont occupé les artistes du xxe siècle. Son premier texte s'intitule Du cubisme au suprématisme. Le nouveau réalisme pictural. Bien qu'il ait reçu des rudiments d'enseignement académique, Malévitch est un autodidacte.
Né à Kiev d'origine polonaise, il part pour Moscou en 1902, où il reçoit ses premiers rudiments d'éducation artistique tout en prenant activement part à la révolution manquée de 1905.
Il suit le mouvement impressionnisme ; puis il ré-invente avec d'autres compatriotes le primitivisme ; art direct, naïf comme un dessin d'enfant : une recherche d'un langage universel. Il s'essaie au cubisme puis expose l'art abstrait avec les toiles suprématistes où seule la couleur dans des formes géométriques est présente.
La femme au chapeau jaune (1908) ; l'impressionnisme est présent dans ce tableau.
Jusqu'en 1913, son œuvre porte surtout la marque de son apprentissage des codes de l'avant-garde européenne comme dans le tableau Baigneur de 1910 où l'influence du fauvisme est manifeste.
Le linguiste Roman Jakobson explique ce que découvrit Malévitch en face de ces toiles révolutionnaires : " un tableau ne peut être un bout de nature, comme le croyaient encore les impressionnistes, mais un ensemble de signes arbitraires articulés selon une grammaire spécifique. "
Ses toiles de 1913-1914 constituent la première tentative de créer des représentations de différents objets, chacun à une échelle différente, se juxtapose ou se superpose dans une même image comme son tableau Un Anglais à Moscou(Stedelijk Museum). Cette fois le cubisme semble marquer ce tableau. Le procédé du collage cubiste sert à éroder la logique classique, à mettre l'accent sur les qualités plastiques autonomes des éléments de l'image.
Un Anglais à Moscou(Stedelijk Museum)
Le Carré blanc sur fond blanc de 1918 (Museum of Modern Art, New York), premier tableau achromique de l'art moderne où il cherche à définir l'opposition entre le dessin, et le fond.
Carré noir sur fond blanc, tableau clé de l'art moderne articule en quelque sorte toutes les questions qui ont intéressé Malévitch depuis sa découverte du cubisme. Le tableau est un signe dont l'interprétation dépend des plusieurs facteurs. Il devance avec son Carré noir ce qu'on nommera la logique " déductiviste " dans la peinture américaine des années 1960.
Pas tout à fait carrée non plus, cette peinture témoigne, comme pour le Carré noir, d'une grande sensibilité. La trace de la main de l'artiste est visible dans la texture de la peinture et ses subtiles variations de blanc ; les contours imprécis du carré asymétrique produisant une sensation d'espace infini. Le blanc, légèrement bleuté pour la forme centrale, plus chaud et ocré sur la périphérie, crée une matière dense et complémentaire au point qu'on ne peut séparer forme et fond. La position décentrée du carré, comme pesant sur la droite, et le léger cerne noir autour, dynamisent l'ensemble, contribuant à la sensation d'espace.
Malévitch varie ses figures géométriques, la Croix noire. Il s'aperçoit qu'à l'exception des figures symétriques rien ne peut égaler son Carré noir. Il entreprend une série d'œuvres comme Huit rectangles rouges pour inviter le regard du spectateur à méditer.
Malévitch envisage une autre solution et peint son deuxième chef-d'œuvre.
Mais dès 1920, ces toiles abstraites sont sévèrement critiquées qualifiées " d'art dégénéré ". Adulé un temps par le pouvoir russe, ses œuvres seront interdites dans son pays trop modernes pour les temps troubles de la Russie de Staline.
En 1927, des nouvelles alarmantes parviennent à Malévitch lors d'un séjour en Allemagne. Rentré précipitamment en Russie, il est directement victime du durcissement de la politique culturelle. L'institut de la culture artistique de Leningrad, où il enseignait, est dissous, il parvient à trouver d'autres soutiens institutionnels et peut encore exposer, mais sa situation se dégrade de jour en jour.
En 1930, il est arrêté pendant plusieurs semaines. Il est difficile de savoir si l'œuvre tardive de Malévitch (retour à la peinture figurative) est le résultat des violences et d'intimidations du pouvoir stalinien, en 1935, Malévitch se contente d'imiter dans sa peinture les différents styles qu'il avait adoptés avant le suprématisme.
Buste à la chemise jaune, K. Malévitch, vers 1928-1932. Musée national de Saint-Pétersbourg, Russie.
La fille au peigne 1932
Ses nombreuses toiles, sont d'une grande modernité, les couleurs et les formes sont réduites à leurs plus simples expressions pour ne laisser qu'une sensation forte ou qu'une seule idée aux spectateurs qui les voient.
Certaines œuvres sont si actuelles : il y a quelque chose de simple comme un panneau signalétique et de puissant, une émotion forte s'en dégage, ses œuvres sont telles qu'elles font de lui un peintre du 21ème siècle. Il nous est familier, on vit dans son monde et il fait partie du monde d'aujourd'hui.
Références:
E. Martineau, Malévitch et la philosophie, L'Âge d'homme, 1977
J.-C. Marcadé, Malévitch, Casterman, Paris, 1990
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