Tout le monde salue la nouvelle version de cette série anglaise historique, diffusée sur Netflix depuis juillet dernier.
C'est une fresque historico-romanesque dans l'Angleterre de la fin du VIIIe, adaptée du célèbre livre en 12 volumes de l'écrivain Winston Graham publiée dans les années 50. Déjà adaptée une première fois par la BBC, cette œuvre a connu un immense succès à la télé britannique dans les années 70.
Le point fort du roman réside dans sa richesse, c'est à la fois un un drame historique et une romance, une fiction historique avec des personnages " imparfaits " au caractère bien trempé, multidimensionnels et brillamment décrits.
Ross Poldark (Aidan Turner) le beau ténébreux, fils de bonne famille, noble de campagne (gentry), rentre chez lui en Cornouailles après deux ans passés dans l'armée à batailler dans les colonies en Amérique. Aidan Turner ajoute par son charisme et son énergie une belle dimension à ce personnage romantique, courageux et têtu. Comme dans le roman de Graham, la majeure partie de l'action se déroule après la perte de l'Amérique par les Britanniques.
A son retour, sa fiancée Elizabeth (Heida Reed) craignant qu'il ne soit tué, s'est fiancée à son cousin, Francis (Kyle Soller). Le père de Poldark est mort, son seul héritage est une maison mal entretenue et une mine d'étain négligée. Il n'a guère de quoi vivre, mais l'obstiné Poldark persévère à travers toutes sortes de défis.
Le jeune Poldark est obligé de discipliner ses deux vieux serviteurs, de défendre son héritage de son oncle manipulateur (Warren Clarke) - qui ne voudrait rien de mieux que de voir son neveu quitter la région hors de la vue de sa belle fille Elizabeth, et aussi de creuser sa mine d'étain.
Ross fera tout ce qui est possible par changer les cartes que le destin lui a laissées : un maigre héritage, une mine abandonnée et une promise fiancée à un autre. Ross en surmontant ces épreuves, se montrera un vrai homme moderne et progressiste, un héros des temps modernes par son courage et par sa capacité d'adaptation.
Le personnage important de la première partie est la jeune Demelza (Eleanor Tomlinsona), jeune-fille maltraitée d'un mineur pauvre. Au contact de Ross, Demelza se transforme en jeune femme active, positive, intelligente, séduisante et même sociable. Sa grande proximité avec Ross, finira par les lier.
Les images du duo galopant à cheval à travers les paysages du bord de mer et des récifs sont d'une grande beauté.
Cette histoire romanesque nous montre la misère en Cornouailles dans cette période fin du 18ème siècle où les habitants de ces régions attendaient le passage de bancs de poissons pour survivre l'hiver, la vie des mineurs (mines de cuivre ou d'étain), les maigres revenus des exploitations agricoles des propriétaires terriens en cette période de pré-révolution industrielle.
On observera dans cette série la peur des dirigeants anglais de la contagion de la révolution française, avec le durcissement des lois vis-à-vis de tous mouvements sociaux ou supposés l'être.
Ross a hérité d'une mine de cuivre à l'abandon dont il cherchera à relancer l'activité et pour se faire à besoin d'investisseur, car s'il possède la mine, il n'a pas d'argent pour la faire fonctionner. Ce feuilleton nous montre les débuts du capitalisme industriel, les actionnaires qui espèrent rentabiliser leurs investissements au risque de tout perdre, et l'apparition d'un système bancaire cherchant le profit ou la rentabilité à tout prix.
Amours impossibles, amis, ennemis, passion et sensualité, courage et rédemption : tous les ingrédients d'une grande fresque romanesque, avec des descriptions d'une époque : le rôle des femmes, le pouvoir, l'économie et la hiérarchie socio-économique.
Winston Graham a fait un merveilleux travail en décrivant la terre de Cornouailles et ses habitants, leurs vies, leurs traditions dans un pays au début de la révolution industrielle. Il crée des personnages riches, il réussit des dialogues précis et brillants. Sa narration est enrichie de belles descriptions. Les méchants sont vraiment méchants, mais aux motivations compréhensibles, les bons personnages sympathiques sont réellement bons mais imparfaits.
L'un des plus beaux aspects de la série : nous voyons la progression d'un homme pauvre (Poldark) mais ambitieux, et d'une jeune femme avec peu d'éducation mais si riche en joie de vivre et en bon sens.
On voit la naissance d'un pays moderne, à travers les révoltes de ses pauvres pour une meilleure justice sociale, la lutte des femmes et la naissance de nouvelles femmes comme Demelza ou Verity qui s' imposent par leur courage et leur bon sens, en dépassant le rôle passif des femmes dépendantes (Elisabeth) de leurs maris à ce début du 19ème siècle. Nous ne sommes pas loin des personnages féminins positifs décrits à la même époque par Jane Austen.
La réalisation de cette série est un hommage à un grand écrivain britannique sous-estimé.
Les images, les superbes paysages du bord de mer, réalisées par Cinders Forshaw sont un atout incontestable à cette bien belle série.
A voir.
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