Le monde observable par les sens humains apparaît lisse, continu et bien défini.
En revanche, le monde quantique est discontinu, aléatoire et incertain. La physique quantique est le domaine qui décrit le comportement et l’activité à l’échelle des atomes.
Le physicien allemand Max Planck a proposé le concept de quanta d’énergie au début du 20e siècle. Sa découverte a jeté les bases de la théorie de la physique quantique et a révolutionné le domaine de la physique traditionnelle.
À cette époque, les lois de la physique dite classique expliquent la majorité des phénomènes terrestres. Cette physique bâtie durant des millénaires par des générations de savants renommés, et selon des expériences de plus en plus sophistiquées, est confirmée par des concepts et des outils mathématiques parfaitement maîtrisés. Elle comporte trois grands courants qui expliquent l’ensemble des phénomènes perçus sur Terre et dans son environnement proche.
— Le premier concerne l’étude des corps en mouvement et celle des forces qui en sont à
l’origine.
— Le deuxième traite des phénomènes ondulatoires auxquels sont théoriquement assujettis l’électricité, le son, la lumière.
— Le troisième, initié par la machine à vapeur, implique tous les phénomènes physiques liés à la chaleur, d’où son nom de « thermodynamique » (chaleur en mouvement).
La physique classique s’appuie essentiellement sur deux piliers de raisonnement : d’une part la théorie de Newton de la gravitation (publiée 1687), qui a permis de calculer les différentes trajectoires des planètes les plus proches de la Terre ; d’autre part celle de James Clerk Maxwell (publiée en 1865) sur l’électromagnétisme, unifiant le magnétisme et l’électricité.
En 1900, cette physique semble tellement solide qu’aucun scientifique ne songe à la remettre en cause. La communauté scientifique déplore même qu’il n’y ait plus de théories à découvrir : tout nouveau phénomène est parfaitement expliqué par la physique classique, sûre d’elle et de son déterminisme.
Pourtant, des faits étranges apparaissent peu à peu. Les savants s’aperçoivent que la trajectoire de la planète Mercure n’est pas tout à fait conforme à la loi de Newton et que, sur Terre, il se passe des choses très étranges ; ainsi, la vitesse de la lumière, que tout le monde croyait instantanée, semble être limitée.
Encore plus extraordinaire, certaines expériences démontrent que l’on ne peut pas la dépasser, aussi n’aime-t-elle pas être additionnée à une autre vitesse.
Si, dans un TGV qui roule à la vitesse de la lumière (C), vous vous déplacez dans le sens de
la marche à une vitesse V, votre vitesse réelle ne sera jamais égale à (v+c), mais restera toujours égale à C.
Certains indices montrent que la lumière se propage non pas d’une façon continue, comme une onde, mais discontinue, par petits paquets.
Par ailleurs, les savants découvrent, grâce à des outils d’observation plus modernes, des phénomènes inexplicables impliquant de petites particules microscopiques, non perceptibles par nos sens, se déplaçant à une très grande vitesse sur des distances très petites. Si les lois de la physique classique expliquent les phénomènes du monde macroscopique où interagissent des corps dotés d’une masse conséquente, elles sont incapables d’expliquer certains phénomènes de l’infiniment petit (phénomènes photoélectriques, électromagnétiques)
Max Karl Ernst Ludwig Planck est né de Johann Julius Wilhelm von Planck et d’Emma Patzig le 23 avril 1858 à Kiel, en Allemagne. Johann avait déjà deux filles de son premier mariage, Max était son quatrième enfant de son second mariage.
Max a rejoint l’école primaire à Kiel, puis à Munich en 1867, lorsque son père accepta un poste de professeur de droit à l’université de l’université de Munich.
Max était un pianiste talentueux, il allait choisir une carrière dans la musique lorsqu’un musicien professionnel lui dit qu’il n’était pas assez doué. Il a gardé deux passions pour les loisirs : jouer du piano et escalader les montagnes.
Planck est né dans la société conservatrice de la Prusse du 19e siècle, et à sa manière formelle et disciplinée. Il est resté toute sa vue attaché aux traditions prussiennes.
Sa foi en la physique, sa force et son intégrité intellectuelle, nous dit Einstein, sont nées d’un « état émotionnel » plus proche de celui d’un homme religieux ou d’un homme amoureux.
Dans une de ces ironies qui semblent faire partie d’un roman banal, Planck a été conseillé en 1875, alors qu’il avait 17 ans, de ne pas faire carrière dans la physique, en particulier la physique théorique, parce que les travaux significatifs étaient désormais finis. Il obtient son diplôme en 1874 et s’inscrit à l’université de Munich à l’automne pour commencer des études en mathématiques, mais il est plus intéressé par la physique.
Il se rend à l’université de Berlin pour passer deux trimestres en 1877 et en 1878. Planck va suivi son propre chemin, et a finalement étudié sous la direction de deux des plus célèbres physiciens allemands de l’époque, Hermann Helmholtz et Gustav Kirchhoff. Ces grands scientifiques ne sont pas très inspirants dans l’amphithéâtre : les cours d’Helmholtz sont mal préparés et ceux de Kirchhoff sont « secs » sur le sujet de la thermodynamique, mais Planck trouve ce qu’il cherche, « quelque chose d’absolu ».
Max a étudié la thermodynamique, science qui traite des relations physiques entre la chaleur et l’énergie.
Deux grandes lois naturelles régissent les transformations énergétiques de toute matière. La loi de la thermodynamique stipule que l’énergie est conservée ; l’énergie peut être transférée et transformée, mais elle ne peut ni être créée ni être détruite.
La deuxième loi de la thermodynamique stipule que les transferts ou les transformations d’énergie augmentent l’entropie. L’entropie est une mesure du désordre (trouble)du système qui reçoit la chaleur ou l’énergie.
La thermodynamique statique a signalé que plus l’entropie du système est élevée, moins ses éléments sont ordonnés, liés entre eux, capables de produire des effets mécaniques.
Par exemple, si vous mettez un glaçon dans un bol de soupe chaude, la chaleur de la soupe va passer au glaçon. L’énergie est transférée des molécules de la soupe chaude aux molécules d’eau du glaçon. Les molécules d’eau commencent à se déplacer davantage et le glaçon fond. L’énergie serait encore conservée si la chaleur était transférée du glaçon à la soupe, mais un glaçon ne resterait jamais congelé lorsqu’il est placé dans un bol de soupe chaude, car cela violerait la deuxième loi de la thermodynamique.
Max a été attiré par la généralité de ces principes et a choisi d’écrire sa thèse de doctorat sur la seconde loi de la thermodynamique. Le premier livre de Planck était une extension de ces études. Publié en 1897, Vorlesungen über Thermodynamik (Traité de la thermodynamique) comprenait des études des principes thermodynamiques et des concepts de pression osmotique, du point d’ébullition et du point de congélation.
Après avoir obtenu son doctorat à l’université de Munich en 1879, Planck y est resté en tant que maître de conférences de 1880 à 1885. Cependant, le salaire ne lui permettait pas de fonder sa propre famille et lorsqu’on lui proposa un poste de professeur associé de physique théorique à l’université de Kiel, il accepta.
Disposant de revenus suffisants pour fonder une famille, il se maria avec son amour de jeunesse, Mlle Marie Merck. Ils ont eu quatre enfants ensemble. A l’automne 1888, le professeur Kirchhoff meurt, l’université de Berlin invite Planck à lui succéder.
Nommé professeur adjoint et premier directeur du nouvel institut de physique théorique en novembre 1888, il est promu professeur titulaire en 1892. Planck reste à Berlin jusqu’à sa retraite en 1926.
Avec son complet sombre, sa chemise blanche empesée et son nœud papillon noir, Planck évoquait le fonctionnaire prussien modèle de la fin du XIXe siècle, n’eût été « le regard pénétrant sous le dôme immense de sa tête chauve. Il se montrait d’une extrême prudence avant de s’engager sur des questions scientifiques ou sur quelque autre sujet que ce soit. Planck n’était pas homme à changer d’avis facilement.
De son propre aveu, il était d’un naturel pacifique et évitait toutes les aventures. Il admit qu’il manquait de réactivité face à la stimulation intellectuelle.
Planck, ardent défenseur de la physique classique, savant très conservateur, est totalement hermétique à la notion d’atome. C’est dire que pour lui, à cette époque, toute idée scientifique nouvelle revêt un caractère sacrilège.
Il lui fallut des années pour réconcilier des idées nouvelles avec son conservatisme, or ce fut Planck qui, à l’âge de quarante-deux ans, déclencha sans le vouloir la révolution quantique en 1900 quand il découvrit l’équation donnant la répartition du rayonnement émis par un corps noir.
Planck a pu entrer au panthéon de l’histoire de la recherche scientifique en démontrant que les échanges entre la matière et l’énergie qui en est issue se déroulent non pas de façon homogène et continue, mais de façon discontinue par petits paquets (ou quanta).
Dans les années 1860, la marche vers la découverte des quanta de lumière (ou photons) est ouverte, à son insu, par le physicien allemand Gustav Robert Kirchhoff (1824-1887).
Un soir d’hiver, devant sa cheminée, il s’interroge sur le fait que les braises émettent des lumières de couleur différente selon leur température. Pourtant c’est un phénomène bien connu des potiers, des verriers, des forgerons et des boulangers qui, depuis l’Antiquité, vérifient la température de leur four grâce à sa couleur : 750 °C pour le rouge vif, 1000 °C pour le jaune, 1200 °C pour le blanc.
Tous les objets, s’ils sont suffisamment chauds, émettent un mélange de chaleur et de lumière dont l’intensité et la couleur changent avec la température. Le bout d’un tisonnier en fer qu’on a laissé dans le feu commence à briller faiblement d’un éclat rouge terne ; quand sa
température augmente, il passe au rouge cerise, puis au jaune orangé vif et enfin au blanc bleuté. Une fois retiré du feu, le tisonnier se refroidit en redescendant la gamme de ces couleurs jusqu’à ce qu’il ne soit plus assez chaud pour émettre la moindre lumière visible. Même à ce stade, il émet encore un rayonnement thermique invisible. Au bout d’un certain temps,
ce dernier cesse lui aussi lorsque le tisonnier, en continuant de se refroidir, devient finalement assez tiède pour qu’on puisse le toucher.
Pour comprendre ce phénomène, Kirchhoff imagine le concept du “corps noir”. Celui-ci ressemble à un four idéal ayant la forme d’une boîte fermée absorbant la totalité du rayonnement qu’elle reçoit (d’où le terme “corps noir). En le chauffant progressivement, Kirchhoff peut analyser les fréquences du rayonnement électromagnétique, visible ou pas, qui sort d’un petit trou percé dans l’une des parois.
Au début du XIXe siècle, ce rayonnement se résumait à la lumière visible.
Peu à peu, les physiciens découvrent d’autres rayonnements de même nature, mais non perceptibles à l’œil humain (l’ultraviolet, l’infrarouge) puis à la fin de ce même siècle, la plupart des autres rayonnements (micro-ondes, ondes radio, rayons X et gamma). À la même époque, en 1864, Maxwell démontre qu’un rayonnement électromagnétique est composé d’une onde électrique et d’une onde magnétique se propageant à la vitesse de la lumière.
L’expérience de Kirchhoff confirme que les températures sont toujours liées aux mêmes rayonnements électromagnétiques (donc aux mêmes couleurs quand ils sont visibles), ce qui reste vrai, quelles que soient la matière brûlée (verre, charbon, bois...), la consistance des parois (brique, fer...) et la forme du corps noir.
Il en déduit que l’intensité du rayonnement est liée à la fréquence de ce dernier et à la température du four.
Il ne reste plus qu’à trouver la formule mathématique. C’est alors que les choses se gâtent : ni Kirchhoff ni aucun chercheur de l’époque n’y parviennent.
Pendant son séjour à Berlin, Planck a commencé à analyser les corps noirs, objets théoriques qui absorbent le rayonnement électromagnétique. Les charbons noirs dans un barbecue deviennent rouge orange, la couleur change avec la température.
Planck a étudié la relation entre l’énergie électromagnétique émise par des corps noirs, et les températures pour conclure que ces phénomènes dépendent de la température uniquement. A des températures basses, l’intensité du rayonnement émis diminue. Les rayons rouges possèdent de plus grandes longueurs d’onde ; lorsqu’un objet est initialement chauffé, il devient rouge.
Au fur et à mesure que le corps se réchauffe, la couleur passe à l’orange ou au jaune et finalement au bleu.
Ainsi, lorsque le corps noir absorbe de plus en plus de chaleur, le pic d’intensité du rayonnement qu’il émet se déplace à travers le spectre électromagnétique vers des longueurs d’onde de plus en plus courtes, c’est-à-dire des fréquences de plus en plus élevées. La région des hautes fréquences du spectre correspond aux ondes courtes de la lumière ultraviolette. Les physiciens ont appelé cette énigme la catastrophe ultraviolette. Les formules mathématiques prédisent que l’intensité du rayonnement électromagnétique émis par le “corps noir”, au lieu de décroître, devient infinie lorsque les fréquences se situent au niveau de l’ultraviolet. Le boulanger qui regarde son four aurait les yeux brûlés, la cheminée risque d’exploser.
Les lois de la thermodynamique sont prises en défaut ? Aucune formule mathématique n’arrive, pour une température donnée, à reconstituer totalement l’ensemble de la courbe obtenue par l’analyse empirique de tout le spectre des fréquences du rayonnement électromagnétique (et plus particulièrement de la lumière : de l’infrarouge à l’ultraviolet) sortant par le trou du corps noir.
Planck s’intéresse à cette anomalie. Peu avant 1900, il se met à rechercher la formule qui doit corroborer toutes les observations de Kirchhoff, et notamment être indépendante de toute contingence matérielle du corps noir (volume, forme, matière brûlée...). En tâtonnant, il trouve finalement une formule mathématique qui permet de calculer, pour une température déterminée, l’énergie totale E dégagée par un rayonnement électromagnétique. A présent, il lui faut étayer par une théorie scientifique adéquate, cette formule découverte empiriquement. Bien qu’il soit un expert des lois de la thermodynamique, il n’arrive pas à élaborer de théorie convaincante.
Un génial physicien et mathématicien autrichien Ludwig Boltzmann (1844-1906) va le tirer de ce mauvais pas.
En effet, à la fin du XIX siècle, lui vient l’idée étonnante d’expliquer le comportement général d’un gaz enfermé dans une enceinte en tentant d’étudier celui de chacune des molécules le constituant. Il s’aperçoit que cela est impossible : il existe des milliards de molécules dans un simple centimètre cube de gaz. Il fait donc appel aux probabilités en prenant en considération la valeur moyenne de multiples paramètres attachés à une molécule (sa vitesse, la longueur et la direction de sa trajectoire, le nombre de collisions par seconde avec d’autres molécules ou contre les parois du récipient, le nombre de fois où il n’y a aucune collision...) à partir desquels il peut expliquer le comportement d’un gaz.
Grâce à cette démarche innovante, Boltzmann réussit, en partant d’une étude effectuée au niveau microscopique (chaque molécule de gaz), à déterminer au niveau macroscopique les propriétés générales d’un gaz (pression, température, chaleur) et surtout à définir leurs valeurs de façon certaine.
Pour Planck, il s’agit d’un blasphème, une approche moléculaire et probabiliste !!
Quoi d’autre pour profaner encore les lois classiques de la thermodynamique.
Ludwig Boltzmann a interprété la deuxième loi de la thermodynamique comme une “loi de probabilité”. Si la probabilité relative ou le désordre de l’état d’un système est W, il conclut que l’entropie S du système dans cet état, est proportionnelle à la valeur de l’entropie.
Planck avait consacré des années à l’étude de l’entropie et de la seconde loi de la thermodynamique, et une relation fondamentale entre l’entropie et l’énergie a été cruciale dans la dérivation de la loi de la thermodynamique.
Les conclusions de Boltzmann semblaient fantastiques pour Planck, mais en 1900 il était de plus en plus désespéré, dans sa recherche d’un moyen acceptable pour calculer l’entropie du corps noir. Il avait pris plusieurs fois de mauvaises directions, fait une erreur fondamentale d’interprétation et épuisé son répertoire théorique.
Aucun des chemins théoriques qu’il avait connus jusqu’alors ne menait où il était certain de devoir arriver un jour.
Pour Planck, c’était un “acte de désespoir”, comme il l’a écrit plus tard à un collègue. « Par nature, je suis enclin à la paix et je rejette toute aventure douteuse », écrit-il, « mais à ce moment-là, j’avais lutté sans succès pendant six ans (depuis 1894) avec ce problème de l’équilibre entre le rayonnement et la matière et je savais que ce problème était d’une importance fondamentale pour la physique ; je connaissais également la formule qui exprime la distribution de l’énergie dans les spectres normaux (sa loi empirique du rayonnement). Il fallait trouver une interprétation théorique à n’importe quel prix, aussi élevé soit-il. »
La procédure de comptage utilisée par Planck pour calculer le désordre W dans l’équation a été empruntée à une autre technique théorique de Boltzmann. Il considérait — au moins à titre temporaire — que l’énergie totale des résonateurs était constituée de petits « éléments » indivisibles.
Son argumentation n’aboutirait pas à moins qu’il ne suppose que l’énergie des éléments était proportionnelle à la fréquence des ondes. Planck pouvait dériver sa loi de radiation et utiliser les données du corps noir pour calculer des valeurs numériques précises en joutant une constante théorique h.
La meilleure preuve de l’intelligence et de l’intégrité de Planck est qu’il a réussi contre lui-même, contre sa foi dans la physique classique.
Voulant démontrer le bien-fondé de sa formule, il teste la démarche probabiliste de Boltzmann. Tout comme lui, Planck applique sur les ondes ce que Boltzmann applique sur les Gaz. Il divise l’énergie E du rayonnement électromagnétique issu du corps noir en de très nombreuses quantités n très petites. Chacune d’elles étant dotée d’une quantité d’énergie e.
Il aboutit alors à la formule e = hf (i)
où f (i) représente les différentes fréquences du rayonnement correspondant, en partie, aux différentes couleurs composant la lumière visible et h est un facteur de proportionnalité dont la valeur, infiniment petite, est exprimée en joules/seconde : 6,55x 10-34 (très proche de la valeur connue de nos jours : 6,62 x 10 -34)
Cette constante sera appelée « constante h de Planck » et deviendra rapidement la clé de voûte de la physique quantique.
Planck vient donc de démontrer que les échanges d’énergie entre la matière incandescente (par exemple du bois qui brûle) et le rayonnement sous forme de chaleur (l’énergie) qui s’en échappe se font par petites quantités d’énergie, qu’il appela au début « quantité élémentaire d’action », qui seront baptisées « quanta d’énergie ».
Non seulement la formule était simple et précise, utile pour vérifier et corréler les données spectrales, et était, dans l’esprit de Planck, quelque chose de plus que cela. Ce n’était pas seulement une formule de radiation, c’était la formule de radiation, la loi finale faisant autorité, la loi régissant le rayonnement du corps noir. Et en tant que telle, elle pouvait être utilisée comme base d’une théorie et même, comme il s’est avéré, une théorie révolutionnaire. Sans hésitation, Planck s’est lancé à la poursuite de cette théorie.
Quand vous insérez une bûche dans la cheminée, les autres bûches qui brûlent déjà dégagent une énergie qui fait vibrer les atomes de la nouvelle bûche suivant une certaine fréquence. Cela permet à la matière (le bois qui brûle) de restituer une certaine quantité d’énergie sous la forme d’un rayonnement électromagnétique quantifié (c’est-à-dire discontinu) dont, on l’a vu, seule une très petite partie est visible.
A l’époque, il considérait les quanta simplement comme un dispositif mathématique pour compléter les calculs et obtenir les résultats que les expériences avaient montrés. Mais le concept quantique s’est avéré être une découverte révolutionnaire en soi. Non seulement les oscillations électromagnétiques dans le corps noir, ou n’importe quel corps sont quantifiées, comme Planck l’a proposé, mais Albert Einstein montre plus tard qu’un corps absorbe et émet aussi des ondes électromagnétiques en quanta d’énergie qui obéissent à cette règle.
Finalement cette idée conduit à la fondation d’une nouvelle branche de la physique, appelée la physique quantique, et à sa réalisation en tant que mécanique quantique. Ce nouveau concept a résolu le problème de la catastrophe des ultraviolets. Les corps noirs pouvaient facilement contenir (et émettre) des ondes rouges de basse fréquence puisque seule une petite quantité d’énergie est nécessaire pour former un quantum de basse fréquence.
Quand la température augmente, des quanta de plus haute énergie peuvent être créés comme les ultraviolets (ondes courtes), mais il sera difficile d’obtenir suffisamment d’énergie.
Le concept des quanta était radical, car il allait à l’encontre du thème séculaire de la continuité. L’énergie avait toujours été supposée exister transmise comme une onde selon les lois classiques de la thermodynamique affirmant que cette restitution d’énergie doit s’effectuer de façon continue.
Malgré la grande perplexité de Planck, tous ses calculs confirment que son résultat était juste. Il le démontre à Berlin, le 14 décembre 1900, devant ses pairs troublés de la Société allemande de physique.
Planck a initialement proposé sa solution au problème du rayonnement du corps noir lors du séminaire de Berlin en octobre 1900, mais n’a pas présenté de justification théorique qu’en décembre. L’article qui en résulte a été publié dans les Annalen der Physik est l’un des plus articles les plus importants de la physique du siècle Il a admis plus tard qu’il avait trouvé la formule correcte par chance. Un compte-rendu plus complet de ses idées a été publié dans son livre de 1906, Theorie der Wärmestrahlung (Théorie du rayonnement thermique).
Planck vient donc malgré lui de découvrir la constante universelle h (certes très petite, mais non nulle, qu’il appela h par dérision pour rappeler la première lettre de Hilfe !, « au secours » en allemand).
Planck fut totalement effondré par sa découverte révolutionnaire, qu’il qualifia même d’« acte de désespoir » ! De fait, il s’est senti devenir un hérétique scientifique : il venait de démontrer la réalité d’un phénomène physique (le transfert d’énergie ne se fait pas de façon continue, sous forme d’onde, mais discontinue, par quanta, et la quantité d’énergie transportée par ces derniers ne peut absolument pas dépasser un certain seuil) par des arguments qu’il a toujours rejetés comme contraires à ses plus profondes convictions, et il a toujours conseillé ses étudiants de ne pas les admettre. Il ne pensait pas aboutir à cette conclusion mettant en échec les lois classiques de la thermodynamique, qu’il avait passé sa vie à enseigner et à approfondir.
Indirectement, il cautionnait aussi l’idée que la matière, à son niveau le plus intime, est constituée d’atomes, ce qu’il avait toujours combattu avec fougue.
Durant une grande partie de sa vie, il considérera avoir sciemment utilisé un artifice mathématique auquel il ne croyait pas, uniquement pour valider sa formule, qu’il savait exacte. Cela tenait pour lui plus de la supercherie scientifique que d’un véritable travail de chercheur.
Une décennie après la découverte de l’action quantique par Planck, l’application de cette découverte a conduit à résoudre de nombreux paradoxes entre la théorie de la physique classique et la physique expérimentale.
Einstein va étendre les idées de Planck à la dualité onde-particule, proposant que la lumière émise soit sous la forme de quanta individuels d’énergie, appelés photons. Plus tard, le physicien danois Niels Bohr a développé les liens entre la physique quantique et l’atome.
En 1918, Planck a été récompensé par le prix Nobel de physique pour sa découverte.
Planck était un père de famille dévoué, un conférencier compétent, un musicien talentueux, un alpiniste infatigable, un administrateur formidable, un mentor par ses jeunes collègues, et une source d’inspiration pour tous. Einstein, qui, par sa personnalité et ses antécédents, semblait être presque un anti-Planck énumère pour Max Born les plaisirs de son séjour à Berlin, concluant par : « Mais en premier, être près de Planck est une joie. »
Planck était le plus heureux des hommes en compagnie de sa famille. Comme c’est merveilleux de mettre tout le reste de côté, et de vivre sein de la famille, écrivit — il. « Sa seconde épouse, Marga, remarque : “Il ne montrait toutes ses qualités humaines qu’en famille.” Avec sa première épouse, Marie, qui décède en 1909, il eut deux fils, Karl et Erwin, et des filles jumelles, Emma et Grete.
Lise Meitner, une jeune femme talentueuse, déterminée et timide qui se rend à Berlin en 1907 pour faire carrière dans la physique, objectif quasi impossible pour une femme à l’époque, s’est liée d’amitié avec Planck, qui l’a accueillie au sein de sa famille.
Dans un souvenir de Planck, elle écrit : “Planck aimait la compagnie joyeuse, sa maison était un centre de rassemblements sociaux. Les étudiants les plus avancés et les assistants en physique étaient régulièrement invités dans la Wangenheimstrasse. Si les invitations tombaient pendant le semestre d’été, on jouait au chat dans le jardin, un jeu auquel Planck participait avec une joie enfantine et une grande agilité. Il était presque impossible de ne pas être attrapé par le professeur”.
Karl, le fils aîné, meurt de blessures à Verdun lors de la Première Guerre mondiale.
En 1917, Grete meurt peu de temps après un accouchement. Le bébé survit. Emma aide à s’occuper de l’enfant nouveau-né, et épouse son beau-frère veuf, mais elle meurt elle aussi en couches.
Planck est dévasté par ces pertes. Après la mort des jumelles, il écrit dans une lettre à Hendrik Lorentz :
“Maintenant je pleure mes deux enfants chèrement aimés dans un chagrin amer et je me sens dépouillé et appauvri. Parfois, je doute de la valeur de la vie elle-même.”
Mais il avait d’immenses ressources. Il s’évadait dans son travail, non seulement dans les études solitaires de la physique théorique, mais aussi dans la vie universitaire.
Pendant des décennies, Planck a influencé l’Académie de Berlin, et la Société allemande de physique, gardienne de la principale revue de physique, Annalen der Physik. En 1930, trois ans après sa “retraite”, Planck est élu à la présidence de la Société Kaiser-Wilhelm et à la tête de ses instituts de recherche.
Il était connu comme la voie de la recherche scientifique allemande. En même temps, il restait actif dans la Société de physique, et donnait des conférences à l’université.
D’une manière ou d’une autre, Planck trouve le temps de se divertir, mais rien de frivole. Il est un excellent pianiste et préfère les romantiques, Schubert, Schumann, et Brahms, à la musique intellectuelle de Bach.
Planck accompagnait parfois le célèbre violoniste Joseph Joachim, et une fois ils ont joué en trio : Joseph Joachim, Einstein et Planck.
Planck a été témoin des deux guerres mondiales. Il a vu l’apogée de la recherche scientifique allemande en physique qu’il avait aidé à construire, détruite par les politiques nazies raciales et antisémites. Il fut le témoin de la fuite des cerveaux européens chassés par le régime nazi, vers les USA qui allait offrir aux américains, les fruits d’une longue tradition scientifique de la physique.
En février 1944, sa maison est bombardée, détruite avec sa bibliothèque, sa correspondance, et ses journaux intimes. Un an plus tard, le dernier fils de Planck issu de son premier mariage, Erwin, est exécuté en tant que conspirateur dans un complot contre Hitler.
“Il était une partie précieuse de mon être”. Planck a écrit à une nièce et un neveu. “Il était mon rayon de soleil, ma fierté, mon espoir. Aucun mot ne peut décrire ce que j’ai perdu avec lui.”
Tard dans sa vie, Planck a écrit : “La seule chose que nous pouvons revendiquer pour nous avec une assurance absolue, le plus grand bien qu’aucun pouvoir au monde ne peut nous prendre c’est l’intégrité de l’âme.”
Des années après la mort de Planck à l’âge de quatre-vingt-neuf ans, son collègue et ancien étudiant James Franck se souvint d’avoir observé sa lutte désespérée “pour éviter la théorie des quanta, et s’il ne pourrait pas au moins, réduire son influence dans toute la mesure du possible”. Pour Franck, il était clair que Planck “était un révolutionnaire malgré lui” qui “était finalement arrivé à la conclusion : ‘Ça ne sert à rien. Nous allons être obligés de vivre avec la théorie des quanta. Et, croyez-moi, elle se répandra.”.
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Manjit Kumar : Le grand roman de la physique quantique, Einstein, Bohr… et le débat sur la nature de la réalité, éditions Jean-Claude Lattès, 2011,
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