Quand Charles Bingley, un riche célibataire décide de faire de Netherfield sa nouvelle résidence, les habitants du voisinage sont ravis, en particulier Mme Bennet, qui espère le marier à l'une de ses cinq filles. Les filles Bennet le rencontrent à un bal local, et sont vivement impressionnées par sa personnalité extravertie et sa disposition amicale. Elles sont toutefois moins impressionnés, par Darcy ami de Bingley, et de Fitzwilliam. Darcy est un aristocrate terrien trop fier pour parler aux habitants du village et il surprend fortement Elisabeth Bennet en refusant de danser avec elle.
Bingley et la fille aînée Bennet Jane, formeront bientôt un couple d'amoureux. Toute relation sérieuse entre les deux, cependant, va à l'encontre de la volonté des soeurs de Bingley, elles n'approuvent pas cet éventuel mariage de Bingley en raison du statut social inférieur de la famille Benet. Darcy a également un avis négatif sur la jeune fille, trop indifférente à Bingley. Pendant ce temps, Darcy se sent attiré par Elizabeth. Il est attiré par son intelligence, ses yeux expressifs, et son humour. Jalouse d'Elizabeth, Caroline Bingley ne peut rien faire pour diminuer l'admiration que Darcy lui porte.
Alors que Darcy devient de plus en plus intéressé par Elizabeth, celle-ci le trouve désagréable et prétentieux. Elle tombe sous le charme de George Wickham, un militaire beau et aimable cantonné dans le village. Wickham raconte son histoire à Elizabeth.
Son père travaillait pour le père de Darcy, lui et Darcy ont grandi ensemble. Le père de Darcy qui l'aimait comme un fils, lui avait laissé des biens que Darcy par jalousie, a refusé de lui donner après le décès de son père. Il dresse un portrait de Darcy non seulement fier mais aussi cruel. Elizabeth n'est pas autrement surprise de ce récit qui va dans le sens de sa première impression.
Dans le même temps, la famille Bennet reçoit la visite d'un cousin, William Collins, un ecclésiastique. Il est l'héritier de la succession de M. Bennet à la mort de celui-ci par suite de la loi nommée majorat (où les femmes ne peuvent hériter, seuls les hommes de la famille sont héritiers). Il est redevable de sa charge à sa patronne, lady Catherine de Bourgh, qu'il abreuve de compliments et louanges. M. Collins informe M. Bennet que lady Catherine lui a demandé de se marier et qu'il a l'intention de choisir une femme parmi les filles Bennet. Il jette son dévolu sur Elizabeth, mais il est stupéfait et choqué quand elle refuse de l'épouser.
Il tourne rapidement son attention sur une amie d'Elizabeth, Charlotte Lucas, qui cherche désespérément à se marier. Charlotte a 27 ans, n'est pas jolie, n'a pas d'autre choix. Rapidement Charlotte et Collins sont fiancés et se marient.
Dans le même temps, Jane est consternée de découvrir que Bingley et ses amis de Netherfield sont brusquement partis pour Londres. Caroline Bingley écrit à Jane qu'ils n'ont pas l'intention de revenir, prédit un mariage entre Bingley et la soeur de Darcy, Georgiana, qui se trouve à Londres. Bien que Jane se voit obligée de renoncer à une vie avec Bingley, Elizabeth en colère soupçonne les soeurs Bingley et Darcy d'être la cause de ces changements faisant obstacle au bonheur de sa soeur.
Elizabeth en visite au nouveau domicile de Charlotte à Hunsford, dans le Kent, répond à une invitation de la patronne de M. Collins également tante de Darcy, Lady Catherine de Bourgh, une femme autoritaire qui s'ingère dans la vie d'autrui. Peu de temps après l'arrivée d'Elizabeth dans le Kent, Darcy rend visite à sa tante avec son cousin, le colonel Fitzwilliam.
Darcy intrigue Elizabeth par son comportement, il semble rechercher sa compagnie, mais il ne dit jamais grand-chose. Un jour, il surprend en faisant une proposition de mariage à Elizabeth.
Elizabeth refuse sans ménagement, repoussée par son caractère orgueilleux, elle le croit responsable de la séparation Bingley de Jane et du malheur de Wickham. Le lendemain, Darcy lui donne une lettre expliquant son influence sur l'éloignement de Bingley de Jane et détaille les faits sur la situation de Wickham. Un examen attentif des faits révèle que Darcy, tout fier qu'il soit, est innocent de toute faute, laissant la si fière Elizabeth, mortifiée d'être tombée elle-même dans des préjugés contre Darcy.
Un mois après son retour à la maison, Elizabeth part en voyage avec sa tante et son oncle Gardiner à Derbyshire County, où ils visitent les environs dont la propriété de Darcy, Pemberley. Là, ils le rencontrent de manière inattendue et sont tous surpris de voir comment Darcy les traite gentiment. Il voit Elizabeth à l'auberge où ils sont descendus et lui présente sa soeur, et l'invite à Pemberley pour le dîner.
Darcy est toujours amoureux d'Elizabeth, et Elizabeth commence à avoir des sentiments similaires pour lui.
Au milieu de cette embellie, Elizabeth reçoit deux lettres de Jane lui disant que Lydia s'est enfuie avec Wickham, obligeant Elizabeth et les Gardiners à rentrer immédiatement. Elizabeth craint que Lydia et la famille Bennet ne soient définitivement déshonorée et que son amour nouvellement découvert pour Darcy, sans lendemain. Lorsque Lydia est retrouvée, les deux amants sont mariés. A distance de l'événement, Elizabeth découvre que Darcy a joué un rôle dans l'orchestration du mariage, sauvant ainsi la réputation des autres filles Bennet.
Bingley revient à Netherfield et demande dès son retour, à Jane de l'épouser. Jane, bien sûr, accepte, Mme Bennet exulte. Pendant ce temps, le bonheur d'Elisabeth pour sa soeur est interrompu par une visite de lady Catherine de Bourgh, qui a entendu une rumeur selon laquelle Darcy et Elizabeth se sont engagés, mais ils ne sont pas.
Elle sermonne ouvertement l'imprudence d'Elizabeth puis exige la promesse qu'Elizabeth n'acceptera pas d'éventuelle proposition de mariage de Darcy. Elizabeth refuse, provoquant lady Catherine.
Cette réponse donne de l'espoir à Darcy qu'elle a changé d'avis sur lui. Il lui propose à nouveau de se marier et Elizabeth accepte avec joie.
Peut-être pour la première fois dans l'histoire de la littérature européenne, Austen introduit l'amour passion ou l'amour romantique dans le mariage, alors que le mariage était considéré comme une association économique et sociale. Si le style de Jane Austen est classique, son approche du couple dans le mariage est parfaitement moderne. Elle refuse l'idée du couple raisonnable pour dessiner un couple fondé sur un équilibre entre amour et raison, l'individu a un mot à dire dans son destin conjugal. Une fille peut et droit refuser un mariage, non pas par refus du mariage comme institution, mais par refus de partager sa vie avec une personne qu'elle n'apprécie pas.
L'amour romantique chez Jane Austen est une affirmation de soi, une validation de ses propres besoins. Les parents chez Jane Austen sont généralement ridicules et incompétents, les pères indécis, parfois dépressifs, des mères sottes ou passives. Les femmes (filles) devraient chercher leurs chemins par leurs propres moyens. Elle insiste sur l'importance du bon sens, de la modération, de la raison dans les choix de ses héroïnes.
Une lecture attentive de romans de Jane Austen démontre sa grande connaissance de l'attirance sexuelle, de ces paramètres, de ses signes, de ses dynamiques. Une connaissance fondée sur l'observation avant les études sociologiques ou la naissance de la sexologie au début du XXe siècle.
Les héros victimes de cette attirance sexuelle, se retrouvent en face de dimensions nouvelles, cherchent dans leur raison les moyens de comprendre, d'agir sous l'emprise du coup de foudre, ou d'une attirance sexuelle intense. Jane Austen insiste sur l'authenticité et la vérité des sentiments qui conditionnent la réponse de l'autre.
Ses héroïnes résistent plus ou moins à cette attirance sexuelle pour vérifier l'authenticité et la vérité des motivations de l'autre.
Chez elle, le couple est un engagement trop sérieux pour être fondé sur la simple attirance sexuelle. Le couple selon Jane Austen est un équilibre entre désir sexuel, raison, et sentiments.
Darcy est un héros romantique, victime d'un coup de foudre, il désire une fille moins belle que d'autres, mais plus intelligente. Elle a plus de charme que de beauté. Le comportement de Darcy est fidèle à son amour-propre. Il propose le mariage une première fois à Élisabeth Bennet, elle refuse. L'histoire s'arrête là. L'amour propre interdit à un homme de présenter ses hommages une deuxième fois.
Dans son essai, sur l'amour et l'amitié, Allan Bloom discute l'influence de Jean Jacques Rousseau sur Jane Austen, surtout dans son roman "Orgueil et préjugé". Longtemps avant la psychologie moderne qui a fondé le concept de l'estime de soi, JeanJacques Rousseau a forgé le concept de l'amour-propre. Dans les essais littéraires, le terme d'amour-propre demeure utilisé plus que le terme estime de soi, réservé à la psychologie et à la médecine.
La naissance de l'individu s'accompagne de la naissance de l'amour propre, l'estime de soi devient le mécanisme indispensable pour la survie de l'individu dans la société. Dans Orgueil et préjugés, il est question d'estime de soi, de validation de ses propres besoins, d'entrer dans le couple en étant un individu entier, et non pas comme membre anonyme de la société. Élisabeth Bennet juge Darcy condescendant, ne respectant pas sa propre estime d'elle-même en rabaissant sa famille, et sa condition sociale. Darcy juge Élisabeth Bennet comme orgueilleuse incapable de valider ses besoins à lui, besoin de reconnaissance sociale et de respect.
Élisabeth Bennet refuse la proposition de mariage de Darcy ; un acte spectaculaire pour une fille modeste menaçant ainsi son avenir social et économique ; Élisabeth Bennet accomplit un acte indispensable: la confirmation de soi. Elle ne pouvait garder son estime d'elle-même sans se défendre en face de Darcy. Quelques chapitres auparavant, elle refuse son cousin M. Collins car elle ne l'aimait pas. Valider ses propres besoins est composante essentielle de l'estime de soi.
Nous pouvons discuter longtemps, comme cela se passe dans les clubs de lecture sur Jane Austin, sur la sincérité des reproches de Bennet à Darcy et vice versa, on peut déjà dire que les deux amoureux avaient leur propre part de vérité et une sacrée dose de mauvaise foi.
Jane Austen démontre à travers cette aversion provisoire entre les deux amoureux, la peur de chacun de ses propres sentiments, la crainte de l'emprise de l'autre sur son destin. Par la suite, Jane Austen décrira une démarche raisonnable des deux partenaires : l'amour-propre dans le couple devrait être respecté, les besoins de chacun conditionnent la qualité du couple, la solution réside dans l'égalité des partenaires.
Allan Bloom résume à sa façon dans une jolie formule ces dynamiques de rencontre :
«dans l'affrontement de ces deux guerriers, la connaissance de soi progresse, l'orgueil et les préjugés sont corrigés".
Après le refus du mariage, pendant lequel Élisabeth Bennet a accusé Darcy de rabaisser sa famille, de ne pas « admettre ses besoins et sa capacité à dire non », Darcy lui adresse une lettre d'explication. Cette lettre est d'une importance décisive dans le roman. Il donne des explications. L'incertitude et l'ambiguïté des sentiments vont secouer Élisabeth Bennet comme les autres héroïnes chez Jane Austen. Le jugement devient plus nuancé. Darcy est moins monstrueux, moins antipathique.
L'amour entre Darcy et Bennet peut être qualifier d'amour romantique, les deux egos naviguent seuls dans un océan d'incertitude, cherchant des solutions ensemble, loin de la société, dans la discrétion. C'est un amour romantique car le hasard et la chance jouent un rôle important dans la relation.
Comme les autres héroïnes, l'égo d'Élisabeth Bennet s'exprime dans le couple, et non pas dans la société. Elle se réalise dans le couple, et le couple s'adapte aux conventions sociales. Jane Austen célèbre avec délice les triomphes de ses héroïnes, l'une après l'autre, où chacune cherche à valider ses besoins, à imposer sa volonté dans le couple : certaines se marient par amour, d'autres par intérêt, en choisissant avec une belle lucidité.
"Il est universellement admis qu'un célibataire nanti d'une belle fortune a forcément besoin d'une épouse. Si mal connus que soient les sentiments ou les opinions d'un tel homme, dès lors qu'il paraît dans une certaine société, cette vérité est si bien ancrée dans l'esprit des familles du voisinage qu'il est considéré comme propriété légitime de l'une ou l'autre de leurs filles."
Orgueil et préjugés , Jane Austen
Outre le mariage de Mme et M. Bennet, quatre mariages ont lieu dans le roman, la plupart du temps émanant de l'amour entre les partenaires. Par ailleurs, la principale préoccupation du roman est la séduction et l'amour.
Le premier mariage qui attire notre attention est celui de Mme Bennet et M. Bennet. Mme Bennet n'était pas un bon parti pour M. Bennet. Elle est nerveuse, ridicule, alors que M. Bennet est un homme conscient et sensible qui aspire à la tranquillité. Ce mariage est le pire exemple de ce genre dans le roman. Le deuxième exemple de mariage dans le roman est celui de Charlotte Lucas et M. Collins.
M. Collin est un membre du clergé fortuné et stupide. Il se propose d'abord d'épouser Elizabeth mais elle le rejette. Il propose à Charlotte Lucas qui accepte sa proposition parce qu'elle veut la sécurité économique. C'est un mariage de convenance, pas un mariage d'amour.
Le troisième exemple de mariage dans le roman est celui de Lydia et Wickham.
Wickham est un coureur de jupons et un tricheur. Il attrape Lydia dans son filet et elle tombe amoureuse de lui. Elle s'enfuit avec lui provoquant la honte sur sa famille ; "jeune fille perdue, sans soutien et sans argent". Darcy intervient, paie Wickham pour qu'il épouse Lydia et sauve l'honneur de la famille de Bennet.
Le quatrième exemple de mariage est celui de Jane et Bingley. Ils s'aiment. Bingley épouse Jane sans dot. Ceci est un exemple d'un mariage d'amour.
Le cinquième et dernier exemple de mariage est celle d'Elisabeth et de Darcy. Selon Austen, c'est un exemple d'un mariage fondé sur la compréhension et sur l'amour. Avant le mariage, ils ont rencontré des différences profondes et des confrontations résultant de la fierté de Darcy et des préjugés d'Elizabeth. Ils se marient quand Darcy renonce à sa fierté et Elizabeth renonce à ses préjugés. Un exemple de mariage idéal.
C'est probablement l'influence de Rousseau, encore une fois, sur la culture européenne, qui guide Jane Austen dans son travail. Rousseau disait qu'une relation solide entre un homme et une femme se fonde sur la complémentarité. Nous pouvons discuter longuement ce terme complémentarité,
Nous pouvons avoir plusieurs points de vue. Le couple devient une interdépendance, une relation interpersonnelle.
L'homme demeure distinct de la femme, la femme demeure distincte de l'homme, les deux partenaires partagent leurs capacités, leurs expériences, leurs intelligences, pour produire le meilleur pour le couple. Cette interdépendance est à l'opposition de l'amour fusionnel qui règne dans notre mode de vie actuelle.
Darcy et Bennet jouent la complémentarité, ils discutent indéfiniment pour échanger, pour enrichir leurs relations, et pour cultiver, non pas l'intelligence individuelle, mais l'intelligence du couple.
La sexualité dans le sens jouissance n'existe pas chez Jane Austen. On peut bien sûr imaginer une suite, par ex la nuit de noces de Bennet et de Darcy. Certains auteurs ont tenté de se moquer de la pudeur de Jane Austen.
La question de la sexualité dans l'amour romantique est une question délicate. L'amour romantique exige l'égalité des partenaires, l'union de deux egos.
Comment pouvons-nous accepter l'approche de Jane Austin? Aristote disait l'orgasme et la pensée s'excluent mutuellement. Austen semble d'accord sur ce point comme d'autres écrivains au 19ème siècle.
Il y a un temps pour la parole entre Bennet et Darcy, un temps pour la jouissance, ce temps là commence après la sortie de l'église.
La femme devra savoir quoi faire dans la relation. Elle sera punie socialement et émotionnellement en cas d'erreur. Pour que la femme puisse bien choisir, bien juger, l'homme ne devrait pas mentir ou se présenter sous un faux jour. Cette exigence de vérité est une constante dans les romans de Jane Austen. Dans Orgueil et préjugé, Wickham est jugé misérable et méprisable car il a menti.
Jane Austen condamne sévèrement les mensonges dans la relation. Elle prend la relation au sérieux, elle prend le couple au sérieux, et les conséquences de l'échec de la relation.
A notre époque, l'amour romantique reprend cette exigence de vérité comme un fondement de couple.
Référence
Mallaisy Thérèse: Pourquoi Austen redevient populaire, Ed Causam, 2015
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